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« Pour être efficace, l’intégration numérique doit faire partie de la stratégie globale de l’hôpital »


Rédigé par Rédaction le Mardi 1 Décembre 2020 à 09:21 | Lu 2160 fois


Directeur du Département de la Gestion des Systèmes d’Information (GSI) pour le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Liège, en Belgique, et président de la communauté « Patient Numérique », le Professeur Philippe Kolh a dévolu une grande partie de sa carrière à l’intégration du numérique dans le monde médical. Rencontre.



Le Pr. Philippe Kolh, directeur du Département de la Gestion des Systèmes d'Information pour le CHU de Liège. ©DR
Le Pr. Philippe Kolh, directeur du Département de la Gestion des Systèmes d'Information pour le CHU de Liège. ©DR
Praticien hospitalier spécialisé en chirurgie cardio-vasculaire, et Professeur des universités en physiologie et biochimie humaines, vous dirigez le département GSI depuis 2009. Comment se positionne le CHU de Liège en matière de santé numérique ?
Philippe Kolh : Très tôt, le CHU de Liège a pu développer toute une stratégie digitale qui nous a permis, par exemple, de commencer à déployer le Dossier Patient Informatisé dès 2003. Grace à ce virage pris au début des années 2000, nous sommes depuis plus de dix ans engagés dans une logique « paperless » [sans papier, NDLR]permettant une prescription informatisée pour quasiment tous les services et toutes les fonctionnalités – biologie clinique, imagerie, prescription médicamenteuse, dossier infirmier… Sur les plus de 1 000 lits que compte le CHU, environ 95 % en sont aujourd’hui équipés, nous classant au niveau 6 de l’échelle EMRAM*. Nous espérons atteindre le 7ème et dernier niveau d’ici deux à trois ans. Cela dit, je suis moi-même médecin. Ma fonction au sein du département GSI du CHU de Liège impose donc l’appui technique d’ingénieurs informaticiens, auxquels j’apporte une vision plus proche des problématiques métiers rencontrées au quotidien par les équipes soignantes. 

Vous êtes également président de la communauté « Patient Numérique », qui réunit les hôpitaux belges leaders en informatique médicale. 
Effectivement, j’assure la présidence de « Patient Numérique » depuis sa création. Cette communauté s’attache, depuis dix ans, à fédérer les décideurs et les utilisateurs ayant un lien avec l’intégration des outils numériques en santé, que ce soit lors de notre symposium annuel mais aussi tout au long de l’année, à travers des rencontres, des formations, des débats… Mais nous réunissons également une communauté de patients et de médecins généralistes exerçant en ville, afin de développer des liens entre tous ceux concernés par l’informatique médicale et son intégration aux organisations sanitaires. En résumé, nous essayons de faire en sorte que les outils numériques ne soient pas uniquement centrés sur l’hôpital mais que tous puissent se les approprieret les utiliser de manière décloisonnée.  

Pourquoi s’intéresser plus particulièrement à ces technologies ? 
Les outils numériques et digitaux sont, à mon avis, essentiels afin d’améliorer et d’optimiser la qualité des soins dans nos hôpitaux, en Belgique comme ailleurs. De multiples applications nous montrent chaque jour leur utilité dans le processus de soins. Au CHU de Liège, par exemple, nous disposons de sept sites répartis sur l’agglomération. Chacun disposait auparavant d’un dossier patient papier, ce qui compliquait énormément la prise en charge des usagers suivis dans plusieurs sites. La mise en place d’un dossier patient informatisé nous a permis de pallier ce problème en facilitant l’accès à l’information quel que soit le lieu de prise en charge. Nous disposons donc désormais d’une vision unifiée sur le parcours d’un patient, ce qui contribue à la cohérence et à la continuité des soins. De la même manière, le déploiement d’un PACS centralisé accélère l’accès aux images médicales et donc la prise de décision diagnostique ou thérapeutique.

Les exemples sont donc nombreux…
Oui et ils ne cessent d’augmenter. Le CHU de Liège est d’ailleurs en train de mettre en place un système de cross matching[épreuve de compatibilité – NDLR] permettant de vérifier et de valider en amont l’administration de produits sanguins et/ou de médicaments. Concrètement, chaque patient, chaque produit, possède un code-barres qui doit être scanné avant toute administration. Le système vérifie alors l’identité du patient et les données de prescriptions : type de produit, dose, heure d’administration… Il apporte donc une sécurité supplémentaire dans le processus de prise en charge et est progressivement complété par un système d’aide à la décision pour la prescription médicamenteuse, ce qui permettra de vérifier également les possibles allergies ou contre-indications d’un patient, par exemple.

