Connectez-vous S'inscrire

Le magazine de l'innovation hospitalière
Hygiène

Rencontre : le Dr Virginie Morange, responsable de l'EOHH du CHRU de Tours


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Jeudi 2 Février 2023 à 10:25 | Lu 1262 fois


Au CHRU de Tours, le Docteur Virginie Morange, médecin hygiéniste, est à la tête de l’Équipe Opérationnelle d’Hygiène Hospitalière (EOHH) depuis plus de dix ans. Travaillant en lien étroit avec le Comité de Lutte contre les Infections Nosocomiales (CLIN) de l’établissement, ses membres portent plusieurs actions pour toujours mieux prévenir les infections associées aux soins. Rencontre.



L’Équipe Opérationnelle d’Hygiène Hospitalière du CHRU de Tours. ©DR
L’Équipe Opérationnelle d’Hygiène Hospitalière du CHRU de Tours. ©DR
Pourriez-vous nous présenter l’EOHH du CHRU de Tours ?
Virginie Morange : Celle-ci est composée de 3,5 équivalents temps plein (ETP) pour ce qui est des infirmiers diplômés d’État (IDE) présent, d’une cadre de santé, d’une secrétaire ainsi que de 2,8 ETP de praticiens hospitaliers – en l’occurrence deux pharmaciens et moi-même. Nous intervenons dans les différents sites du CHRU de Tours, et notamment les sites principaux que sont l’hôpital Bretonneau et ses 800 lits et places situés en centre-ville, l'hôpital pédiatrique Clocheville avec 200 lits et places également en centre-ville, et l’hôpital Trousseau, implanté à Chambray-lès-Tours, au sud de l’agglomération, et qui compte environ 500 lits et places. Sans oublier l’Ermitage avec 200 lits et les établissements de psychiatrie. Mais notre EOHH s’intègre naturellement dans une organisation plus globale, et travaille à ce titre en étroite collaboration avec le Comité de Lutte contre les Infections Nosocomiales (CLIN), qui organise chaque année trois séances plénières conviant les plus de 250 correspondants en hygiène, médicaux et paramédicaux opérant au sein du CHRU. Véritables pierres angulaires de la prévention des infections associées aux soins (IAS), ces derniers sont nos relais sur le terrain. Ces réunions permettent donc de favoriser les échanges, avec les correspondants en hygiène mais aussi avec les pharmaciens, les agents des services techniques, la médecine du travail et les différentes directions participant aux rencontres. Sur ce dernier point, nous travaillons tout particulièrement avec la direction Qualité, spécialisée dans la gestion des risques hospitaliers au sens large.
 
Quelles sont les missions principales de l’EOHH ?
Notre objectif premier reste la prévention des infections associées aux soins, afin de protéger les patients vis-à-vis du risque infectieux. Comme toutes les équipes opérationnelles d'hygiène, nous suivons ici les recommandations en vigueur et inscrivons nos actions dans le cadre des missions nationales définies par les pouvoirs publics. Ainsi, la prévention des IAS passe d’abord par la rédaction des procédures. Cette nécessité est au cœur de notre métier, car la qualité et la formalisation des protocoles sont étroitement liées. Nous les élaborons et actualisons donc régulièrement, pour plusieurs types d’actions allant de la pose d’un cathéter veineux périphérique à celle d’une sonde urinaire, en passant par la maîtrise des bactéries multirésistantes aux antibiotiques et la prise en charge des patients qui en sont porteurs. À chaque fois, nous devons ensuite former et informer les professionnels de santé pour transmettre les messages clés et ainsi améliorer les pratiques. Nous réalisons à ce titre des audits de pratiques, et accompagnons également les soignants avec une vigilance quotidienne à partir d’alertes sur les infections diagnostiquées par les laboratoires.
 
