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Quelles solutions face aux pénuries de spécialistes ?


Rédigé par Philippe Legrand le Vendredi 4 Mai 2018 à 14:51 | Lu 601 fois


Aides à l’installation, révolution numérique, développement des « maisons de santé »… Le gouvernement vient de lancer son plan de lutte contre les déserts médicaux. La délégation des tâches entre professionnels de santé est également une piste explorée, sur laquelle il serait sans doute souhaitable d’aller plus loin.



Comment lutter contre les déserts médicaux ? Pour répondre à cette problématique, qui restreint de fait l’accès aux soins d’une partie des Français, le Premier ministre Edouard Philippe et la ministre de la Santé Agnès Buzyn ont présenté il y a déjà plusieurs mois un plan fondé sur quatre priorités.

Plan de lutte contre les déserts médicaux

Pour renforcer l’offre de soins dans les territoires dits « en tension » ou « sous-denses », les aides à l’installation sont confirmées, avec un élargissement des zones éligibles « de 7 % à 18 % du territoire national ». Le cumul emploi-retraite des médecins libéraux sera également facilité grâce à un avantage élargi en matière de cotisation dans les zones en tension. Le contrat à temps partiel dans ces territoires sera aussi plus intéressant. Des postes d’« assistants partagés », destinés aux jeunes diplômés, seront créés, ainsi que 300 postes de médecins « partagés » entre pratique hospitalière et médecine de ville en zone déficitaire.

Deuxième priorité : faire émerger de nouveaux services numériques de santé comme la téléconsultation. La télémédecine sera d’ailleurs inscrite dans le droit commun « dès 2018 » avec la création d’un tarif de consultation à distance. Les fonds consacrés à la télémédecine seront doublés à 18 millions d’euros pour équiper de systèmes de communication tous les territoires et notamment les EHPAD d’ici à 2020.

Le gouvernement mise également sur une meilleure organisation des professionnels et en particulier sur les « maisons de santé », ces établissements regroupant plusieurs praticiens de différentes disciplines. Objectif : doubler en cinq ans le nombre de telles structures, aujourd’hui un peu plus de 900 en France. Pour cela, 400 millions d’euros seront mobilisés dans le cadre du grand plan d’investissement.

Enfin, le gouvernement affiche sa volonté de faire confiance aux initiatives locales et d’encourager les projets régionaux, imaginés par les médecins, les patients, les institutions et les élus locaux.

La nécessaire délégation des tâches

Le Premier ministre a également réaffirmé la volonté de l’Etat de développer le dispositif Azalée (Association de santé libérale en équipe) qui permet aux infirmiers et infirmières de réaliser des actes dérogatoires, comme des gestes de dépistage ou de prévention, et de mieux prendre en charge certains patients atteints de maladies chroniques, en coopération étroite avec les médecins.

Cette délégation de certaines tâches médicales, entre professionnels de santé est, à juste titre, considérée comme un outil stratégique pour pallier le manque de praticiens. Un levier sans doute indispensable pour faire face à la baisse continue du nombre de médecins qui devrait se poursuivre au moins jusqu’en 2025.

Il s’agit de transférer un certain nombre de missions (examens, suivi des malades, etc.), aujourd’hui assurées par des médecins, vers des professionnels paramédicaux (infirmiers, pharmaciens, orthoptistes, opticiens, etc.), plus nombreux et dont la durée de formation est moins longue.

Dans certaines régions, les pharmaciens sont ainsi autorisés à vacciner en officine les adultes contre la grippe saisonnière, permettant ainsi de protéger les personnes fragiles et de contenir l’épidémie, alors que les généralistes ne sont pas assez nombreux pour traiter toutes les demandes.

Aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni, cela fait de nombreuses années que certaines activités médicales ont été transférées à des infirmières « praticiennes ». En Grande-Bretagne par exemple, ces dernières ont étendu leurs compétences à la promotion de la santé (dépistage, conseil diététique, bilan de santé) ou au suivi de maladies chroniques comme l’asthme ou même certaines maladies cardiovasculaires. Plusieurs pays européens permettent également à des manipulateurs de réaliser certains examens d’échographie selon un protocole standardisé et sous la responsabilité du médecin radiologue.

Pallier la pénurie en ophtalmologie

Des initiatives ont également été lancées dans le domaine particulièrement problématique de l’ophtalmologie. Dans cette spécialité, la délégation est aujourd’hui une priorité. Le délai moyen d’attente, pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste libéral est en effet estimé à 87 jours en moyenne, avec dans certaines régions une attente pouvant aller jusqu’à un an.

