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Confort

Aux HCL, le partenariat patient est déjà une réalité


Rédigé par Joëlle Hayek le Mercredi 8 Décembre 2021 à 14:54 | Lu 1190 fois


Solliciter des patients-partenaires pour construire avec eux les projets et prises en charge. Telle est l’ambition du dispositif PEPS, pour « Partenariat et Expérience Patient en Santé », né aux Hospices Civils de Lyon (HCL) et étroitement intégré à leur projet d’établissement « Pulsations 2023 ». Cette approche innovante, aujourd’hui inédite à ce niveau institutionnel en France, a d’ores-et-déjà permis d’impulser une dynamique vertueuse appelée à se démultiplier.



Tout commence en 2017, alors que les HCL préparaient leur nouveau projet d’établissement pour la période 2019-2023. « Nous étions convaincus que dans certains services, les équipes soignantes travaillaient de concert avec les patients et que ces interactions étaient sources d’enseignements », explique le Professeur Philippe Michel, directeur de l’organisation, de la qualité, des usagers et de la santé populationnelle, à l’origine de la démarche PEPS. L’institution organise alors un séminaire pour identifier les unités concernées. « Nous avons été très agréablement surpris : les services intégrant les patients à leur activité étaient bien plus nombreux que nous ne l’imaginions », sourit-il. Les expériences les plus abouties font dès lors l’objet d’une présentation spécifique. C’est notamment le cas du projet mis en œuvre il y a déjà plus de quinze ans au sein du service de rééducation fonctionnelle des blessés médullaires, où les patients paraplégiques ou hémiplégiques participent à l’élaboration des activités physiques, ou de celui porté par le centre de référence de la mucoviscidose, avec des patients une fois de plus partie prenante des soins prodigués aux autres malades, mais aussi des patients-chercheurs associés à la mise en place des projets de recherche.
 

Brigitte Volta-Paulet, patiente-coordinatrice. ©DR
Brigitte Volta-Paulet, patiente-coordinatrice. ©DR

La toute première patiente-coordinatrice recrutée en France

« Les témoignages de tous ces services pionniers nous ont décidé à nous engager dans la mise en place d’un réel partenariat avec nos patients. Mais il nous fallait formaliser cette démarche. Nous avons donc sollicité l’appui du CHU de Montréal, au Québec, un établissement qui travaille de longue date sur le sujet, ce qui nous a permis d’identifier le partenariat patient comme le premier levier d’amélioration des prises en charge aux HCL », poursuit le Pr Michel. C’est ainsi que naît le dispositif institutionnel PEPS. Avec un prérequis identifié dès le départ : il sera co-piloté par un professionnel de santé – en l’occurrence Isabelle Dadon, directrice adjointe des HCL – et un patient, « de manière à mettre sur le même plan et à conjuguer l’expérience liée à la maladie et l’expérience professionnelle », précise-t-il. Brigitte Volta-Paulet devient alors la première patiente-coordinatrice à être recrutée par un établissement de santé français. « Je suis à la base psychologue du travail et ai donc l’habitude des analyses de pratiques en entreprise. Mais j’ai également l’expérience de la maladie et suis par ailleurs titulaire d’un master en santé. M’associer au dispositif PEPS est, pour moi, l’occasion d’impulser une transformation des pratiques, développer une culture projet et faire, plus globalement, avancer la démocratie sanitaire », explique-t-elle.
 

Une méthodologie qui fait la part belle à la co-construction

Toutefois, pour que la dynamique prenne, il faut également associer les représentants des usagers, partenaires historiques des établissements de santé, ce qui a nécessité « un certain travail de sensibilisation », note Philippe Michel. Mme Volta-Paulet abonde : « L’engagement des patients aux HCL doit à notre sens se matérialiser à travers des voix/voies pluriel(le)s : les représentants des usagers qui défendent les droits des patients et de leur entourage, les associations réalisant des activités spécifiques dans le cadre de conventions avec l’établissement, les patients-experts participant aux programmes d’Éducation Thérapeutique du Patient, les patients et aidants partenaires participant au dispositif PEPS, et les professionnels des HCL ».