Sur quelles thématiques travaillez-vous par exemple aujourd’hui ?
Les tâches et sujets abordés auprès des équipes sont nombreux et variés, mais chaque année, le CLIN porte notre attention sur une thématique prioritaire, que nous déclinons auprès des correspondants en hygiène qui la transmettront aux autres professionnels. En 2022, le thème retenu avait ainsi trait à la maîtrise des bactéries multi-résistantes (BMR) aux antibiotiques et hautement résistantes émergentes (BHRe). Le premier jeudi du mois d’octobre, nous avons réuni plus d’une centaine de correspondants en hygiène pour les sensibiliser à ces enjeux, de la manière la plus claire et la plus synthétique possible – il s’agit d’ailleurs de deux prérequis inscrits au cœur de toutes nos actions de formation et d’information. Cela dit, nous cherchons également à intégrer des modalités de pédagogie active, comme l’escape game, le quiz ou le e-learning, pour mieux mobiliser les professionnels de santé et favoriser leur participation. Diversifier les outils et les approches de sensibilisation représente en effet un levier important pour l’assimilation des bonnes pratiques. Dans cette même optique, nous sommes aussi présents sur les réseaux sociaux, et notamment le compte Instagram du CHRU, pour communiquer sur les différents pans de l’hygiène, en particulier l’hygiène des mains qui reste à la base de toute stratégie de prévention des contaminations croisées.
 
Vous intervenez également auprès des étudiants de la Faculté de médecine…
En effet, au-delà de nos actions pour la formation continue des professionnels en exercice, nous participons aussi à la formation initiale des étudiants, notamment les étudiants en médecine reçus en deuxième année. Nous entrons en scène peu après la fin de la première année, avant qu’ils n’effectuent leur stage, pour leur offrir une première formation en hygiène hospitalière composée de deux heures de cours magistral et de trois heures d’atelier pratique. Notre objectif est de leur en expliquer les bases, le b.a.-ba, avant toute intervention en secteur de soin. Sans surprise, l’hygiène des mains tient ici une place toute particulière. Mais l’apprentissage des bonnes pratiques nécessite également des rappels fréquents. Ce rôle primordial est porté au sein des services de soins par les correspondants en hygiène, qui participent ainsi activement à la formation des futurs médecins au cours de leur stage au CHRU.
 
Touché dès mars 2020 par un cluster Covid-19, le CHRU de Tours a été confronté très tôt à la pandémie. Comment l’EOHH s’était-elle impliquée durant cette période ?
Notre établissement est multidisciplinaire et propose de nombreuses spécialités. La direction générale et la Commission Médicale d’Établissement organisaient donc quotidiennement une cellule de crise, à laquelle le service d’hygiène hospitalière était tout naturellement associé. Et effectivement, nous avions dû faire face, dès le mois de mars 2020, à un cluster touchant des professionnels exerçant au sein d’un même service. Ce dernier était déjà confronté à plusieurs cas de grippe, le port du masque y était donc déjà mis en place. Cet état de fait avait permis de limiter la transmission du Covid-19, aucun patient n’avait été contaminé. Par ailleurs, nous avons mis en place, dès le début de la pandémie, un procédé de contact tracing autour des cas positifs, pour éviter au mieux les transmissions virales et la création d’autres clusters. Tout au long de la pandémie, l’EOHH avait ainsi travaillé en étroite collaboration avec le laboratoire de virologie, qui nous était indispensable pour gérer au mieux les alertes.
 
Quelles autres actions aviez-vous mises en œuvre lors de la crise sanitaire ?
Outre la gestion des alertes, nous nous sommes également concentrés sur la rédaction de protocoles spécifiques, en lien avec le contexte épidémique, tout en renforçant notre présence auprès des services de soins et en apportant notre expertise à tous ceux qui en faisaient la demande. Comme à notre habitude, nous avions tenté de diversifier autant que possible les approches et les supports, pour mieux sensibiliser les professionnels hospitaliers aux recommandations et bonnes pratiques relatives à la pandémie. Nous avons, par exemple, réalisé des films sur les procédures d’habillage et de déshabillage, qui soulevaient de nombreuses questions. Par ailleurs, au-delà de nos contacts réguliers, y compris par téléphone et mail, avec les unités de soins, nous étions également intervenus auprès des services support, comme la Pharmacie à Usage Interne (PUI) dans le cadre de la gestion des Équipements de Protection Individuelle, ou la direction des achats pour le choix des produits virucides. Les échanges étaient donc nombreux au niveau du CHRU et nous ont tous permis d’avancer ensemble durant cette période particulière où il y avait alors beaucoup d’inconnues.
 
