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Le jumeau numérique se déploie à l’hôpital


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Mardi 12 Juillet 2022 à 10:02 | Lu 4779 fois


Apparu au début des années 2000, le concept de jumeau numérique s’est longtemps cantonné au champ de l’industrie, avant de s’implanter désormais dans d’autres secteurs. Cette technique de modélisation et de simulation séduit progressivement le monde hospitalier, où elle trouve diverses applications dans la production des soins, la gestion bâtimentaire ou encore l’organisation des flux et des mouvements.



Issu de l’industrie, le concept de jumeau numérique consiste à créer le double virtuel d’un objet, d’un système ou d’un processus en y incluant les données collectées tout au long de son existence. Combinées, celles-ci permettent alors au système de modéliser l’objet à travers une étude dynamique, qui continuera d’évoluer en fonction des informations ajoutées et des facteurs renseignés.

Réalisation du jumeau numérique d’un organe en vue d’une intervention chirurgicale, d’un médicament pour préparer un essai clinique, d’un processus de soin avant son application à un patient… Dans le domaine de la santé, les travaux visant à exploiter tout le potentiel offert par la technique du jumeau numérique sont déjà multiples. C’est que ce système a un avantage indéniable, celui de permettre de « synchroniser ce qu’il se passe en temps réel », avait expliqué Vincent Augusto, enseignant-chercheur et directeur du centre d’ingénierie en santé de l’École des Mines de Saint-Étienne, lors d’une webconférence organisée par l’Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (ANAP) en mars dernier.

Une technologie déjà utilisée dans de nombreux domaines

« Avoir un double numérique contribue à une prise de décision pertinente et éclairée, instantanée pour gérer des risques à l’instant T. C’est aussi un outil stratégique qui permet d’anticiper des dysfonctionnements […] pour la qualité et les processus de soins », a ajouté le Professeur Sandra Bertezene, titulaire de la Chaire de gestion des services de santé de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). La méthode est déjà utilisée dans de nombreux secteurs, pour la maintenance des éoliennes par exemple, mais aussi, de manière plus large, à chaque fois qu’il est utile de modéliser un produit, une installation ou un réseau.

Après l’industrie, le secteur du bâtiment a été l’un des premiers à s’en saisir pour les plus gros projets d’architecture à travers la technologie BIM (Building information modeling), une méthode de jumeau numérique compilant toutes les données d’une structure, avant, pendant et après la phase de construction. À Rennes par exemple, la rénovation thermique du lycée Bréquigny, le plus grand de Bretagne, a ainsi été réalisée à l’aide d’une modélisation de ses bâtiments. Et l’exemple n’est pas isolé. Dans le secteur hospitalier, la construction du nouveau CHU de Guadeloupe a également bénéficié de cette technologie pour concevoir des bâtiments agiles, capables de mieux répondre aux situations de crise. « Tous les outils sont inclus dans cette vue intangible : le BIM est un formidable outil au service de la construction, partagé avec l'ensemble des acteurs. On peut ainsi émettre des avis et faire des modifications en anticipation de l'exécution du projet. Certes, le temps passé en amont est plus important, mais le gain de performance est indéniable », a indiqué Marie-Paule Dayer, présidente de la Smart Building Alliance, lors de la même webconférence.
 

L’exemple du CHU de Saint-Étienne

Conscients des bénéfices offerts par la technologie, certains établissements de santé ont adopté le concept de jumeau numérique depuis déjà plusieurs années. C’est notamment le cas du CHU de Saint-Étienne, qui a choisi d’appuyer le développement de son activité ambulatoire sur un modèle de simulation synchronisé en temps réel. « Nous souhaitions augmenter l’activité de chirurgie ambulatoire, il nous fallait donc doubler la capacité physique du pôle », a raconté Gilles Laroze, directeur délégué du Pôle clinique et bloc du CHU.

Il y a huit ans, à la suite d’une réflexion sur ce projet et sur ce qu’il imposera en termes de rénovation de locaux existants et de réorganisation des parcours patients, les équipes du CHU stéphanois ont fait appel aux étudiants de l’École des Mines voisine, afin qu’ils réalisent une description informatique du pôle. « L’outil décrit la réalité », a insisté Gilles Laroze évoquant, pour illustrer ses propos, le dimensionnement du nombre de brancards au sein du pôle. « Nous avons donc appliqué la méthode du jumeau numérique à un service de soins, pour en optimiser le fonctionnement », a résumé Vincent Augusto en insistant sur la nécessité de récupérer les données de manière systématique.
 

De nombreux défis pour le secteur

Mais les défis qu’il reste à relever pour déployer plus largement la méthode du jumeau numérique sont nombreux : appropriation de ces outils par les décideurs du système de santé et les directions hospitalières, collecte et centralisation systématique de l’ensemble des données utiles, investissements financiers et humains, dimensionnement des infrastructures hospitalières… Pour Sandra Bertezene, l’une des premières limites réside ainsi, aujourd’hui, dans « la transformation des métiers de l’hôpital » afin de favoriser une montée en compétences à l’intérieur même des établissements.

Et c’est justement pour inciter à une utilisation plus large de cette technologie que les experts de l’ANAP souhaitent désormais « promouvoir l’essaimage au sein des établissements », et même hors de leurs murs en soutenant des projets de coopération ville-hôpital. « Le jumeau numérique est un sujet d’avenir pour nos établissements, qui couvre tout le cycle de vie d’un hôpital : immobilier, chaîne logistique, transition énergétique, flux patients, organisation des ressources humaines », a noté Tim Brienen, directeur des Pôles Performance des usages du numérique et Performance économique, ingénierie financière, usages de l’IA et des Data au sein de l’ANAP, avant de conclure : « C’est un sujet passionnant qui ouvre aussi des perspectives managériales, car cette exploitation de la donnée offre à nos équipes des outils à tester et favorise ainsi leur créativité ».

Article publié dans l'édition de mai 2022 d'Hospitalia à lire ici.






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