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Hygiène

COPERMIC, une commission dédiée à la microbiologie de l’environnement


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Mercredi 6 Mars 2024 à 16:52 | Lu 984 fois


Parce que « la maîtrise du risque infectieux lié à l’environnement constitue l’une des missions des hygiénistes », la Société Française d’Hygiène Hospitalière (SF2H) s’est dotée, fin 2023, d’une nouvelle commission permanente en microbiologie de l’environnement. Dite « COPERMIC », celle-ci « a vocation à être pragmatique, proche des besoins du terrain », comme nous l’explique le Pr Jean-Winoc Decousser, biologiste-hygiéniste, responsable de l’Équipe opérationnelle d'hygiène hospitalière (EOH) des Hôpitaux Universitaires Henri Mondor de Créteil, et pilote de la commission COPERMIC.



Pourquoi avoir créé cette nouvelle commission permanente ?

Pr Jean-Winoc Decousser : L’une des forces de l’hygiène hospitalière réside dans la multiplicité des parcours y menant. De nombreux hygiénistes, dont moi-même, sont par exemple issus d’une formation en microbiologie. Mais beaucoup d’autres n’en sont pas spécialistes. Pourtant, la maîtrise du risque infectieux lié à l’environnement constitue l’une de nos missions, et peut d’ailleurs être particulièrement chronophage. COPERMIC a été créée pour justement répondre auxquestions en lien avec cette thématique, mais aussi pour apporter, ponctuellement, des éclairages sur un sujet précis. Il ne s’agit pas de rendre un avis scientifique, qui nécessite parfois plusieurs années de travail, mais bien de permettre à chacun de se positionner de façon pragmatique lorsqu’il est face à certaines interrogations, et qu’il n’existe pas de recommandation tranchée. 

Pourriez-vous nous donner quelques exemples ?

Notre commission a vocation à être pragmatique, proche des besoins du terrain, quels que soient la taille de l’établissement concerné, ou le profil de ses experts en hygiène hospitalière. Plus concrètement, nous entendons limiter le temps passé sur les problématiques liées à l’hygiène de l’environnement car, bien que celles-ci soient un facteur d’infection associée au soin, elles n’en représentent pas, pour autant, la cause principale. Les enquêtes nationales de prévalence menées ces dernières années le montrent bien : les principaux germes, tels que Staphylococcus aureus ou Escherichia coli, sont le plus souvent d’origine endogène. Si l’environnement est un paramètre non négligeable, la présence d’un seul infirmier de nuit pour 18 patients hospitalisés en chirurgie, ou 15 patients se côtoyant plusieurs heures sur des brancards aux urgences, sont des situations beaucoup plus problématiques. Faire de la microbiologie de l'environnement, c'est donc, aussi, connaître ses limites. 

Quel est le mode de fonctionnement de COPERMIC ?  

Officiellement lancée fin 2023, cette commission regroupe huit professionnels de l’hygiène en milieu hospitalier, aussi bien des médecins biologistes que des cadres de santé ou des techniciens biohygiénistes. Cette variété de profils nous a semblé nécessaire pour apporter des réponses pragmatiques aux points qui pourraient être soulevés. Un questionnaire a d’ailleurs été déjà envoyé aux adhérents de la SF2H, afin qu’ils puissent nous soumettre leurs interrogations, et une Foire aux questions devrait prochainement voir le jour sur le site de la société savante. De manière plus concrète, lorsqu’une question nous est posée, nous y répondons rapidement, en fournissant, lorsqu’ils existent, les supports documentaires associés. Dans le cas contraire, nous prévoyons de rédiger quelques avis, notamment basés sur des échanges avec des professionnels s’étant déjà penchés sur le sujet. Ces travaux nécessiteront un peu plus de temps, mais ils nous permettront de nous positionner sur des problématiques spécifiques qui n’auront pas été tranchées dans la littérature. 

Vous évoquiez le questionnaire transmis aux adhérents de la SF2H. Quelles thématiques en sont ressorties ?

Ce document était orienté sur des problématiques très actuelles, notamment la contamination environnementale par des bactéries hautement résistantes émergentes (BHRe), la contamination microbiologique des siphons, le développement durable et, plus largement, la prévention du risque infectieux lié à l'eau. Nos premiers travaux porteront donc sur ces sujets, mais seront aussi couplés à des enjeux récurrents apparus dans les réponses au questionnaire : la gestion de l’eau, de l’air et des surfaces, et par exemple la fréquence de réalisation de certaines analyses. 

Pourquoi avoir plus particulièrement souhaité traiter le problème de la contamination des siphons ?

Car les questions qu’elle soulève sont nombreuses : quand prélever et comment ? Comment interpréter les résultats ? Quel traitement préventif ou curatif mettre en œuvre ?... Ces interrogations sont fréquentes, puisque les siphons ne sont pas des lieux anodins : ils hébergent souvent des BHRe et jouent un rôle dans les contaminations croisées. Pourtant, la littérature ne tranche pas sur les protocoles de prélèvement et de décontamination. Nous souhaitons donc mener ici des travaux pour, à l’image de ce que j’évoquais plus haut, faire un point sur les recommandations existantes et émettre un avis pratique. Nous avons, pour cela, prévu plusieurs rencontres avec des hygiénistes s’étant déjà intéressés au sujet pour tenter, ensemble, d’apporter des éclaircissements concrets, et intelligibles pour tous les professionnels de l’hygiène hospitalière, quel que soit leur profil.

Vous avez aussi mentionné le développement durable. Comment comptez-vous traiter cette question ?

Le développement durable est un enjeu présent dans tous les esprits, notamment lorsque l’on s’intéresse à l’hygiène de l’eau et de l’environnement. Ainsi, nous avons dernièrement été confrontés à une question portant sur l’utilisation des dosettes d'eau stérile pour la détersion cutanée au bloc opératoire, et à la possibilité de les remplacer par de l'eau filtrée. L’idée peut sembler bonne sur le plan écologique, mais elle présente un risque non négligeable : l’eau filtrée n’est pas forcément contrôlée, d’autant qu’elle nécessite l’utilisation d’un récipient annexe. Comme le préconise la SF2H, la solution pourrait simplement résider dans l’arrêt de la détersion systématique au bloc opératoire, au profit d’une douche préopératoire réalisée au plus près de l’intervention, et d’une désinfection cutanée extrêmement rigoureuse en salle de bloc opératoire. Mais ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres, les questions autour du développement durable sont larges, et vont de l’utilisation de l’eau de javel au gaspillage d’eau lors des purges, en passant par la réduction des articles en plastique. Pour l’hygiéniste, le développement durable est d’ailleurs un défi quotidien, puisqu’il faut l’intégrer dans les pratiques sans pour autant augmenter le risque infectieux. D’où la nécessité d’accentuer la prévention car, rappelons-le, ce qui reste le plus coûteux en terme écologique, c’est l’infection et son traitement.

> Article paru dans Hospitalia #64, édition de février 2024, à lire ici 
 







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