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Sûreté

Le chef d’établissement face aux violences conjugales


Rédigé par Admin le Dimanche 13 Octobre 2019 à 15:22 | Lu 2121 fois


Avec une population très féminisée, dont le revenu est très souvent en deçà du salaire médian, les établissements de santé sont un lieu où les agents ont de très fortes probabilités d'être victimes de violences conjugales. D’où la nécessité de réfléchir aux répercussions de ces violences sur le travail des agents qui en sont victimes, et au rôle de la direction pour les prendre en charge – et, peut-être, récupérer une partie des pertes financières auprès des auteurs. Par Olivier Bellot, ancien officier de police, directeur du CH de Pont-Sainte-Maxence



L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la violence conjugale comme « Tout acte de violence au sein d'une relation intime qui cause un préjudice ou des souffrances physiques, psychologiques ou sexuelles aux personnes qui en font partie ». Ce phénomène est la forme la plus courante de violence subie par les femmes dans le monde et doit être considéré comme un problème politique, social et économique qui affecte la société entière. Il paraît en effet évident que le comportement d'une personne victime de violences aura des répercussions sur son attitude à l'extérieur, et notamment au travail, quand bien même ces violences s'exercent dans le cadre de la sphère privée. Le coût pour la collectivité s’avère donc important et les conséquences pour les entreprises dans lesquelles évoluent ces salariés sont nombreuses et revêtent des formes multiples. À l’hôpital, environ 10% des agents seraient concernés.
 

L’impact des violences conjugales sur l’activité de l’établissement

Ainsi, certaines estimations évaluent entre 25 et 50 % les problèmes de performance au travail découlant de situations familiales violentes. L’ensemble des recherches montre d’ailleurs que les conséquences sur la productivité résultent principalement d’un niveau de distraction au travail plus élevé : les épisodes traumatiques diminuent la stabilité émotionnelle des victimes qui ont davantage de difficultés à s’engager dans leur travail que les autres salariés. Sans oublier l’augmentation du risque d’erreurs, dont les conséquences peuvent être graves, en particulier en ce qui concerne la délivrance et l'administration des médicaments. 
 
Par ailleurs, s’il y a peu d'études sur la population française, aux États-Unis, les victimes de violences domestiques présentent un taux d’absentéisme significatif. La baisse de motivation ou l'absence entraîne de facto une augmentation des conflits entre la victime et ses collègues ou ses supérieurs hiérarchiques, soit de façon directe, soit de manière détournée, ce qui conduit à une moindre implication au sein de l'équipe qui sera alors amenée à assumer les tâches de la victime, avec le risque de développer un essoufflement professionnel. D’autres inconvénients sont également supportés par les équipes si l'agent décide finalement de partir, comme le temps passé à former un nouvel agent à son poste.
 

Formation et information des cadres

Pour autant, il peut être difficile pour un établissement d’estimer précisément les répercussions des violences conjugales sur sa performance et, par conséquent, le retour sur investissement possible en s’engageant sur cette thématique. Mais la structure peut être pénalisée financièrement si elle n’essaye pas de proposer des moyens d’action permettant de réduire les dysfonctionnements et donc les coûts visibles mais aussi cachés liés à ces violences. 
 

Olivier Bellot, directeur du CH de Pont-Sainte-Maxence
Olivier Bellot, directeur du CH de Pont-Sainte-Maxence
Il est, en premier lieu, essentiel de faire en sorte que les collaborateurs, et tout particulièrement les supérieurs hiérarchiques et la direction, puissent mieux faire face au problème des violences conjugales : lorsqu'une victime évoque sa situation, c'est souvent la première fois qu'elle verbalise son vécu alors qu'elle est dans une situation de fragilité. La qualité de l'écoute est alors déterminante. Le rôle de la hiérarchie consiste d'abord à faire preuve de sensibilité et de compréhension par rapport à sa problématique, puis à l'orienter vers les structures adéquates. Il est donc indispensable de fournir aux cadres de la documentation sur l'offre de soutien des ressources locales (affichages récents, flyers, numéros de téléphones utiles,...), mais aussi de les sensibiliser au problème grâce à des petites formations.
 

L’éventualité d’un dédommagement pour l’établissement de la part de l’auteur des violences

À minima, l’établissement subit un dommage du fait de l’absence de l’agent violenté et à remplacer. Or selon l’article 1240 du Code Civil, « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Un établissement pourrait-il se retourner contre un auteur de violences vis-à-vis de son agent ? Il est théoriquement possible, pour un établissement public autonome, possédant la personnalité morale et ayant un préjudice, de demander réparation auprès du Tribunal d’Instance. Mais il lui sera compliqué de démontrer son intérêt à agir dès lors que les faits n’ont pas été commis pendant l’exercice professionnel d’un agent mais dans la sphère privée. Une plainte déposée pour un agent devant le tribunal pénal n’a ainsi aucune chance d’aboutir, tandis qu’une constitution partie civile n’a presque aucune chance de prospérer. 
 
Par ailleurs, même si l’agent victime est d’accord pour établir un partenariat avec la direction sur une action civile en justice, la réparation du préjudice ne peut être que financière. Or cette condamnation pécuniaire risque d’amplifier les problèmes du couple. L’auteur pourrait en outre être dans l’incapacité de payer des dédommagements à la victime, ou ultérieurement une pension alimentaire. La solution qui aurait pu convenir aurait été de le condamner à un Travail d’Intérêt Général (TIG). Malheureusement, il s’agit d’une possibilité réservée à la juridiction pénale et non civile. Ce serait pourtant le meilleur compromis : le TIG serait alors réalisé au bénéfice exclusif des établissements employant à majorité des femmes, qui se verraient ainsi « compensés » des coûts subis indirectement sans pour autant impacter les revenus du couple en conflit.
 
- Olivier Bellot, « Le chef d’établissement face aux violences conjugales », Mémoire publié dans le cadre du Diplôme Universitaire « Violence, santé et société », Université de Picardie Jules-Verne, UFR de médecine – CHU d’Amiens, promotion 2017-2018.

 






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