À chaque fois que vous déployez un nouvel outil, comment assurez-vous l’appropriation des équipes médicales et soignantes ?
À l’instar de n’importe quel autre projet, l’intégration numérique doit, pour être efficace, faire partie de lastratégie globale de l’hôpital, de façon claire et parfaitement définie. Ce qui implique, naturellement, de mettre en œuvre les moyens suffisants, en termes d’effectifs comme d’investissements financiers. Au CHU de Liège par exemple, trois à quatre millions d’euros sont investis chaque année dans le volet stratégie numérique. Cette enveloppe peut sembler importante, mais elle est en réalité totalement nécessaire pour pouvoir développer des outils efficaces et doit être complétée par une équipe compétente. Un autre aspect important pour que les utilisateurs s’approprient au mieux les outils numériques est le travail réalisé en amont d’un déploiement. La constitution de groupes de travail et de comités de pilotage incluant des représentants de tous les métiers estselon moi une nécessité. Lors de la mise en œuvre des différentes composantes du DPI, nous avons ainsi créé plusieurs groupes de travail de dix à quinze personnes se concentrant sur des éléments précis en relation avec leur métier. Les dossiers infirmiers ont été conçus par des infirmiers, et c’est justement ce qui permet une bonne appropriation : l’outil répond à la demande.

Comment menez-vous ensuite le déploiement ? 
Après avoir consulté les groupes de travail concernés, nous avons pris l’habitude de diviser les différentes thématiques en lots pour travailler avec des services pilotes volontaires. Cette démarche nécessite d’être cadrée mais elle permet de valider, avec des professionnels, une phase d’essais totalement nécessaire. Une fois cette étape terminée et les problèmes éventuellement rencontrés résolus, nous généralisons progressivement la nouvelle solution dans les services hospitaliers.

La récente crise sanitaire a-t-elle modifié la vision des professionnels de santé et du grand public sur l’informatique de santé ?
Avant le mois de mars, et contrairement à la France par exemple, la téléconsultation n’était pas remboursée en Belgique. Durant les mois suivants, son essor, et celui de la télémédecine au sens large, ont donc été plus forts chez nous. De manière générale, la crise sanitaire et plus particulièrement le confinement, ont montré à tous l’utilité des outils informatiques. Au sein du CHU-même, 700 des 5 500 salariés ont pu passer en télétravail pendant le pic de la crise sanitaire. Cela aurait été impensable avec un système papier. 

Comment voyez-vous le futur de l’informatique médicale ?
Pour les hôpitaux qui ont pris du retard sur le plan du numérique en santé, il me parait évident qu’ils ne pourront pas se passer d’investissements massifs, d’autant que ces solutions auront un rôle majeur à jouer pour la médecine de demain, en particulier en termes d’amélioration des prises en charge et de la qualité des soins. Ce sera le cas à l’hôpital, mais aussi pour la médecine de ville et l’Hospitalisation À Domicile (HAD), une formule qui se développe de plus en plus en Belgique. Sur ce dernier point, nous travaillons aujourd’hui à un projet qui permettra des échanges informatisés entre les différents professionnels de santé intervenant auprès d’un patient. Cette approche transversale viendra compléter celle déjà offerte par le Réseau de Santé Wallon, qui permet au patient d’ouvrir l’accès de son dossier médical informatisé à un professionnel de santé. Installé depuis plusieurs années en Belgique, ce système est aujourd’hui pérenne. Mais il avait nécessité un gros travail sur l’interopérabilité, qui représente l’un des nombreux enjeux-clés pour permettre une plus grande utilisation et une meilleure optimisation des outils numériques intégrés dans le monde de la médecine. 


*EMRAM (Modèle d’adoption du dossier médical électronique), une grille d’analyse développée par HIMSS Analytics, présente au total sept niveaux d’évaluation, qui correspondent chacun à un stade d’informatisation et à l’intégration de certaines technologies numérique dans l’activité d’un établissement de santé. 

 
Article publié sur le numéro de septembre d'Hospitalia à consulter ici   
 
 







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