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Pharmacie

Tabula rasa du régime de l’accès précoce des médicaments – acte 2 : un objectif de simplification au cœur des modalités d’application de la réforme


Rédigé par Me Ghislaine ISSENHUTH, Avocat au Barreau de Paris, et Me Olivier SAMYN, Associé, LMT Avocats le Mercredi 1 Décembre 2021 à 15:38 | Lu 859 fois


La réforme de l’accès dérogatoire des médicaments est une entreprise d’envergure qui a débuté depuis près de deux ans, avec l’adoption de l’article 78 de la loi n°2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021. La refonte opérée a pour but de pérenniser l’accès compassionnel et de conforter l’accès à l’innovation, objectif affiché du 8ème Conseil stratégique des industries de santé (CSIS). Une démarche ambitieuse, dans la mesure où elle tend à simplifier un régime devenu extrêmement complexe au fil des années qui n’en demeure pas moins indispensable aux patients, puisque près de 23 000 patients sont sous ATU nominative et 7 000 sous ATU de cohorte.



Cette réforme devant entrer en vigueur le 1er juillet 2021, deux décrets d’application et quatre arrêtés* sont venus préciser le contenu des dossiers, les différentes procédures encadrant la vie de ces autorisations, les modalités de recueil des données, les conditions de prise en charge des produits concernés, l’application des nouvelles mesures dans le temps, ainsi que les barèmes de remises et les barèmes de majoration applicables.

Sans rentrer dans le détail des modalités pratiques de la réforme, dont l’exposé pourrait s’avérer fastidieux, plusieurs points méritent d’être mis en lumière.

La collaboration resserrée entre l’ANSM et la HAS

La collaboration instaurée entre l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la Haute Autorité de Santé (HAS) répond à la volonté d’accélérer la délivrance des autorisations. Les deux autorités doivent rendre un avis commun dans un délai de trois mois, sur la base d’un dossier unique déposé sur une plateforme dématérialisée. Ainsi, dans le cadre de l’accès précoce pré-AMM, l’ANSM doit se prononcer sur le bénéfice/risque du produit. Elle peut rendre un avis défavorable explicite ou implicite (en cas de silence gardé), qui met fin à la procédure. En revanche, son avis favorable entraîne une phase d’examen de la HAS, qui procède alors à l’évaluation de quatre critères d’éligibilité cumulatifs : la gravité ou la prévalence d’une maladie ou son caractère handicapant (i) ; l’absence de traitement approprié (ii) ; l’impossibilité de différer la mise en œuvre du traitement (iii) ; et le caractère présumé innovant, notamment au regard d’un éventuel comparateur cliniquement pertinent (iv). C’est sur cette base que la HAS rend une décision explicite de refus ou une décision d’accord, qui peut être explicite ou implicite (le silence de la HAS valant ici accord).

Cette décision favorable entraîne la prise en charge automatique du produit par la solidarité nationale et engendre une double obligation pour l’industriel, qui dispose d’un délai de deux mois pour mettre à disposition le produit et d’un délai de deux ans pour déposer une demande d’autorisation de mise sur le marché.
 

Le recueil des données renforcé

Les autorisations d’accès précoce sont subordonnées au respect d’un protocole d’utilisation thérapeutique et de recueil de données (PUT-RD), qui doit notamment contenir les conditions de délivrance de l’autorisation d’accès précoce, les modalités de prescription, de dispensation et d’utilisation du médicament.

Dans le cadre des obligations de suivi prévues par le PUT-RD, les industriels sont tenus d’adresser, selon une périodicité établie par le protocole, un rapport de synthèse reprenant notamment toutes les informations recueillies dans le cadre de la mise en œuvre du protocole (condition d’utilisation, efficacité, sécurité d’emploi) et une analyse du rapport bénéfice risque.

La réforme tend en outre à une plus grande exhaustivité des données, avec pour cible moins de 10% de données manquantes. Pour y parvenir, la principale nouveauté réside dans l’obligation de recueillir des données observationnelles. Par ailleurs, la collecte des données est limitée à trois variables : la mortalité, le critère de jugement principal de l’étude pivot si cette dernière est faisable en pratique courante, et les PROMS (Patient-reported outcomes measures – indicateurs recueillis par les patients eux-mêmes).
 

Une pédagogie au service de l’innovation

Dans un souci d’accompagner les différents acteurs en présence, de nombreux outils ont été élaborés par les autorités :  Doctrine d’évaluation de la HAS, Guide permettant d’accompagner les industriels, Matrice de dossier type – Accès précoce, Modèle de PUT-RD mais également organisation de webinaires. À cette occasion, le Président de la Commission de la transparence a notamment apporté des précisions quant à la lecture qui devait être faite d’un des critères d’éligibilité, soit l’absence de traitement approprié. Cette notion doit être distinguée de celle de comparateur pertinent, et doit se lire comme une alternative thérapeutique qui peut être médicamenteuse ou non (à l’exclusion des soins de support). Cette alternative thérapeutique doit être recommandée dans la stratégie thérapeutique au même niveau que le produit soumis à autorisation, disponible immédiatement en pratique courante et pris en charge par la collectivité, et disposer de données d’efficacité et de tolérance sans perte de chance pour le patient. Dans l’hypothèse où le produit concerné et l’alternative thérapeutique ont une efficacité équivalente, la HAS appréciera alors si le produit améliore la qualité de vie et s’il apporte une amélioration à visée thérapeutique (comme un passage d’un traitement palliatif à un traitement curatif).

Les efforts de lisibilité déployés par les autorités doivent êtes salués même si comme toute réforme, la refonte de l’accès précoce et de l’accès compassionnel comporte encore certaines zones d’ombres, notamment en ce qui concerne la transition entre l’ancien et le nouveau régime.

*Décret n° 2021-869 du 30 juin 2021 relatif aux autorisations d'accès précoce et compassionnel de certains médicaments ; Décret n° 2021-870 du 30 juin 2021 fixant les délais mentionnés aux articles L. 5121-12 et L. 5121-12-1 du code de la santé publique et à l'article L. 162-16-5-4 du code de la sécurité sociale ; Arrêté du 1er juillet 2021 pris pour l'application du E du IV de l'article 78 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 ; Arrêté du 1er juillet 2021 relatif aux seuils graduels d'autorisations d'accès compassionnel impliquant des majorations de remises ; Arrêté du 1er juillet 2021 pris pour l'application des articles L. 162-16-5-2 et R. 163-52 du code de la sécurité sociale et relatif aux remises applicables à une spécialité pharmaceutique faisant l'objet dans une indication donnée d'une prise en charge au titre de l'article L. 162-16-5-2 ; Arrêté du 1er juillet 2021 pris pour l'application des articles L. 162-16-5-1-1 et R. 163-33 du code de la sécurité sociale et relatif aux remises applicables à une spécialité pharmaceutique faisant l'objet dans une indication donnée d'une prise en charge au titre de l'article L. 162-16-5-1.

Article publié dans l'édition de septembre 2021 d'Hospitalia à lire ici.






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