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Hygiène

Vers une approche écoresponsable de la gestion des DASRI ?


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Mercredi 3 Juillet 2024 à 14:16 | Lu 889 fois


Alors que plusieurs instances ont revu leurs recommandations sur la gestion et le tri des Déchets d'activité de soins à risque infectieux (DASRI), des initiatives novatrices voient déjà le jour un peu partout en France. Le CHU Amiens-Picardie, notamment, a mené une réflexion globale pour repenser le tri des déchets et lui « redonner du sens ».



Réclamés depuis plusieurs années par de nombreux spécialistes de la santé et de la prévention du risque infectieux, les travaux visant à un changement des pratiques pour la caractérisation des DASRI se poursuivent en France. Le guide de référence, qui date de 2009, fait ainsi l’objet d’une révision lancée en juillet 2022 par le ministère des Solidarités et de la Santé, qui a formé à cette fin un groupe de travail national. La refonte de la gestion des DASRI a d’ailleurs été confirmée le 2 mars 2023, par la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo. « Le guide de collecte et d'élimination des déchets d'activités de soins à risques infectieux et assimilés requiert une actualisation, notamment des pratiques de tri qu'il recommande, lesquelles incitent fortement à éliminer tout déchet de soins dans la filière des DASRI, qu'il soit ou non dangereux et/ou infectieux », avait-elle indiqué, sollicitée à ce sujet par la sénatrice Les Républicains Catherine Deroche. 

Une réflexion engagée depuis plusieurs années

« Les recommandations [du guide en vigueur – NDLR] doivent être plus cohérentes avec les objectifs environnementaux de la loi de 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire », avait-elle ajouté. Et c’est bien là l’objet principal des travaux engagés ces dernières années : repenser la gestion des DASRI en cherchant à l’inscrire à la croisée de deux enjeux, la prévention du risque infectieux, qui reste prioritaire, et la maîtrise de l’impact environnemental. Bien que les travaux lancés par le ministère ne soient pas encore arrivés à leur terme, plusieurs initiatives, nationales comme régionales, ont déjà commencé à fleurir. En 2021, le CPias et l’ARS d’Occitanie ont ainsi publié leur Guide régional d’aide à la gestion des déchets d’activité de soin en établissements de santé et établissements médico-sociaux. La Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) a, quant à elle, transmis en septembre 2022 une note au ministère des Solidarités et de la Santé, dans laquelle elle revoyait la définition des DASRI.

Plus récemment, saisi par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) et la Direction générale de la santé (DGS), le Haut conseil pour la santé publique (HCSP) a émis, le 1er juin 2023, un avis « relatif aux nouvelles recommandations de tri des déchets d’activités de soins en lien avec la révision du guide national sur l’élimination des déchets d’activités de soins à risques infectieux et assimilés (DASRIA) ». Le HCSP y a défini le DASRI comme « un déchet d’activités de soins provenant d’un foyer de multiplication active d’agents biologiques pathogènes » ou « un déchet d’activités de soins fortement imprégné de sang, de sécrétions ou d’excrétions avec risque d’écoulement »

Le CHU Amiens-Picardie fait évoluer sa politique Déchets

Dans ce même avis de juin 2023, le HCSP a aussi constaté que de nombreux établissements de santé avaient déjà mis en place de nouvelles recommandations pour le tri des déchets d’activités de soins. C’est notamment le cas du CHU Amiens-Picardie, où le Comité local de pilotage Déchets, en lien avec la direction générale, l’unité d'hygiène hospitalière, le service logistique, la direction des soins, le service achats et la commission développement durable, a décidé de revoir le tri de ses déchets, dont les DASRI. « Nous avons maintenu les trois filières DASRI, gérées en lien avec notre prestataire : les DASRI “normaux”, qui sont désinfectés, lavés, broyés et revalorisés ; les DASRI plus sensibles, qui sont incinérés à 850°C ; et les DASRI très sensibles, majoritairement composés d’éléments contenant des résidus de chimiothérapie, pour leur part, incinérés à 1 200°C », détaille Julien Lebrun, responsable logistique adjoint du CHU en charge de la politique Déchets. 

Les équipes du CHU se sont donc penchées sur le premier de ces groupes, les DASRI dits « normaux » qui ne sont pas incinérés, mais traités par le prestataire de l’hôpital picard. « Nous nous sommes ici concentrés sur le risque infectieux pour redonner du sens au tri, tout en assurant la sécurité de tous les opérateurs », explique le Dr Delphine Lemonnier, praticien hospitalier au sein de l’Unité de prévention du risque infectieux (UPRI) du CHU. Les déchets tachés de sang sans risque d’écoulement, ou liés à la prise en charge de patients porteurs de certaines résistances bactériennes, ne sont ainsi plus éliminés dans la filière DASRI. « En revanche, ceux contenant du pus, du sang avec risque d’écoulement, ou qui ont été en lien avec des diarrhées infectieuses ou des infections à Clostridium difficile, restent quant à eux évacués dans cette filière », poursuit l’hygiéniste en précisant que ce fameux risque d’écoulement « est laissé à l’appréciation des soignants ayant produit le déchet »

320 tonnes de DASRI traités en 2023

Le tri des DASRI continue en effet d’être réalisé par les soignants et, pour instaurer sa nouvelle politique, le CHU a beaucoup communiqué en interne, avec des affiches, des rencontres de terrain, des rappels en réunion de cadres et même des campagnes d’informations dans les écoles, élaborées par les pôles de logistique et d’hygiène hospitalière de l’hôpital. Avec des résultats aujourd’hui quantifiables : le CHU est ainsi passé de 980 tonnes de DASRI traités en 2015, à 530 tonnes en 2021 et 320 tonnes en 2023.

« En 2023, la filière DASRI représente 9,3 % de l’intégralité des déchets du CHU. Pour comparaison, la moyenne nationale française se situe entre 20 et 25 %, contre seulement 5 % en Suisse », détaille Julien Lebrun qui aimerait bien, à terme, se rapprocher des chiffres helvètes. Pour améliorer encore ses performances, le CHU Amiens-Picardie poursuit ses travaux de communication auprès des soignants, les inscrivant dans le cadre, plus transversal, de ses engagements écoresponsables en matière de gestion des déchets. En effet, outre ses efforts pour réduire le volume des DASRI, l’hôpital picard déploie des filières de revalorisation des déchets, pour les emballages, les métaux, ou les papiers, par exemple. « Toutes ces actions vont dans une même direction : mieux trier pour redonner du sens à cette démarche », conclut Delphine Lemonnier.

> Article paru dans Hospitalia #65, édition de mai 2024, à lire ici 
 






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