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Hygiène

One Health, un concept en plein essor


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Mercredi 15 Mai 2024 à 17:07 | Lu 1956 fois


Mis en avant par l’ampleur de la crise sanitaire, le concept d’Une seule santé, ou One Health, qui promeut une vision intégrée de l’écologie, de la santé humaine et animale, est en plein essor. Un Institut One Health a d’ailleurs vu le jour à Lyon en octobre dernier, à l’initiative d’AgroParisTech, de VetAgroSup et de l’EHESP (École des hautes études en santé publique).



« Comme environ 75 % des maladies émergentes répertoriées chez l’Homme, le Covid-19 est très probablement une zoonose due à l’introduction d’un coronavirus à partir d’un réservoir animal ». Ce constat, résumé par le Conseil scientifique Covid-19 dans son avis du 8 février 2022, résonne encore pour beaucoup de citoyens. Le lien entre l’écologie, la santé humaine et la santé animale a largement été mis en avant par cette pandémie d’une ampleur inédite, poussant aussi le Conseil scientifique à rappeler, dans ce même rapport, « la nécessité d’être capable d’identifier en amont les risques, de les prévenir et les limiter, et d’anticiper les émergences afin de mieux nous préparer aux prochaines crises sanitaires, dont les crises pandémiques ».  

Pourtant le lien entre environnement et santé est connu depuis plusieurs décennies, et même plusieurs siècles. Hippocrate, le plus célèbre médecin de la Grèce antique, indiquait déjà, dans son célèbre traité Des airs, des eaux et des lieux, que « pour approfondir la médecine, il faut considérer d'abord les saisons, connaître la qualité des eaux, des vents, étudier les divers états du sol et le genre de vie des habitants ». Plus récemment, au XIXème siècle, le médecin allemand Rudolf Virchow fut pour sa part le premier à utiliser le terme de “zoonose”, affirmant aussi qu’« entre la médecine vétérinaire et humaine, il n’y a pas, et il ne devrait pas y avoir de division ».

Plusieurs années nécessaires…

Il faudra toutefois attendre le XXème siècle pour que soit clairement établi le lien entre santé animale, humaine et environnementale. La biologiste marine et militante écologiste américaine Rachel Carson, alerte sur l’usage des pesticides dès 1962 dans son livre Le Printemps silencieux. Autre lanceuse d’alerte, la zoologiste et épidémiologiste américaine Theo Colborne organise, en juillet 1991, une conférence réunissant plusieurs scientifiques et menant à la publication de la déclaration de Wingspread, qui participe notamment à la théorisation du concept de perturbateur endocrinien. 

Mais ce n’est qu’en 1994, lors de la conférence d’Helsinki, que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé environnementale et reconnaît ainsi l’impact de l’environnement et des pollutions sur la santé humaine : « La santé environnementale comprend les aspects de la santé humaine, y compris la qualité de la vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement ... ». Les actions se multiplient dans les années 1990 et 2000 et, en 2004, le concept « One World, One Health » voit le jour, à la suite d’un symposium organisé par la Wildlife Conservation Society (WCS) et qui accueillait, notamment, des experts de l’OMS et de l’Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (Food and Agriculture Organization, FAO). 

… pour aboutir à une définition de One Health

Ces deux organisations, l’OMS et la FAO, associées à l’Office international des épizooties (OIE), qui est l’organisation mondiale de la santé animale, publient en avril 2010 une note tripartite intitulée « Sharing responsibilities and coordinating global activities to address health risks at the animal-human-ecosystems interfaces »  (« Partager les responsabilités et coordonner les activités mondiales pour lutter contre les risques sanitaires aux interfaces animal-humain-écosystèmes »), et dans laquelle elles font effectivement le lien entre les trois santés. Allié au Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), au sein du One Health High-Level Expert Panel (OHHLEP), le groupe tripartite définit le concept One Health en 2021  : « Le principe “Une seule santé” consiste en une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes. Il reconnaît que la santé des humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l’environnement en général (y compris des écosystèmes) est étroitement liée et interdépendante ».

