Pourriez-vous, pour commencer, nous présenter l’équipe d’hygiène hospitalière du Centre hospitalier du Mans ?
Dr Clémence Vétillard : Fédérant une dizaine de personnes, notre équipe est composée de deux praticiennes pharmaciennes, le Dr Daphné Folliot et moi-même, d’un cadre de santé, Éric Tricot, ainsi que de cinq infirmières spécialisées en hygiène, et d’une technicienne biohygiéniste – sans oublier le secrétariat. Nous intervenons dans les unités de soins du CH du Mans, mais aussi dans d’autres établissements à travers le Relais territorial en hygiène (RTH) sarthois, dit Lutin 72, que nous coordonnons.
Dr Daphné Folliot : Créé en 2005, le RTH couvre l’ensemble du département – c’est d’ailleurs l’une de ses particularités.L’adhésion est non obligatoire, mais ce réseau est ouvert à tous les établissements sanitaires et médico-sociaux sarthois. Actuellement, seize établissements sanitaires, tous les EHPAD du département et 25 autres établissements médico-sociaux issus notamment du pôle handicap, soit près d’une centaine de structures, font partie du Lutin 72.
Quelles sont, plus précisément, les missions du RTH sarthois ?
Dr Clémence Vétillard : Le Lutin 72 couvre plusieurs objectifs en lien avec le contrôle et la prévention du risque infectieux, tels que la participation à la formation initiale des professionnels de santé, la promotion d’actions spécifiques et la facilitation des échanges et retours d’expérience. Il accompagne également les établissements adhérents dans la surveillance des infections, la gestion des épidémies et la prévention des risques environnementaux, tout en les assistant pour des évaluations et audits des pratiques, ainsi que pour l’élaboration de plans d’action et, dans les établissements médico-sociaux, de la Démarche d’analyse et de maîtrise du risque infectieux (DAMRI).
Justement, pourriez-vous évoquer plus en détail vos interventions auprès des structures médico-sociales du département ?
Dr Daphné Folliot : Au sein du CH du Mans, l’une des infirmières hygiénistes opère exclusivement à travers le Lutin 72. Elle est donc en mesure d’intervenir quotidiennement auprès des établissements médico-sociaux, pour les accompagner et répondre à leurs questions – qui sont d’ailleurs très variées, car elles vont de la gestion épidémique à l’application des règles d’hygiène en cuisine, en passant par la vaccination et, bien sûr, la démarche DAMRI.
Dr Clémence Vétillard : Les interrogations du secteur médico-social peuvent sensiblement différer de celles que l’on peut rencontrer dans le sanitaire, car il a des problématiques qui lui sont propres. Cela étant, le grand nombre d’ESMS accompagnés par le Lutin 72 permet d’homogénéiser les pratiques sur le territoire, tout en tenant compte des contraintes de chacun.
Quid, alors, de l’accompagnement proposé par le Lutin 72 pour les adhérents issus du secteur sanitaire ?
Dr Daphné Folliot : Ces établissements disposent le plus souvent d’infirmiers hygiénistes en interne, voire de praticiens hygiénistes en temps partagé. Cette présence sur le terrain leur permet déjà de bénéficier d’un suivi régulier au sein de leurs services de soins. Le Lutin 72 intervient donc plutôt en tant qu’expert, sur demande ou dans le cadre des Comités de lutte contre les infections associées aux soins (CLIAS). Nous sommes également présents pour des formations, pour la préparation aux démarches de certification, ou pour des enjeux spécifiques comme les bactéries hautement résistantes ou la prévention du risque infectieux lié à l’environnement.
Dr Clémence Vétillard : Tous les deux mois, nous organisons aussi des réunions réservées aux équipes d’hygiène des établissements sanitaires adhérents au Lutin 72. Nous les informons ainsi sur l’évolution des connaissances et les nouvelles recommandations, tout en leur proposant un espace d’échanges, par exemple pour effectuer un retour d’expérience ou poser des questions sur des sujets spécifiques. Ces rencontres leur permettent de bénéficier d’un moment de partage autour d’une thématique qui va intéresser plusieurs établissements, ce qui va aussi favoriser l’uniformisation des pratiques sur le territoire.
Vous l’aviez mentionné, le Lutin 72 porte également des actions de formation. Pourriez-vous nous en parler ?
Dr Daphné Folliot : La formation occupe en effet une place importante parmi les missions du RTH sarthois, mais aussi au sein du CH du Mans. Nous intervenons aussi bien dans le cadre des formations initiales paramédicales proposées à l’échelle du département – infirmiers, aides-soignants, auxiliaires puéricultrices, ambulanciers – que pour la formation continue des professionnels en poste. Nous proposons également des formations ou des modules sur des sujets plus spécifiques, à destination des équipes du CHM, des établissements du Lutin 72, ou même des professionnels de santé libéraux.
