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« Œuvrer pour une reconnaissance de la recherche en soins infirmiers »


Rédigé par Rédaction le Mardi 18 Septembre 2018 à 09:35 | Lu 1001 fois


Une tribune de Véronique Trillet-Lenoir, Professeur de Cancérologie au Centre Hospitalo-Universitaire de Lyon, Présidente du Directoire du Cancéropôle Lyon Auvergne Rhône-Alpes (CLARA).



Véronique Trillet-Lenoir
Véronique Trillet-Lenoir
La date du 19 juillet 2018 est celle d’une petite révolution dans l’univers du soin et, plus précisément, dans le milieu infirmier. Elle signe en effet la reconnaissance de l’exercice dit de « pratiques avancées », c’est-à-dire de compétences élargies par rapport à l’activité des infirmiers diplômés d’état (IDE). Deux décrets et trois arrêtés encadrent ainsi ce qu’il convient bien de qualifier de nouveau métier infirmier, reconnu au niveau Master (Bac +5 ; les IDE ayant un niveau reconnu à Bac +3). De nombreux sites, dont Lyon, se préparent à mettre en place les formations nécessaires. Dans un contexte de complexification et d’allongement des parcours de soin, ce nouveau métier confirme et renforce le rôle indispensable de ces professionnels de la santé auprès des patients.
 
Le fait que ces cinq textes réglementaires émanent à la fois du Ministère des Solidarités et de la Santé d’une part et du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation d’autre part, illustre bien ce que l’on nomme, par néologisme, « l’universitarisation » des professions paramédicales − le diplôme d’Infirmier en Pratiques Avancées (IPA) étant bien un diplôme universitaire. La démarche concrétise ainsi la nécessaire ouverture de la profession infirmière aux activités de la recherche.  

Or, si l’on ne peut que se réjouir de ce décloisonnement, celui-ci doit constituer une première étape vers une reconnaissance franche et massive d’une forme de recherche à part entière : la recherche en soins infirmiers. 

S’appuyer sur l’expertise des soignants pour décloisonner soin et recherche

En cancérologie, le décloisonnement entre soin et recherche est autant une exigence qu’une réalité de plus en plus prégnante. Exigence, car affirmé par le plan Cancer 2014-2019, qui l’identifie comme l’une des principales sources d’innovation dans la lutte contre la maladie. Réalité, puisque pratiqué au quotidien dans les établissements de santé d’excellence, où l’expérimentation de thérapies innovantes et prometteuses, notamment dans le domaine de la médecine de précision et de l’immuno-oncologie, transcende les périmètres disciplinaires traditionnels.
 
La profession infirmière est directement concernée par ces mutations. Non seulement parce que les infirmières et infirmiers, en tant qu’acteurs de premier plan de la chaîne du soin, doivent connaître et maîtriser les enjeux de la recherche scientifique pour contribuer à la qualité de celle-ci au sein de l’hôpital. Mais aussi parce que leur expertise propre est elle-même source de problématiques scientifiques nouvelles, d’approches inédites, et d’entreprises innovantes, susceptibles de s’attaquer à de nombreux sujets tels l’observance, la qualité des soins, le parcours de santé...
 
La reconnaissance et l’encadrement des IPA trace une voie qu’il faut donc maintenant prolonger : celle de la reconnaissance de l’expertise des professions paramédicales et de leur acculturation à la recherche scientifique. 

« Œuvrer pour une reconnaissance de la recherche en soins infirmiers »

Conjuguer stratégie nationale et expérimentations territoriales

Toutefois, en France, ce mouvement reste encore émergent à l’heure actuelle. Alors que la recherche en soins infirmiers est une discipline établie au Québec, produisant des infirmières et infirmiers de niveau doctoral, il n’en est que rarement de même dans notre pays où elle ne fait pas l’objet d’une reconnaissance officielle. Le processus d’universitarisation des professions médicales doit donc poursuivre son œuvre et doit logiquement mener à l’institution complète de cette nouvelle forme de recherche. Cela signifie également que les établissements de santé doivent se tenir prêts à créer les conditions permettant la réalisation de ces nouveaux parcours professionnels et les modalités de financement de nouveaux postes en adéquation avec ce haut niveau de qualification.
 
L’évolution institutionnelle sera néanmoins facilitée si des opérations de terrain innovantes fournissent la preuve de l’efficacité de ces nouvelles approches. Fidèle à son rôle de défricheur depuis ses 15 ans d’existence, le Cancéropôle Lyon Auvergne-Rhône-Alpes (CLARA) entend y prendre sa part. Si nous organisons depuis quatre ans les Oncoriales, un des rares événements s’adressant à la fois aux jeunes chercheurs et soignants et offrant ainsi à ces communautés l’opportunité d’échanger, nous poursuivons désormais nos efforts en finançant une thèse en cotutelle entre l’Université Clermont-Auvergne et l’Université de Sherbrooke, au Québec. Cette collaboration internationale s’inscrit dans le cadre de la chaire de recherche « Santé et Territoires » de l’Institut d’Administration des Entreprises. Elle autorise ainsi un double rattachement du candidat : en recherche en soins infirmiers à Sherbrooke, en sciences de gestion à Clermont-Ferrand. L’objectif : comprendre la performance des soins dans un contexte de collaborations croissantes entre les parties prenantes intra et inter-hospitalières.
 
S’il en était besoin, les enjeux de la recherche en soins infirmiers démontrent combien les innovations en santé, loin de se réduire au champ de l’innovation diagnostique et thérapeutique, impliquent l’ensemble des acteurs de l’université, de l’hôpital et de la ville. Former des infirmières et infirmiers à la recherche scientifique, ce n’est pas dénaturer leur cœur de métier et empiéter sur celui d’autres professionnels : c’est au contraire faciliter les collaborations, afin que chacun investisse nouvellement ses missions pour répondre aux grands défis sanitaires.
 






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