« One Health implique que des professions qui habituellement travaillent assez peu ensemble se retrouvent autour d’une même table, et partagent des ressources qu’ils ne sont pas habitués à mutualiser. Concrètement, des médecins doivent travailler en étroite collaboration avec des vétérinaires et, ensemble, ils doivent s’ouvrir aux savoirs des agronomes par exemple ou des spécialistes de l’eau », résume Emmanuel Didier, sociologue et directeur du programme Médecine - Humanités de l’École normale supérieure (ENS-PSL), sur le site de l’institution. Cette approche unifiée et interdisciplinaire touche donc naturellement tous les secteurs, la santé, mais aussi l’agriculture, l’éducation, l’alimentation, la société… « La meilleure compréhension des relations étroites entre santé, environnements et sociétés doit s’accompagner d’une meilleure compréhension des leviers d’action », a ainsi indiqué le Dr Marion Albouy, maître de conférences des universités - praticien hospitalier (MCU-PH) à Poitiers, lors d’un webinaire organisé en mars 2023 par l’Instance régionale d'éducation et de promotion de la santé (IREPS) Nouvelle-Aquitaine. 

Création d’un institut One Health à Lyon

Biologistes, médecins, pharmaciens, vétérinaires, écologues, sociologues… Nombreux sont ceux qui travaillent aujourd’hui sur le concept d’Une seule santé, en termes de compréhension comme de leviers d’action. Si les recherches se multiplient, les actions des pouvoirs publics semblent aussi aller dans le sens d’une approche One Health, d’autant plus depuis la crise sanitaire et la médiatisation de cette notion. En 2023, lors du Salon international de l’Agriculture, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et Agnès Firmin le Bodo, ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, ont ainsi annoncé la création de l’Institut One Health, futur « organisme de référence pour la formation et l’expertise des décideurs sur les sujets “Une seule santé” en France »

Accueilli dans les locaux de l'École universitaire de recherche de Lyon (EID@Lyon), dédiée aux maladies infectieuses émergentes, et porté par AgroParisTech, VetAgroSup, et l’EHESP (École des hautes études en santé publique), celui-ci a été inauguré le 20 octobre dernier. « Tout part d’une volonté politique. Suite au Covid, des financements publics ont été développés et confiés à l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour lutter contre les maladies zoonotiques (dans le cadre du programme France 2030), en créant un dispositif de formation pour prévenir et gérer les crises liées à ces maladies, une approche globale et transversale étant encore aujourd’hui trop peu connue et intégrée dans la stratégie des entreprises, mais également au sein de la fonction publique », résume Antoine Gerbault, chargé de mission Institut One Health (IOH) et ingénieur AgroParisTech, sur le site de cette grande école rattachée à l’Université Paris-Saclay.L’objectif de l’institut est bien de « former les décideurs publics », en proposant des cycles d’études, mais aussi des ateliers et des conférences autour du concept d’Une seule santé. Affichant une volonté de « rompre les silos », l’IOH compte ainsi répondre au besoin de formation formulé par le gouvernement, pour permettre « aux décideurs publics et privés de mieux prévenir et gérer les crises à venir ».  

> Article paru dans Hospitalia #65, édition de mai 2024, à lire ici 
 

One HealthPlanetary Health ou Ecohealth ? 

Si, ces derniers mois, le concept de One Health a été très médiatisé, il n’est pas le seul à allier santé humaine, humaine et environnementale. Planetary Health, Ecohealth, Globalhealth, Ecosystem health, One Health… De nombreux concepts cohabitent aujourd’hui et, s’ils peuvent sembler équivalents de premiers abords, des distinctions sont à noter, notamment sur le plan de l’approche. Ces différences ont d’ailleurs été analysées par Serge Morand, écologue de la santé, parasitologiste de terrain et chercheur au CNRS-Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), Jean-François Guégan, directeur de recherche à l'INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) et à l'IRD (Institut de recherche pour le développement), et Yann Laurans, alors directeur du programme Biodiversité et écosystèmes au sein du Think tank Iddri, dans un « Décryptage », intitulé « De One Health à Ecohealth, cartographie du chantier inachevé de l’intégration des santés humaine, animale et environnementale ». 

En quelques pages seulement, cet article de mai 2020 revient sur ces différents courants qui privilégient l’approche infectiologique vétérinaire, l’analyse des facteurs de risques environnementaux, la médecine ou encore l’approche sociale de la santé. « Il apparaît donc d’une part une difficulté à véritablement intégrer les trois dimensions de la santé humaine, animale et environnementale, et d’autre part une difficulté à mettre en politique les concepts, éventuellement novateurs et ambitieux, avancés depuis vingt ans pour proposer un progrès dans ce domaine », concluent les auteurs qui appellent à la création d’un « dispositif de politique et de programmation multilatéral […] sur le modèle d’une convention des Nations unies […], ou d’un programme d’action transversal, à l’image de celui qui existe sur l’eau, UN-Water ».

> L’intégralité du « Décryptage » est disponible en téléchargement libre sur le site de l’IDDRI.






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