Dr Clémence Vétillard : Nos actions de formation, multiprofessionnelles, peuvent prendre plusieurs formes, car nous essayons de varier les modes d’apprentissage pour rester attractifs et pertinents. Au-delà des formats « classiques », nous proposons aussi des approches plus ludiques, par exemple des escape games, des lotos, ou des memory dédiés au monde de l’hygiène. Ces outils pédagogiques sont d’ailleurs plébiscités et fonctionnent plutôt bien, à l’échelle du CHM comme du Lutin 72.
Vous avez aussi développé la pédagogie par simulation…
Dr Clémence Vétillard : Deux membres de notre équipe sont formés à cette approche, ce qui nous permet effectivement de proposer des formations par simulation. En petits groupes – six personnes environ –, les professionnels de santé peuvent alors réaliser des gestes spécifiques sur des mannequins, par exemple pour la réfection des pansements de cathéters centraux ou la pose d’aiguille de Huber. Ces soins techniques, que les infirmiers n’ont pas l’occasion de réaliser quotidiennement, nécessitent un certain savoir-faire qu’il est plus facile d’acquérir en alliant théorie et pratique. C’est pour cela que nous avons opté ici pour la pédagogie par simulation : elle est certes plus complexe à organiser qu’une formation théorique classique, mais elle a aussi des résultats sensiblement meilleurs.
Sur un autre registre, l’activité de recherche de l’équipe d’hygiène hospitalière du CHM est en plein essor. Pourriez-vous nous en parler ?
Dr Clémence Vétillard : Ce volet de notre activité connaît en effet un développement important depuis un peu plus d’un an, tant sur le volet médical que paramédical. Et nous rencontrons déjà un certain succès, puisque huit de nos projets seront présentés sous forme de posters, de communications orales et de jeux pédagogiques lors du prochain congrès de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H), qui aura lieu du 4 au 6 juin 2025 à Marseille.
Quelles thématiques abordez-vous dans ces posters ?
Dr Clémence Vétillard : Nous mettons surtout en valeur des projets menés depuis plusieurs années au sein du CHM. Par exemple, l’un des posters est consacré à l’immersion, un procédé d’audit que nous utilisons beaucoup : l’hygiéniste s’immerge totalement dans un service hospitalier, sans thématique prédéfinie ou grille d’évaluation. En nous intégrant à l’équipe, nous pouvons ainsi l’accompagner au plus près de son exercice quotidien. À la fin de chaque prise en soin d’un patient, nous pouvons débriefer avec les professionnels concernés pour discuter de leurs pratiques, en mettant en lumière les points à valoriser et ceux à retravailler. Menée sur plusieurs journées consécutives au sein d’un même service, cette immersion est ensuite complétée par la réalisation d’un poster compte-rendu restitué à l’équipe. Bien qu’elle soit chronophage, cette démarche offre de réels bénéfices, pour améliorer les pratiques d’hygiène au sein de l’équipe entière, mais aussi pour mieux faire connaître et reconnaître notre service. Mieux identifié, il sera plus facilement contacté en cas de besoin.
Dr Daphné Folliot : Un autre poster présenté au congrès de la SF2H portera sur la surveillance des complications associées aux dispositifs intravasculaires. Depuis quelques années, le CHM s’est doté d’une Unité d’accès vasculaire (UAV), qui regroupe des anesthésistes et des infirmiers anesthésistes formés à la pose de voies veineuses périphériques et centrales. Leur prise en charge, notamment lors du retour à domicile, représente donc un point de vigilance sur lequel nous avons travaillé ensemble : nous avons revu la plaquette fournie au patient pour y ajouter plus d’informations, dont un QR Code afin que les professionnels de ville en charge du suivi à domicile puissent avoir accès à une vidéo éducative sur la manipulation de ces dispositifs.
Comptez-vous poursuivre vos activités de recherche dans les mois à venir ?
Dr Daphné Folliot : Bien sûr, car nous souhaitons accentuer encore la démarche, en mettant en avant l’existant et en lançant de nouveaux projets. Nous avons aussi pour projet d’accueillir des internes, pour les associer à ces actions mais aussi et surtout pour mieux faire connaître notre discipline, qui peut être mal perçue par les autres professionnels de santé. L’hygiène hospitalière est pourtant un domaine passionnant, qui regroupe de nombreuses thématiques et que l’on peut dimensionner à nos envies, nos ambitions.
