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La sûreté, nouvelle casquette des chargés de sécurité incendie


Rédigé par Admin le Mercredi 22 Janvier 2020 à 13:38 | Lu 10464 fois


Créée en 1994, l’Association des Chargés de Sécurité en Établissement de Soins (ACSES) compte aujourd’hui plus de 350 adhérents, et continue d’accueillir chaque année de nouveaux membres. C’est qu’elle fait face à des évolutions impactant de front son métier historique, la sécurité incendie, qui doit désormais coexister avec la sûreté des biens et des personnes. Les explications d’Agnès Oberlin Gateau, présidente de l’ACSES et chargée de sécurité au CH de Troyes.




Le contexte sécuritaire a changé. Pouvez-vous nous en parler ?
Agnès Oberlin Gateau : S’il en a longtemps été préservé, l’hôpital est en effet devenu une cible attractive pour les terroristes, d’autant qu’il comporte de nombreux points faibles : c’est un lieu par nature ouvert à tous, où se concentre une population affaiblie, difficilement mobile et confinée. Nous constatons, en parallèle, une augmentation effarante des incivilités et violences à l’encontre du personnel hospitalier, en nombre comme en intensité. Les établissements de santé sont donc contraints de porter une attention plus forte à leur sécurité. D’ailleurs, depuis l’instruction ministérielle du 4 novembre 2016, ils ont l’obligation d’élaborer un plan de sécurisation (PSE). Mais concilier cette exigence avec les valeurs hospitalières – ouverture 24h/24, liberté de circulation, etc. – ne se fait pas sans mal : c’est un nouvel état d’esprit, une nouvelle culture à acquérir, dans un domaine qui est lui-même récent et non règlementé. 
 

Agnès Oberlin Gateau, présidente de l’ACSES et chargée de sécurité au CH de Troyes
Agnès Oberlin Gateau, présidente de l’ACSES et chargée de sécurité au CH de Troyes
La situation est donc très différente par rapport à la sécurité incendie, qui constitue votre cœur de métier.
La sécurité incendie s’appuie en effet sur une réglementation très cadrée, reproductible, à peu de choses près, d’un établissement à l’autre. La sûreté, elle, n’est régie par aucun texte, si ce n’est l’article L.4121.1 du code du travail, qui impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des travailleurs. Il ne s’agit en outre pas d’une obligation règlementaire, hormis la réalisation du PSE, qui lui-même dépend de l’environnement propre à chaque établissement, du profil de sa patientèle et des spécificités de son territoire. Elle est dès lors plus difficile à appréhender. Le métier est lui-même différent : un chargé de sécurité incendie et un chargé de sûreté n’ont pas les mêmes attentes, puisque le premier cherche à déverrouiller les accès, et le second à les verrouiller ! Leur coordination est dès lors essentielle pour s’inscrire dans une approche cohérente. 

Mais ces deux casquettes ne sont-elles pas, généralement, portées par la même équipe ?
C’est effectivement le cas dans de nombreux centres hospitaliers, essentiellement par manque de moyens : la sûreté repose sur les équipes de sécurité incendie. Mais deux équipes distinctes peuvent aussi coexister, en particulier dans les CHU. Par exemple l’AP-HP a dû, par la force des choses, constituer une équipe dédiée à la sûreté… Cela dit, il n’est pas étonnant que la problématique Sûreté soit mieux mieux prise en compte dans les hôpitaux universitaires compte tenu de leur taille, de leur fréquentation et de leur environnement . Nous assistons cependant à une montée en compétence des chargés de sécurité incendie sur le champ de la sûreté, quel que soit le type d’établissement. Il faut dire que, face à l’ampleur des actes d’incivilités et de violence, nos confrères étaient au départ quelque peu désemparés : ils ne disposaient pas des bons éléments méthodologiques, par exemple pour réaliser une cartographie des risques. Celle-ci impose en effet une connaissance poussée des flux de circulation liés aux activités hospitalières, et une caractérisation précise des menaces afin de mettre en œuvre des actions pertinentes.