Un déficit d’accès aux soins visuels qui ne peut qu’augmenter dans les années à venir car dans cette profession, le nombre de départs en retraite est supérieur à celui des arrivées de nouveaux praticiens. La moyenne d’âge des ophtalmos augmente et leur répartition sur le territoire reste très inégale. Or parallèlement, la myopie progresse et la population vieillit, exigeant une augmentation de l’offre de soins visuels.

Aujourd’hui, de nombreuses questions sont posées. Alors que les besoins en santé visuelle vont augmenter de 30 % dans les prochaines années et que le nombre d’ophtalmologistes va diminuer de 20 % d’ici à 2025, quel rôle donner à chaque professionnel de la santé visuelle pour répondre à cette problématique ? Pour les enfants, comment améliorer l’accès aux soins, le dépistage et la prévention durant la scolarité dans la perspective d’une épidémie de myopie ? Et face au vieillissement de la population, comment améliorer le dépistage, l’accès aux soins et la compensation de la perte de la vue ?

C’est dans ce contexte que le Snof (Syndicat national des ophtalmologistes de France), a tiré la sonnette d’alarme et lancé, à l’approche de l’élection présidentielle, une campagne « Objectif zéro délai d’attente en 2022 », dans laquelle s’est également inscrit le Snor (Syndicat national des opticiens réunis).

« Contrats de coopération »

« Pour répondre aux besoins des patients, à court terme, il est absolument nécessaire de faire appel à des professionnels de santé partenaires », estime ainsi Yves Guénin, secrétaire général d'Optic 2000. « Car c’est un atout considérable de notre secteur : nous disposons de relais de proximité, opticiens et orthoptistes, plus nombreux, plus accessibles, qui peuvent se mettre au service des patients. Pour cela, il faut s’appuyer sur un système de délégation de compétences, qui commence déjà à prendre forme ».

Il s’agit de confier, de manière strictement encadrée, certaines tâches à d’autres professionnels de santé, compétents, formés, et disponibles. Plusieurs textes de loi ont déjà ouvert la voie. Les partenariats entre orthoptistes et ophtalmologues se multiplient ainsi en cabinet, notamment autour de « contrats de coopération » pour les soins visuels, qui déchargent les ophtalmos de certains actes. L’orthoptiste réalise le bilan visuel (interrogatoire, mesure de la tension de l’œil, de la vision, etc.), qui est ensuite analysé par l’ophtalmologiste pour établir l’ordonnance. Un arrêté du 28 février 2018 est d’ailleurs venu inscrire dans le régime commun le financement de ces protocoles de coopération pour le renouvellement des lunettes des personnes âgées de 6 à 50 ans. Selon le syndicat des ophtalmologistes, ces protocoles doivent permettre de « réduire les délais d’attente pour les ordonnances de lunettes de 12 mois à 15 jours, tout en maintenant le dépistage de la population ».

Miser sur le maillage territorial des opticiens

Les prérogatives des opticiens ont également été élargies. Un décret en vigueur depuis le 17 octobre 2016 autorise ainsi l’opticien à adapter la correction des lentilles de contact lors d’un renouvellement, comme c’était déjà le cas depuis 2007 pour le renouvellement des verres correcteurs. Concrètement, l’opticien est autorisé à réaliser un examen de réfraction (mesure du degré de défaut optique de l’œil) à la place de l’ophtalmologiste. A condition que l’ordonnance date de moins de cinq ans pour les personnes âgées de 16 à 42 ans, de moins de trois ans pour les plus de 42 ans et de moins d’un an pour les enfants de moins de 16 ans. Le décret instaure également une situation d’urgence lorsque le patient perd ses lunettes ou en cas de bris de verres. L’opticien peut alors « exceptionnellement délivrer, sans ordonnance médicale, un nouvel équipement après avoir réalisé un examen réfractif ».

Ces mesures concrètes et efficaces permettent de désengorger les cabinets des médecins et d’offrir aux patients la proximité, la réactivité, la qualité de service et le professionnalisme qu’ils peuvent légitimement attendre. Il est sans doute souhaitable d’aller encore plus loin dans la complémentarité entre les « 3O » – ophtamologistes, orthoptistes, opticiens – notamment dans le domaine de la contactologie, mais aussi de développer des actions de prévention par les opticiens, en priorité auprès des enfants et des personnes âgées.

« L’opticien est un professionnel de santé, spécialiste de la vision ; c’est un relais important dans le parcours de soins visuels des Français », souligne Yves Guénin. « Dans certains territoires, il est même le dernier professionnel de santé accessible ! ».






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