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Le magazine de l'innovation hospitalière
Confort

L’architecture au service du confort des professionnels et des usagers


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Lundi 19 Décembre 2022 à 12:02 | Lu 3518 fois


Entre innovations techniques et crise sanitaire, les possibilités et exigences de l’architecture hospitalière évoluent chaque jour un peu plus. À l’avenir, notre système de santé se dotera d’ « établissements complémentaires, plus petits et davantage tournés vers la ville », imagine Mathieu Cabannes, architecte associé de l’agence SCAU.



©ALMA studio
©ALMA studio
En matière d’architecture en santé, de quelles innovations et adaptations majeures avez-vous été témoin ?
Mathieu Cabannes : L’un des changements majeurs de ces dernières années découle clairement de la crise sanitaire. Véritable scénario critique de conception, cette période a réellement remis à des niveaux de priorité plus importants, différents facteurs permettant de renforcer la capacité des hôpitaux à savoir gérer et prendre en charge les afflux de patients contagieux. Deux actions principales ont ici été plébiscitées : la possibilité d’étendre les services, amenant à la standardisation des salles, mais aussi de créer deux circuits distincts, dans l’ensemble des bâtiments, selon que les patients soient infectés ou non. Ce ne sont pas des innovations en tant que telles, mais leur dimension prioritaire a été largement revue par les circonstances.

Quelles sont vos observations sur les quinze dernières années ?
Nous avons ici pu observer un resserrement toujours plus important des ratios de surface, et ce afin que les hôpitaux soient les plus optimisés possibles par rapport au nombre de patients qu'ils peuvent accueillir. Un autre changement majeur a aussi été le virage ambulatoire. Dans la conception hospitalière, ce dernier se matérialise de différentes manières, comme le développement des unités de chirurgie ambulatoire ou des hôpitaux de jour. Lorsque nous concevons des hôpitaux appelés à rester en activité plusieurs années, nous essayons donc d’anticiper cet état de fait et, au vu des innovations actuelles, de laisser une place afin que ces services ambulatoires puissent s’étendre davantage si besoin. La prise en charge ambulatoire a d’ailleurs des spécificités qui lui sont propres : plus courte sur le plan temporel, elle implique une conception différente, avec peu ou pas de chambres, mais plutôt des salles d’accueil et des salons ambulatoires pouvant accueillir plusieurs personnes. Puisque le patient est amené à entrer et sortir dans la journée, toute la configuration de l'unité est pensée selon le principe de la marche en avant, qui fluidifie la prise en charge tout en améliorant le confort perçu par les usagers.

Sur un autre registre, le building information modeling (BIM) s’impose désormais de plus en plus dans les cabinets d’architecture. Pourriez-vous nous parler de cette innovation technologique ?
Utilisé depuis une vingtaine d’années, le BIM entre en effet de plus en plus dans les mœurs. Par exemple, tous les projets au sein de notre agence sont aujourd’hui développés en BIM. Cette technologie est particulièrement intéressante parce qu’elle permet de combiner plusieurs informations dans un seul et même fichier : la géométrie du bâtiment, sa modélisation numérique, ses plans, des données textuelles…  Nous pouvons ainsi améliorer et anticiper la conception du bâtiment ainsi que la coordination spatiale de tous ses éléments. Pour nous, l’avantage réside aussi dans la technique en tant que telle puisque le BIM nous donne accès à des outils de conception et de modélisation plus rapides.
 

© Alexandre Guirkinger
© Alexandre Guirkinger
Quels sont les enjeux actuels de l’architecture en santé ?
L’un des principaux enjeux est clairement de remettre la notion d'accueil inconditionnel, le soin au sens large, au centre du processus de soins. Co-commissaire de l’exposition « Soutenir – ville, architecture et soin » au Pavillon de l’Arsenal, avec Cynthia Fleury, notre agence a pu travailler sur l’histoire du soin dans la ville et des stratégies qui ont été mises en œuvre dans l'histoire pour prendre soin. Au travers de nos recherches, nous nous sommes notamment rendu compte que l'institution hospitalière a hérité, depuis les Lumières, de l'idée d'une « machine à guérir », où l'hôpital est construit comme un outil au service du processus médical. Le risque, ici, est que cet outil ne prenne plus en charge la personne en tant que personne, mais en tant qu’élément d'un processus. J’insiste donc, et c’est le message que l’on porte dans l’exposition, sur la nécessité de remettre la notion de soin global, du « care », au cœur de l'acte de soin, à l’hôpital comme en ville.