Pour implanter PEPS durablement, un événement annuel est donc créé : « la semaine PEPS », fruit d’une concertation lors de l’Hacking Health de Lyon – qui a également validé le principe d’une « charte PEPS ». En parallèle, une large campagne de communication est lancée auprès des directions et pôles médicaux pour présenter le dispositif et identifier les services pilotes qui feront l’objet d’un accompagnement. « Nous souhaitions partir du terrain pour co-construire notre méthodologie, de manière à répondre aux attentes des équipes tout en garantissant une cohérence de pratiques à l’ensemble des HCL. Cette approche représente un marqueur fort du dispositif PEPS et en fait toute la richesse. Elle s’inspire d’ailleurs directement de la manière dont le patient réagit face à la maladie : développer les apprentissages, avancer pas-à-pas, se mettre en réseau, viser une économie d’énergie, etc. », détaille Brigitte Volta-Paulet.
 

Le Pr Philippe Michel, directeur de l’organisation, de la qualité, des usagers et de la santé populationnelle. ©DR
Le Pr Philippe Michel, directeur de l’organisation, de la qualité, des usagers et de la santé populationnelle. ©DR

Une vingtaine de projets concrétisés

PEPS est véritablement déployé au printemps 2019 et se traduit rapidement par plusieurs projets notables. Les patients-partenaires sont ainsi impliqués dans de grands projets de restructuration comme « Bauréals », en lien avec la démarche « Lean » déjà implantée, le chantier de modernisation des soins critiques, des urgences et des blocs opératoires du groupement Lyon Sud, ou encore la modernisation des urgences de l’hôpital Édouard Herriot. « La vision des patients très en amont des projets est d’une grande richesse et permet d’aboutir à une offre qui soit la plus adaptée possible aux besoins des usagers d’aujourd’hui et de demain », note le Pr Michel. « Les patients ont un autre regard, avec des propositions très concrètes ayant un impact direct sur leur expérience. Par exemple, équiper les salles d’attente de pendules murales peut paraître anodin pour les professionnels de santé, mais cela est important pour que les malades gèrent mieux leur stress », ajoute la patiente-coordinatrice en évoquant, avec le sourire, des « listes à la Prévert ».

À l’unité SSR est par ailleurs co-construit un programme de formation pour la prise en charge des patients cérébro-lésés, où ceux-ci et leurs aidants sont à la fois personnes-ressources et formateurs. En chirurgie ORL, une réflexion associant une fois de plus patients et aidants partenaires aboutit à des actions concrètes pour améliorer le vécu des patients lors de la mise en place de leur implant cochléaire. À l’Hôpital Femme-Mère-Enfant (HFME), des parents « pairs aidants » co-construisent avec l’équipe de professionnels un programme de formation pour améliorer le retour à domicile des enfants ventilés. Un mannequin pédiatrique est également acquis, afin que les professionnels de santé puissent s’entraîner à la pose d’une sonde gastrique. Au total, pas moins d’une vingtaine d’équipes soignantes ont été impliquées dans différents projets du dispositif PEPS.
 

Le « label PEPS »

Au printemps 2020, la France – et le monde – sont pris de court par une crise sanitaire inédite. Son impact se fait sans surprise ressentir sur la dynamique PEPS, mais certains services tiennent à poursuivre leurs partenariats avec les patients. « Avec le recul, cela a été bénéfique pour les équipes soignantes : PEPS est centré sur les relations humaines et a à ce titre contribué à améliorer le quotidien des soignants. C’était presque une bulle qui leur a permis de s’investir dans autre chose que le Covid », raconte Philippe Michel. La « semaine PEPS » est pour sa part programmée pour la troisième semaine d’octobre 2020, alors que la deuxième vague épidémique déferle sur le pays. « Les équipes impliquées ont toutes répondu présentes. C’était, une fois de plus, un signal fort de l’importance prise par le dispositif PEPS, qui permet de se projeter sur l’après et de continuer à se construire », analyse-t-il.