> Article paru dans Hospitalia #69, édition de mai 2025, à lire ici
Dr Clémence Vétillard : Fédérant une dizaine de personnes, notre équipe est composée de deux praticiennes pharmaciennes, le Dr Daphné Folliot et moi-même, d’un cadre de santé, Éric Tricot, ainsi que de cinq infirmières spécialisées en hygiène, et d’une technicienne biohygiéniste – sans oublier le secrétariat. Nous intervenons dans les unités de soins du CH du Mans, mais aussi dans d’autres établissements à travers le Relais territorial en hygiène (RTH) sarthois, dit Lutin 72, que nous coordonnons.
Dr Daphné Folliot : Créé en 2005, le RTH couvre l’ensemble du département – c’est d’ailleurs l’une de ses particularités.L’adhésion est non obligatoire, mais ce réseau est ouvert à tous les établissements sanitaires et médico-sociaux sarthois. Actuellement, seize établissements sanitaires, tous les EHPAD du département et 25 autres établissements médico-sociaux issus notamment du pôle handicap, soit près d’une centaine de structures, font partie du Lutin 72.
Quelles sont, plus précisément, les missions du RTH sarthois ?
Dr Clémence Vétillard : Le Lutin 72 couvre plusieurs objectifs en lien avec le contrôle et la prévention du risque infectieux, tels que la participation à la formation initiale des professionnels de santé, la promotion d’actions spécifiques et la facilitation des échanges et retours d’expérience. Il accompagne également les établissements adhérents dans la surveillance des infections, la gestion des épidémies et la prévention des risques environnementaux, tout en les assistant pour des évaluations et audits des pratiques, ainsi que pour l’élaboration de plans d’action et, dans les établissements médico-sociaux, de la Démarche d’analyse et de maîtrise du risque infectieux (DAMRI).
Justement, pourriez-vous évoquer plus en détail vos interventions auprès des structures médico-sociales du département ?
Dr Daphné Folliot : Au sein du CH du Mans, l’une des infirmières hygiénistes opère exclusivement à travers le Lutin 72. Elle est donc en mesure d’intervenir quotidiennement auprès des établissements médico-sociaux, pour les accompagner et répondre à leurs questions – qui sont d’ailleurs très variées, car elles vont de la gestion épidémique à l’application des règles d’hygiène en cuisine, en passant par la vaccination et, bien sûr, la démarche DAMRI.
Dr Clémence Vétillard : Les interrogations du secteur médico-social peuvent sensiblement différer de celles que l’on peut rencontrer dans le sanitaire, car il a des problématiques qui lui sont propres. Cela étant, le grand nombre d’ESMS accompagnés par le Lutin 72 permet d’homogénéiser les pratiques sur le territoire, tout en tenant compte des contraintes de chacun.
Quid, alors, de l’accompagnement proposé par le Lutin 72 pour les adhérents issus du secteur sanitaire ?
Dr Daphné Folliot : Ces établissements disposent le plus souvent d’infirmiers hygiénistes en interne, voire de praticiens hygiénistes en temps partagé. Cette présence sur le terrain leur permet déjà de bénéficier d’un suivi régulier au sein de leurs services de soins. Le Lutin 72 intervient donc plutôt en tant qu’expert, sur demande ou dans le cadre des Comités de lutte contre les infections associées aux soins (CLIAS). Nous sommes également présents pour des formations, pour la préparation aux démarches de certification, ou pour des enjeux spécifiques comme les bactéries hautement résistantes ou la prévention du risque infectieux lié à l’environnement.
Dr Clémence Vétillard : Tous les deux mois, nous organisons aussi des réunions réservées aux équipes d’hygiène des établissements sanitaires adhérents au Lutin 72. Nous les informons ainsi sur l’évolution des connaissances et les nouvelles recommandations, tout en leur proposant un espace d’échanges, par exemple pour effectuer un retour d’expérience ou poser des questions sur des sujets spécifiques. Ces rencontres leur permettent de bénéficier d’un moment de partage autour d’une thématique qui va intéresser plusieurs établissements, ce qui va aussi favoriser l’uniformisation des pratiques sur le territoire.
Vous l’aviez mentionné, le Lutin 72 porte également des actions de formation. Pourriez-vous nous en parler ?
Dr Daphné Folliot : La formation occupe en effet une place importante parmi les missions du RTH sarthois, mais aussi au sein du CH du Mans. Nous intervenons aussi bien dans le cadre des formations initiales paramédicales proposées à l’échelle du département – infirmiers, aides-soignants, auxiliaires puéricultrices, ambulanciers – que pour la formation continue des professionnels en poste. Nous proposons également des formations ou des modules sur des sujets plus spécifiques, à destination des équipes du CHM, des établissements du Lutin 72, ou même des professionnels de santé libéraux.