Comment cela se traduit-il ?
Plusieurs recherches sont actuellement menées sur ce sujet. Au niveau architectural, cette volonté peut se traduire, par exemple, par un travail sur la qualité d'ambiance, les matériaux mis en œuvre, l'entretien des espaces… Les leviers peuvent être nombreux. Une partie importante de ce travail est aussi de donner à voir le soin et ses actes. Car c’est aussi l’un de nos constats, suite à la réalisation de cette exposition : le pathologique est souvent mis à l’écart. Dans une logique de créer une ville parfaitement saine, on fait disparaître ce qui paraît malsain et on invisibilise par là même les soignants ainsi que nos vulnérabilités. La conception de nos espaces publics a ici un rôle majeur à jouer pour limiter cette invisibilisation. Pour prendre un exemple concret, la chambre mortuaire de l'hôpital est toujours cachée. Or on peut travailler pour la rendre plus visible tout en étant acceptable. C’est d’ailleurs l’un de nos partis pris sur un projet en cours. Visible, au rez-de-chaussée, la chambre mortuaire est installée dans un jardin et un bâtiment identifiés.

Comment imaginez-vous l'hôpital dans dix à quinze ans ?
Cette question en amène une autre : comment et où penser l’acte de soin dans dix à quinze ans ? Et la réponse est pour moi multiple. Nous aurons toujours besoin d’hôpitaux techniques disposant de plateaux, de services et de processus ultraspécialisés. Le soin qui bénéficie de cette organisation sera donc toujours présent, mais sera complété par d’autres lieux de soins plus diffus, installés en ville avec des qualités d’espaces domestiques. Je pense ici au Maggie’s Center, des centres d’accueil et d’information dédiés au cancer. Installés non pas dans l’hôpital, mais en proximité, ils bénéficient d’une architecture domestique de grande qualité qui parle d'une autre manière du prendre soin et d'accueillir. À l’avenir, je pense que tels lieux d’accueil inconditionnel peuvent se développer partout en ville. Ces établissements complémentaires, plus petits et davantage tournés vers la ville, seront mieux intégrés dans le maillage urbain. Ils remettront plus de soin, au sens large, dans notre ville et notre société qui devra accepter plus largement ses vulnérabilités et l’interdépendance de ses membres.

Article publié dans l'édition de septembre 2022 d'Hospitalia à lire ici.
 

Ville, architecture et soin

Jusqu’au 25 septembre, le Pavillon de l’Arsenal de Paris accueille l’exposition « Soutenir – Ville, Architecture et Soin », consacrée notamment à l’histoire de l’architecture dédiée au soin. S’intéressant à plusieurs territoires, habités ou non, elle nous offre plusieurs portraits de lieux, les rattachant aux thématiques de la santé et du « care ». Organisé en codirection par la philosophe Cynthia Fleury et le collectif d’architectes SCAU, cet événement va toutefois au-delà de la simple exposition et explore plusieurs médias – colloque, ouvrage, visites, promenade – pour aborder le sujet sous différents angles.

Plusieurs conférences ont ainsi été organisées dans le cadre de « Soutenir ». Pour la plupart encore visibles sur le site internet du Pavillon de l’Arsenal, ces temps d’échanges abordent une large variété de sujets : « Quelle place la ville doit-elle accorder au soin ? », « Le soin, des lieux et des architectures qui nous soutiennent », « Les enjeux de la "séniorisation" de la société, pour la ville », « L'architecture qui guérit ou rend malade : hier, aujourd'hui, demain »…

En complément, les commissaires de « Soutenir » ont publié en avril dernier un livre. Divisé en sept parties, il reprend les principales thématiques développées lors de l’exposition et des conférences : la distance, les éléments territoriaux, les formes, les frontières, les nécropoles, les hétérotopies, soit des architectures alternatives, et enfin les espaces inhabitables. Dans chacun de ces chapitres, deux contributeurs sont invités à s’exprimer autour d’un point particulier. Le tout est complété par la présentation de neuf lieux en Île-de-France, « des productions archétypales du soin (et du non-soin) comme principe architectural et urbain », indique l’ouvrage.

- Plus d’informations sur la page « Soutenir » du Pavillon de l’Arsenal :  https://www.pavillon-arsenal.com/fr/expositions/12408-soutenir.html
 






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