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Nos médecins sont-ils tous des Geeks ? Pourquoi la révolution de la télémédecine n’est toujours pas une réalité ?


Rédigé par Rédaction le Mardi 17 Décembre 2019 à 12:23 | Lu 880 fois


Une tribune de Guillaume Lesdos, cofondateur de Medaviz.



Guillaume Lesdos, cofondateur de Medaviz
Guillaume Lesdos, cofondateur de Medaviz
La problématique des déserts médicaux demeure au coeur de l’actualité, malgré les initiatives portées par les pouvoirs publics et les élus locaux. Elle a d’ailleurs été discutée lors du 102e congrès des maires de France. Pour la première fois, une région envisage d’ailleurs de salarier 150 médecins d'ici à 2025 pour enrayer la pénurie de professionnels de santé. D’autres professionnels s’organisent au sein de Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), et font de la téléconsultation une solution pour faciliter le parcours de soin des habitants d’un territoire. Elle devient alors un outil qui reste connecté à la réalité locale. 
 
Il est vrai que le numérique transforme indéniablement notre système de santé et qu’il peut régler de nombreux enjeux auxquels nous faisons face aujourd’hui. Les médecins eux-mêmes semblent le reconnaître : près de 3 médecins sur 4 estiment que la télémédecine fera partie de leur quotidien en 2030. 
 
Cela signifie-t-il pour autant qu’ils sont prêts aux nouveaux usages induits par le recours à la technologie dans le secteur de la santé ? Maîtrisent-ils véritablement les nouveaux objets connectés qu’ils sont pourtant amenés à utiliser pour proposer des consultations à distance ? 
 
Nos médecins sont-ils tous des geeks ? La question se pose légitimement et la réponse est loin d’être satisfaisante. 

Pourquoi les médecins ont-ils encore tant de mal avec les outils numériques ?

En huit mois, de la mi-septembre 2018 à la mi-avril 2019, seules 11 500 téléconsultations remboursées ont été réalisées par les professionnels de santé. Loin des objectif annoncés par le gouvernement qui tablait sur 500 000 actes à distance cette année. À quoi est dû cet écart ? 
 
Lors d’une téléconsultation, l’observation et l’analyse de l’état de santé d’un patient nécessitent, dans certains cas, d’utiliser des appareils médicaux connectés spécifiques : outils de tests visuels et audiogramme connectés ; matériel d’exploration fonctionnelle respiratoire dont le spiromètre et le tympanomètre connectés ; l’oxymètre connecté etc. On pourrait penser que le faible engouement vis-à-vis de la téléconsultation est lié au faible taux d’équipement des médecins et au coût que cela représente. Pourtant, une aide à l’équipement des médecins libéraux a été instaurée par le biais de deux nouveaux indicateurs inscrits dans le volet 2 du forfait structure. Cette aide est effective depuis l’année dernière, pour un versement de l’Assurance Maladie en 2020. En outre, un certain nombre de téléconsultations peuvent être assurés sans appareils médicaux spécifiques.
 
Si la téléconsultation peine à démarrer, la raison n’est peut-être pas financière mais générationnelle. Les médecins inscrits en activité régulière au tableau de l'Ordre sont âgés en moyenne de 51,2 ans. Ceux âgés de 60 ans et plus représentent 28 % des effectifs. Les moins de 40 ans 20 % des effectifs, selon l'Atlas 2017 de la démographie médicale. La pratique de la téléconsultation, et plus largement la télémédecine, fait indéniablement évoluer les habitudes des professionnels de santé en exercice. Pratiquer et proposer la téléconsultation à ses patients suppose non seulement de bien saisir le périmètre légal de l'avenant 6, mais également d’introduire de la technologie dans sa pratique quotidienne. Tout cela demande du temps : du temps pour s’informer sur la réglementation, du temps pour choisir ses outils numériques, du temps pour faire de la pédagogie auprès de ses patients. 
 
Tous les médecins ne sont pas prêts à fournir cet investissement en temps. Ils ne sont d’ailleurs pas formés à cela. 90 % des programmes de formation médicale continue sont désormais financés par l'Assurance Maladie. Cette dernière pousse les médecins à se former en priorité aux grandes pathologies chroniques qui coûtent le plus cher : le diabète, les pathologies respiratoires, l’hypertension, les maladies cardio-vasculaires, certaines pathologies dégénératives comme Alzheimer, la prévention des risques de cancer.
 
La prise en main des outils numériques n’est donc pas la priorité alors même qu’il s’agit d’un enjeu d’avenir. 

Les solutions pour une plus grande adhésion à la télémédecine

Commençons par reconnaître que le ministère de la Santé, les Agences régionales de santé et leurs opérateurs souhaitent accompagner les professionnels de santé en prenant en compte leurs retours d’expérience. Néanmoins, le référentiel de bonnes pratiques à l'usage des médecins désireux de téléconsulter est encore à inventer.
 
Dans le même temps, certains acteurs privés évoluant sur le marché de l’e-santé lancent des initiatives au niveau local pour multiplier les temps d’échange et de prise de parole entre pairs. Cette action complémentaire des initiatives portées par les pouvoirs publics a toute sa place. La finalité étant de faire de la téléconsultation un véritable outil au service du parcours de soin. 
 
À l’heure où de nouvelles avancées conventionnelles visent à permettre à d’autres professions de santé de pratiquer la téléconsultation (les pharmaciens d’une part, pour s’appuyer sur le réseau officinal et la proximité d’accès qu’il offre à la population, et les infirmiers libéraux d’autre part, pour valoriser leur intervention auprès d’un malade et pour l’accompagner dans la réalisation d’une téléconsultation avec un médecin), il est essentiel de ne pas laisser ces nouveaux entrants désarmés faces à l’utilisation d’outils digitaux devenus  incontournables. 
 
Sila téléconsultation représente un nouveau mode d’intervention pour les patients, elle introduit également des changements dans la pratique des médecins : nouvelle organisation du travail, nouvelles modalités de prise de rendez-vous et de consultation, utilisation de nouveaux outils techniques, notamment digitaux (visioconférence, cabines de téléconsultation, applications de mise en relation), nouvelle relation médecin/patient du fait de la distance, retour aux soins non programmés.
 
Alors que faire pour les accompagner au mieux ? Organiser massivement des keynotes destinées aux médecins qui n’ont jamais pratiqué ce mode de consultation pour qu’ils s’approprient la démarche. Cela pourrait se faire sur la base du volontariat. Il est également intéressant d’envisager une incitation financière supplémentaire (en plus du forfait d’équipement) en intégrant dans la Rémunération sur Objectif de Santé Public (ROSP) un critère de plus de 100 téléconsultations réalisées dans l’année pour intégrer véritablement cette nouvelle pratique dans leurs habitudes. Sans cela, il n’est pas certain que la télémédecine devienne véritablement populaire en France.
 






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