Avez-vous noté une mise en avant de votre spécialité lors de ces mois de crise ?
J’en ai été personnellement témoin : les médias, et notamment les médias locaux, cherchaient à entrer en contact avec nous, hygiénistes. C’est un exercice auquel nous ne sommes pas forcément habitués. Néanmoins, puisque notre mission consiste à la fois à protéger et à former les soignants et les patients, je pense que notre spécialité peut bénéficier d’une présence plus marquée dans les médias. La crise l’a bien montré : avant la pandémie, les hygiénistes n'étaient pas forcément connus, y compris des hospitaliers eux-mêmes. Aujourd’hui, les soignants et des usagers savent que des professionnels médicaux et paramédicaux sont présents et actifs sur le sujet de la prévention du risque infectieux.
 
Quels autres enjeux identifiez-vous pour votre spécialité ?
Je pense notamment au développement durable, une problématique importante que nous souhaitons d’ailleurs intégrer davantage dans notre programme 2023. Les hygiénistes sont ici aux premières loges, car nous recommandons de nombreux produits nettoyants et désinfectants. Cela fait donc plusieurs années que nous cherchons à mieux répondre aux enjeux environnementaux, et avons à ce titre mis en place, il y a déjà 10 ans, le nettoyage vapeur dans le service de néonatalogie. Il est désormais étendu à d’autres secteurs. Dans le cadre de notre programme annuel 2023, nous aimerions également inclure la gestion des Équipements de Protection Individuelle, pour éviter les usages non nécessaires de gants ou de sur-chaussures, par exemple. N’utiliser les EPI que lorsqu’il le faut, va résolument dans le sens du développement durable. Ce volet sera d’ailleurs complété par une meilleure sensibilisation au tri et à l’élimination des déchets, pour éviter un apport systématique en Déchets d'Activités de Soins à Risques Infectieux (DASRI), dont le traitement est plus coûteux. Limiter l’usage du bac DASRI aux seuls éléments qui le nécessitent va donc aussi dans le sens d’une meilleure responsabilité environnementale.
 
D’autres axes de travail pour 2023 ?
Cette année marquera la fin du déploiement d’un nouvel outil de gestion documentaire. Ce projet est notamment géré pour l’EOHH par une praticienne hospitalière pharmacienne, anciennement intégrée à la Direction des Systèmes d’Information et aujourd’hui présente dans notre équipe. C’est d’ailleurs là un marqueur fort de notre EOHH : les profils qui la composent sont variés et issus d’horizons différents. J’ai moi-même exercé pendant 10 ans en bactériologie, nous accueillons également une infirmière qui a travaillé en psychiatrie et urologie, une IBODE experte dans tout ce qui a trait au bloc opératoire et à la préparation cutanée du patient, ou encore une IDE ayant fait de l’endoscopie. Ces particularités et ces compétences complémentaires permettent à notre équipe d’intervenir dans tous types de services, en mobilisant ses référents experts en fonction des besoins.

Article publié dans l'édition de décembre 2022 d'Hospitalia à lire ici.
 






Nouveau commentaire :
Facebook Twitter






CONTACT

HOSPITALIA

Immeuble Newquay B / B35
13 rue Ampère
35800 Dinard 
Tél : 02 99 16 04 79
Email : contact@hospitalia.fr

Abonnement :
abonnement@hospitalia.fr