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Réforme de la gouvernance : promouvoir une approche ouverte, fondée sur l’hybridation, qui fasse encore grandir l’hôpital


Rédigé par Rédaction le Mercredi 3 Mai 2023 à 10:25 | Lu 1260 fois


Communiqué commun de Vincent PREVOTEAU, Président de l’Association des Directeurs d’Hôpital (ADH), Philippe EL SAIR, Président de la Conférence des DG de CHU (CNDG) et Laurence LAIGNEL, Présidente de l’Association Française des Directeurs des Soins (AFDS), sur les travaux en cours relatifs à la gouvernance des établissements publics de santé.



Alors que le Président de la République a ouvert une réflexion sur la gouvernance de l’hôpital, nos organisations pensent important d’exprimer leurs positions. La gouvernance de l’hôpital peut être fière de sa réponse au défi de la crise Covid. Alors que l’hôpital public prenait en charge 85 % des patients Covid, elle a fait preuve d’une cohésion et d’une créativité exemplaires. A la suite de la crise sanitaire, un travail minutieux et approfondi a été mené à partir du rapport Claris [Six textes ont ainsi été publiés : deux ordonnances, la loi Rist, deux décrets, une circulaire]. Ce corpus de qualité, encore très récent, pose des bases solides.

La réflexion engagée nous offre l’opportunité de renforcer la maturité managériale de l’hôpital, en mettant à distance des logiques cloisonnées qui ne sont pas compatibles avec le niveau de contraintes et les enjeux du système de santé. Pour cela, elle doit placer au centre de son raisonnement, non pas telle ou telle réponse atavique et stéréotypée, mais une volonté d’hybridation qui repose sur la compétence et l’ouverture à une pluralité de profils.

I. L’opportunité de poser les bases d’une nouvelle maturité managériale

La réflexion sur le management à l’hôpital peut suivre deux logiques. La première, structurée autour de familles professionnelles cloisonnées (administratifs, médecins, soignants, techniques), favorise les organisations en tuyaux d’orgues. Elle essentialise l’exercice de telle ou telle responsabilité pour justifier des monopoles d’exercice. Dans un cas, ceux qui ont suivi dès leur plus jeune âge la formation initiale de l’EHESP seraient seuls légitimes, partout et dans tous les cas, pour diriger les établissements. A l’opposé, comme le revers d’une même pièce, un médecin ou un chef de service, serait seul fondé, en toutes circonstances, pour diriger un hôpital. Cette logique de familles professionnelles a créé des instances séparées de concertation et des cénacles étanches d’instruction (le comité de direction d’un côté, le bureau de CME de l’autre, la CSIRMT enfin…). Elle produit au quotidien des biais d’analyse où chacun s’enferme dans des représentations et des raisonnements.

La seconde logique repose sur les leçons du management moderne, qui nous invite à privilégier une logique de compétence en mêlant des profils différents pour favoriser une hybridation. Elle repose sur l’intelligence collective et la stimulation de l’originalité de chacun. Dans la logique de compétence, diriger un établissement est un métier avec des attendus précis. Ce métier s’apprend par une formation et un parcours. Ce métier implique de dépasser la légitimité d’origine de sa famille professionnelle pour acquérir une autre légitimité, celle du dirigeant.

II. Deux contresens majeurs nous semblent à éviter

Du point de vue de l’intérêt général, deux pièges apparaissent clairement pour nos organisations.

Le premier risque est celui de la dyarchie. Il résulterait d’un élargissement du champ de la co-décision et aboutirait à la création d’une dyarchie à l’hôpital. Une nouvelle évolution juridique concernerait nécessairement les aspects budgétaires et la représentation externe de l’établissement. L’unicité de la décision du chef d’établissement, corollaire de l’unicité de la responsabilité pénale, financière et administrative de celui-ci, serait alors une pure fiction. Le risque de blocage serait évident en cas de désaccord.

Le second risque résulterait de la transposition du schéma du CLCC. Pensé dans la France de l’après-guerre, ce schéma conforterait le principe d’une logique par famille professionnelle en remplaçant un monopole par un autre monopole. Un tel schéma se heurterait par ailleurs à des limites intrinsèques, à des obstacles en termes de modalités de mise en œuvre, et soulèverait enfin des problèmes importants d’acceptabilité.

III. Des propositions qui déclinent cette vision fondée sur la compétence et l’ouverture

1) Permettre la constitution d’un vivier pour nommer des profils plus divers à la tête des hôpitaux
Selon des modalités à déterminer, il s’agirait d’identifier des profils dotés d’un potentiel managérial important et qui seraient intéressés pour diriger un établissement public de santé. Ces profils concerneraient des médecins, pharmaciens, odontologistes mais aussi des directeurs et des directeurs des soins, coordonnateurs généraux de soins, des administrateurs de l’Etat et des ingénieurs.

2) Garantir une application complète du rapport Claris
Les différentes enquêtes menées sur le sujet montrent que les préconisations sont bien appliquées dans les CHU et les CH de grandes tailles. Nous considérons qu’il est fondamental de mettre le Président de la commission médicale d’établissement en situation d’exercer pleinement ses prérogatives et d’accompagner, avec le chef d’établissement, les initiatives émanant du terrain. Il convient pour nos organisations de veiller rigoureusement à l’application des textes en vigueur, en renforçant les décharges d’activité des PCME, en favorisant la circulation de l’information et en assurant un reporting de cette application auprès des ARS.

3) Assurer une médicalisation des équipes de direction
Dans la logique d’hybridation qui nous paraît déterminante, nous pensons qu’il faut envisager en fonction des contextes locaux la nomination de médecins au sein des équipes. Ceux-ci pourraient soit exercer des responsabilités en lien avec l’exercice médical, soit des responsabilités sans lien direct, au niveau local ou territorial. Selon nous, cette médicalisation ne doit en rien affaiblir le Président de la commission médicale d’établissement, mais, au contraire, faciliter son rôle. Le Président de la commission médicale d’établissement est et doit rester, par sa légitimité, l’interlocuteur médical principal du directeur. Aussi, nous proposons que les modalités de cette médicalisation soient déclinées localement de façon à permettre une mise en œuvre progressive et apaisée.

4) Faire évoluer le dispositif de formation
Pour les médecins qui intègreraient le vivier de potentiels chefs d’établissements, une formation spécifique devrait être proposée par l’EHESP. Pour les médecins qui seraient intéressés pour intégrer l’équipe de direction, une formation continue souple devrait également être conçue par l’EHESP. Une formation continue spécifique pourrait être proposée aux autres profils.

5) Reconnaître la spécificité des CHU
Au sein des CHU, les Doyens des UFR ou des pôles santé occupent une place majeure en cohérence avec la triple mission de soin, d’enseignement et de recherche. A ce titre, le Doyen est vice-président du directoire. Cette spécificité doit être impérativement protégée.

6) Reconnaître la place des soignants
Le directeur des soins, coordonnateur général des soins, joue un rôle essentiel dans la gouvernance des établissements et il représente 50 % des personnels. A ce titre, nous proposons qu’il devienne vice-président du directoire.

7) Donner plus de marges de manœuvre aux ARS
Le renforcement de l’action des ARS en proximité des acteurs de terrain et des territoires doit être poursuivi, alors que le système de santé demeure fragilisé. Dans la lignée du décret du 7 avril dernier, il convient de leur donner plus d’autonomie pour accompagner les initiatives des établissements et accroître leurs capacités d’action.
 






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