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Le patient connecté, riche sujet d’études


Rédigé par Admin le Dimanche 13 Octobre 2019 à 15:47 | Lu 3282 fois


Professeure à l’Institut Mines-Télécom Business School, Christine Balagué dirige la Chaire Réseaux Sociaux et Objets Connectés, qui se penche essentiellement aujourd’hui sur le patient connecté. Cette ex-vice-présidente du Conseil National du Numérique, par ailleurs membre de l’Institut de convergence DATAIA dédié à la recherche interdisciplinaire en sciences des données, intelligence artificielle et société, nous présente ses travaux. Par Joëlle Hayek




Le Pr Christine Balagué présidente de  la Chaire Réseaux Sociaux et Objets Connectés
Le Pr Christine Balagué présidente de la Chaire Réseaux Sociaux et Objets Connectés
Pouvez-vous, pour commencer, nous présenter la Chaire que vous dirigez ?
Pr Christine Balagué :
Créée en 2015, la Chaire Réseaux Sociaux et Objets Connectés de l’Institut Mines-Télécom Business School rassemble des chercheurs pluridisciplinaires s’attachant à éclairer les comportements des individus sur ces deux champs, en particulier en ce qui concerne le patient connecté. Nos travaux portent plus particulièrement sur la compréhension et la mesure des facteurs d’appropriation. Ce concept est à distinguer de l’adoption : il porte sur la manière dont une technologie devient naturelle, comme si elle était partie intégrante de soi-même – les Smartphones représentant ainsi un exemple d’appropriation réussie. Nous étudions donc les différentes étapes du processus d’appropriation, identifions et quantifions les variables, et tentons de mettre en lumière certains facteurs explicatifs. La Chaire travaille également sur la modélisation de l’expérience utilisateur d’objets connectés : nous cherchons à mieux appréhender la manière dont le patient connecté se nourrit des technologies qui lui sont destinées.
 
Justement, vous avez récemment mené une étude(1) en ce sens à la demande du collectif (Im)Patients Chroniques et Associés (ICA). Pouvez-vous nous en parler ?
Cette coalition de 14 associations de personnes atteintes de maladies chroniques, évolutives et/ou invalidantes travaille sur de nombreux enjeux, dont la e-santé. Lors de précédents États Généraux, le collectif a formulé plusieurs pistes d’étude ; celle visant à mesurer l’impact des technologies sur les patients chroniques nous a tout particulièrement intéressé. Un protocole de recherche communautaire a aussitôt été construit par les chercheurs de la Chaire Réseaux Sociaux et Objets Connectés(2) et des membres du bureau d’ICA. La principale difficulté a porté sur la définition du périmètre de l’étude : fallait-il aborder les technologies d’intelligence artificielle ? Face aux écarts importants qui subsistent entre leurs producteurs et les patients chroniques, nous avons décidé de nous en tenir à trois technologies plus simples d’accès : internet, les réseaux sociaux, et les objets connectés.
 

Quels étaient vos objectifs ?
Nous souhaitions apporter un éclairage nouveau aux études jusque-là réalisées autour de ces trois champs. Nous avons donc mesuré la manière dont les patients chroniques se saisissent de ces technologies dans le cadre de la recherche d’information, la gestion et le suivi de leur pathologie, en travaillant d’abord sur les usages, leur typologie et leur fréquence. Nous avons ainsi identifié trois catégories d’individus : les hyperconnectés (8,9% des répondants), utilisateurs réguliers d’internet, d’applications mobiles et d’objets connectés ; les biconnectés (19,3%), qui utilisent fréquemment les applications mobiles et internet, mais pas les objets connectés ; et enfin les hypoconnectés (71,8) qui, eux, utilisent rarement internet, et sont principalement non-utilisateurs des deux autres technologies. Ces derniers sont donc largement majoritaires.
 
L’étude a ensuite croisé ces usages et ces profils avec les variables liées à la gestion de la santé.
C’est en effet sa grande originalité : nous avons souhaité savoir, sans a priori, si ces technologies amélioraient réellement la qualité de vie des patients. Nous avons donc mesuré leur impact en termes d’empowerment, qu’il soit facilité par le médecin ou initié par le malade lui-même, mais aussi sur le sentiment d’auto-efficacité et les relations avec le corps médical. Si les technologies numériques dans leur ensemble semblent être un facteur d’autonomisation et d’encapacitement – des concepts sans surprise plus développés chez les patients les plus connectés –, aucun effet notable n’a été constaté sur le sentiment d’auto-efficacité. L’impact sur les relations entre un patient et son médecin reste pour sa part limité, quelle que soit la technologie considérée. Ce dernier point pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une étude approfondie, en s’intéressant à différentes typologies de couples médecin/patient – le résultat sera-t-il le même avec un médecin lui-même connecté de manière multimodale et intensive ? En tout état de cause, cette étude a bousculé de nombreuses idées reçues !
 
Bien que cet angle n’ait pas été étudié ici, la Chaire se penche régulièrement sur les enjeux éthiques liés à la technologie. Quels champs étudiez-vous plus particulièrement ?
Nous évaluons en effet l’adéquation des objets connectés en santé avec les quatre critères constitutifs d’une technologie responsable : la justice, pour un traitement équitable des patients ; l’autonomie, ou le respect de leur vie privée ; le bénéfice, donc la plus-value qu’elle apporte ; et enfin la non-malfaisance, qui est peut-être le critère le plus complexe à appréhender. Une technologie peut en effet apporter des bénéfices quantifiables tout en étant potentiellement source de nuisances, comme des discriminations ou une non équité dans le traitement des malades, ou parce qu’elle s’appuie sur un système opaque. Son impact véritable peut par ailleurs être difficilement évalué si l’on ne tient pas compte de l’ensemble de ses effets sur l’individu – stress, charge mentale, difficultés en termes d’agilité ou de littéralité numérique, etc. 
 
Des études sont-elles prochainement prévues ici ?
Un protocole d’évaluation est en effet en cours avec le CHU d’Amiens, pour justement considérer sous cet angle des dispositifs connectés post-opératoires utilisés dans le cadre de la chirurgie du rachis. Ces travaux s’inscrivent donc dans le cadre, plus général, des études que nous menons autour de l’intérêt général des technologies destinées au patient connecté et de leur impact psychologique. Il faut pour cela non seulement mesurer leur appropriation, mais aussi le ratio entre leurs bénéfices cliniques et le principe de non-malfaisance, en écho aux recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) relatives à l’évaluation des dispositifs médicaux connectés.
 
1 - À lire sur www.coalition-ica.org
2 - Cette étude a été menée par trois chercheurs de la Chaire : Christine Balagué, Lamya Benamar et Camille Vansimaeys.


 






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