« La démocratie en santé a sans conteste souffert de la crise, notamment au niveau institutionnel avec une association moindre des représentants des usagers. Mais les partenariats-patients, qui sont au cœur de la vie des services de soins, ont pu se poursuivre dans un certain nombre d’unités », ajoute Brigitte Volta-Paulet. Forts de ce constat, les HCL décident de créer, fin 2020, un « label PEPS » décerné aux démarches construites par rapport aux attendus du dispositif – soit un projet qui soit à la fois personnalisé et cohérent avec les pratiques de l’institution. « Nous avions suffisamment de recul pour identifier ce qui fonctionne pour chaque projet PEPS : la construction d’un noyau dur de professionnels impliqués, la rédaction d’une feuille de route qui fera office de référence commune, l’association de la direction de l’organisation, de la qualité, des usagers et de la santé populationnelle à l’identification des patients-partenaires, un pilotage en binôme patient-professionnel de santé », explique-t-elle. À l’été 2021, le label a déjà été décerné à 14 services.
 

Prochaine étape, l’expérience patient

« Les années 2019-2021 ont été consacrées à la co-construction de PEPS. Ce long cadrage en amont a été nécessaire pour assurer la pérennité des actions qui seront mises en œuvre par la suite. Il nous faut désormais passer à la vitesse supérieure pour généraliser le dispositif à l’ensemble des HCL – qui, rappelons-le, regroupent 13 établissements et quelques 24 000 personnels », annonce le Pr Michel. Le plus gros défi est donc à venir, d’autant qu’il faudra également « mettre en place des repères pour garantir l’éthique des pratiques », note Mme Volta-Paulet. Surtout, il faudra continuer d’élargir PEPS, qui a jusque-là porté sur les partenariats-patients alors qu’il vise également un second champ, l’expérience patient.

La première étape sera ici de définir une méthodologie harmonisée qui permettra de la recueillir. « Il nous faudra également travailler sur la littératie, afin de parler un langage que les patients comprennent. Nous avons déjà commencé à y réfléchir dans le cadre des partenariats-patients, mais PEPS doit prendre en compte la parole de tous les patients, et non uniquement ceux qui se sont portés volontaires. C’est justement cela, l’expérience patient », ajoute le Pr Michel. L’établissement compte s’appuyer ici sur les représentants des usagers et les associations de patients afin qu’à l’horizon 2023, la moitié des 200 services de soins des HCL soit impliquée dans un projet patient-partenaire ou expérience patient.
 

« Une démarche au long cours »

Les pôles médicaux auront eux aussi un rôle à jouer pour atteindre cet objectif. « L’idée étant qu’ils soient les relais du dispositif PEPS et animent les réflexions au sein des services de soins. Nous interviendrons pour notre part en appui sur les sujets complexes », détaille Philippe Michel. En effet, si les copilotes de PEPS ont été en première ligne durant les expérimentations menées ces deux dernières années, il est désormais temps pour eux de passer la main aux équipes de terrain afin que la démarche s’y démultiplie. Mais les grands principes devront rester les mêmes, sans oublier la définition d’indicateurs pour pouvoir mesurer l’impact réel de chaque projet – « il ne faut toutefois pas, aussi, oublier les petites victoires, qui alimentent la dynamique », nuance la patiente-coordinatrice. En tout état de cause, PEPS se positionne comme « une démarche au long cours, qui ne sera jamais réellement terminée. Il ne faut pas sous-estimer les efforts à mener pour que la transformation culturelle se fasse », explique le Pr Michel. « C’est un virage qui est appelé à s’enrichir au fur et à mesure et à s’imbriquer de plus en plus étroitement avec tous les autres projets des HCL. Nous aurons réussi lorsque le partenariat-patient sera une démarche réflexe qui imprégnera toutes nos activités », conclut la co-pilote.

Article publié dans l'édition de septembre 2021 d'Hospitalia à lire ici.






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