Par exemple ?
Une incivilité, une agression verbale et une agression physique ne se traitent pas de la même manière… Il faut donc avoir analysé ces risques en amont pour adapter et graduer les réponses, en fonction du type de menace et de son évolution potentielle. Il s’agit là d’un autre élément nouveau par rapport à la sécurité incendie, où le risque est connu et maîtrisé. Cela dit, la prévention des agressions n’est pas du seul ressort des chargés de sûreté/sécurité ! Nous sommes certes de plus en plus formés aux techniques de pacification, et travaillons sur la prévention situationnelle, une méthode qui permet de prendre en compte la sécurité dans l’aménagement des espaces pour réduire le sentiment d’insécurité – avec une attention marquée portée aux postes d’accueil des urgences, à la psychiatrie et à la gériatrie, particulièrement exposés aux violences hospitalières. Mais l’hôpital peut lui-même être générateur de violence, y compris de manière inconsciente. Par exemple, une attente de plusieurs heures aux urgences sans recevoir d’informations est potentiellement pourvoyeuse de violence. Il faut que les équipes hospitalières aient conscience de ce risque in fine inhérent à leur activité. Tout ne peut pas reposer sur les seuls chargés de sûreté.

Comment alors sécuriser efficacement un établissement de santé ?
Outre les éléments évoqués – des risques cartographiés et une stratégie inscrite dans une dynamique collective –, il ne faut pas hésiter à recourir aux aides techniques. Par exemple, les systèmes de contrôle des accès représentent aujourd’hui la base de toute stratégie de sécurisation à l’hôpital, suivis de près par les solutions de vidéo-protection. Jusque-là utilisées pour la surveillance médicale – pour s’assurer qu’un patient ne fait pas de malaise dans la salle d’attente des urgences, ou qu’un malade Alzheimer ne fugue pas –, celles-ci participent désormais à la prévention des actes de malveillance. Cela dit, il est impératif de disposer, en parallèle, de personnes formées à la sûreté et qui en maîtrisent les concepts. Or il n’existe pas, ici, de formation officielle : il nous faut naviguer entre le code pénal et le code de la santé publique. C’est pourquoi, en 2016, nous avons repensé notre congrès national, historiquement dédié à la sécurité incendie, pour y intégrer cette évolution de notre métier. La prochaine édition se tiendra d’ailleurs à Antibes en juin 2020. Notre colloque régional demeure, lui, axé sur la sûreté.
 

Vous n’en continuez pas moins à suivre l’actualité de la sécurité incendie.
Ce secteur évolue également. Par exemple, un EHPAD qui ne pouvait pas déployer une solution de désenfumage a obtenu une dérogation pour s’équiper d’un sprinklage résidentiel (ou extincteur automatique à eau), couplé à un système de sécurité incendie et des fermes-portes électriques. Cette approche sort du champ habituel de la sécurité incendie et mérite à ce titre d’être regardée de près. C’est justement cette double casquette sécurité incendie/sûreté que nous souhaitons valoriser désormais. Les chargés de sécurité sont titulaires du SSIAP 3 (Service de Sécurité Incendie et d’Assistance à Personnes), une formation diplômante obligatoire en France. Mais ce grade ne tient pas compte de la réalité de leur métier, de sa dimension Sûreté. Nous souhaitons la création d’un degré intermédiaire, entre le SSIAP 1 et le SSIAP 2 (chef d’équipe de sécurité incendie), accompagné d’une reconnaissance statutaire. Certains hôpitaux ont déjà sauté le pas, reconnaissant de ce fait ce métier nécessitant un savoir-être si particulier. Toujours est-il que la mission de sûreté, assumée par les agents de sécurité incendie, doit pouvoir bénéficier d’une reconnaissance de sa dangerosité, mais aussi du fait qu’une exposition à la violence peut engendrer des impacts psychologiques. Cette reconnaissance existe pour les personnels des Urgences par l’intermédiaire de la prime dite Buzyn, déployée récemment. Mais les agents de sécurité incendie qui exercent la mission de sûreté ont été malheureusement oubliés.

Plus d'informations : www.acses-asso.com






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