Dr Clémence Vétillard : Nos actions de formation, multiprofessionnelles, peuvent prendre plusieurs formes, car nous essayons de varier les modes d’apprentissage pour rester attractifs et pertinents. Au-delà des formats « classiques », nous proposons aussi des approches plus ludiques, par exemple des escape games, des lotos, ou des memory dédiés au monde de l’hygiène. Ces outils pédagogiques sont d’ailleurs plébiscités et fonctionnent plutôt bien, à l’échelle du CHM comme du Lutin 72.
Vous avez aussi développé la pédagogie par simulation…
Dr Clémence Vétillard : Deux membres de notre équipe sont formés à cette approche, ce qui nous permet effectivement de proposer des formations par simulation. En petits groupes – six personnes environ –, les professionnels de santé peuvent alors réaliser des gestes spécifiques sur des mannequins, par exemple pour la réfection des pansements de cathéters centraux ou la pose d’aiguille de Huber. Ces soins techniques, que les infirmiers n’ont pas l’occasion de réaliser quotidiennement, nécessitent un certain savoir-faire qu’il est plus facile d’acquérir en alliant théorie et pratique. C’est pour cela que nous avons opté ici pour la pédagogie par simulation : elle est certes plus complexe à organiser qu’une formation théorique classique, mais elle a aussi des résultats sensiblement meilleurs.
Sur un autre registre, l’activité de recherche de l’équipe d’hygiène hospitalière du CHM est en plein essor. Pourriez-vous nous en parler ?
Dr Clémence Vétillard : Ce volet de notre activité connaît en effet un développement important depuis un peu plus d’un an, tant sur le volet médical que paramédical. Et nous rencontrons déjà un certain succès, puisque huit de nos projets seront présentés sous forme de posters, de communications orales et de jeux pédagogiques lors du prochain congrès de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H), qui aura lieu du 4 au 6 juin 2025 à Marseille.
Quelles thématiques abordez-vous dans ces posters ?
Dr Clémence Vétillard : Nous mettons surtout en valeur des projets menés depuis plusieurs années au sein du CHM. Par exemple, l’un des posters est consacré à l’immersion, un procédé d’audit que nous utilisons beaucoup : l’hygiéniste s’immerge totalement dans un service hospitalier, sans thématique prédéfinie ou grille d’évaluation. En nous intégrant à l’équipe, nous pouvons ainsi l’accompagner au plus près de son exercice quotidien. À la fin de chaque prise en soin d’un patient, nous pouvons débriefer avec les professionnels concernés pour discuter de leurs pratiques, en mettant en lumière les points à valoriser et ceux à retravailler. Menée sur plusieurs journées consécutives au sein d’un même service, cette immersion est ensuite complétée par la réalisation d’un poster compte-rendu restitué à l’équipe. Bien qu’elle soit chronophage, cette démarche offre de réels bénéfices, pour améliorer les pratiques d’hygiène au sein de l’équipe entière, mais aussi pour mieux faire connaître et reconnaître notre service. Mieux identifié, il sera plus facilement contacté en cas de besoin.
Dr Daphné Folliot : Un autre poster présenté au congrès de la SF2H portera sur la surveillance des complications associées aux dispositifs intravasculaires. Depuis quelques années, le CHM s’est doté d’une Unité d’accès vasculaire (UAV), qui regroupe des anesthésistes et des infirmiers anesthésistes formés à la pose de voies veineuses périphériques et centrales. Leur prise en charge, notamment lors du retour à domicile, représente donc un point de vigilance sur lequel nous avons travaillé ensemble : nous avons revu la plaquette fournie au patient pour y ajouter plus d’informations, dont un QR Code afin que les professionnels de ville en charge du suivi à domicile puissent avoir accès à une vidéo éducative sur la manipulation de ces dispositifs.
Comptez-vous poursuivre vos activités de recherche dans les mois à venir ?
Dr Daphné Folliot : Bien sûr, car nous souhaitons accentuer encore la démarche, en mettant en avant l’existant et en lançant de nouveaux projets. Nous avons aussi pour projet d’accueillir des internes, pour les associer à ces actions mais aussi et surtout pour mieux faire connaître notre discipline, qui peut être mal perçue par les autres professionnels de santé. L’hygiène hospitalière est pourtant un domaine passionnant, qui regroupe de nombreuses thématiques et que l’on peut dimensionner à nos envies, nos ambitions.
> Article paru dans Hospitalia #69, édition de mai 2025, à lire ici