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Le décryptage de LMT Avocats


Rédigé par Me Ghislaine ISSENHUTH et Me Olivier SAMYN le Jeudi 3 Novembre 2022 à 09:53 | Lu 683 fois


Définition par la Cour de cassation de la notion d’infection nosocomiale (Cass. Civ. 1ère, 6 avril 2022, 20-18.513) : indifférence de l’origine endogène ou exogène sur la qualification nosocomiale de l’infection



Une appréciation prétorienne fluctuante de l’infection nosocomiale

Le décryptage de LMT Avocats
Depuis 2010, le Code de la santé publique définit à l’article R.6111-6 les infections nosocomiales comme étant des « infections associées aux soins contractées dans un établissement de santé ».

Le caractère laconique de cette définition a conduit à une insécurité juridique, les juges du fond ayant été amenés à qualifier au cas par cas le caractère nosocomial de ces infections.
 

Quand le périmètre de l’infection nosocomiale se précise

Depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite Loi Kouchner, la responsabilité d’un établissement de santé est une responsabilité sans faute, tandis que celle retenue à l’égard du praticien est une responsabilité pour faute. En matière d’infection nosocomiale, la seule cause d’exonération de responsabilité est la cause étrangère.
 
Pour rappel, la charge de la preuve incombe au patient en la matière (Cass. Civ. 1ère, 27 mars 2001, n°99-17.672). Il appartient en effet « au patient ou à ses ayants droit de démontrer le caractère nosocomial d'une infection » (Cass. Civ. 1ère, 1er mars 2005, n°03-16-789). Cette preuve peut être rapportée par tout moyen et résulter de présomptions graves, précises et concordantes (Cas. Civ. 1ère, 30 octobre 2008, n°07-13.791).
 

L’influence de l’origine endogène ou exogène sur le caractère nosocomial

Une infection peut avoir des origines distinctes : endogène ou exogène. L’infection est considérée comme endogène quand elle émane de l’organisme du patient ; on parle aussi d’auto-infection. Elle est en revanche considérée comme exogène quand les bactéries proviennent de l’extérieur : de l’environnement, d’autres malades, etc.
Cette dichotomie peut sembler être un levier attractif pour inciter les juridictions à n’indemniser que les infections nosocomiales d’origine exogène. C’est la voie suivie par le Conseil d’État dans un premier temps :
  • « les germes qui sont à l’origine de l’infection […] étaient déjà présents dans l’organisme de la patiente avant la première intervention ; que dans ces conditions, l’intéressée n’est pas fondée à soutenir que l’infection dont elle a souffert révèlerait, par elle-même, une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service » (CE, 27 septembre 2002, n°211370) ;
  • « les surinfections survenues après la nouvelle hospitalisation le 26 juin 2000 avaient été causées par des germes propres au patient, qui n’avaient pas d’origine hospitalière, et [la Cour administrative d’appel] en a déduit que la responsabilité de l’AP-HP ne pouvait être engagée à raison des conséquences dommageables de ces surinfections » (CE, 12 janvier 2011, n°311639).
La même année, le Conseil d’État est revenu sur sa position en supprimant ladite distinction, s’alignant ainsi sur la position de la Cour de cassation. Cette dernière s’est en effet toujours montrée indifférente à cette distinction, en retenant que toutes les infections contractées au cours d’une hospitalisation étaient considérées comme nosocomiales.
 

Quand le juge judiciaire statue en faveur du patient

Par un récent arrêt, la Cour de cassation est venue consacrer sa jurisprudence en posant une définition claire de la notion d’infection nosocomiale (Cass. Civ. 1ère, 6 avril 2022, 20-18.513).

En l’espèce, une patiente qui avait subi une ostéosynthèse en décembre 2009, a présenté des complications post-opératoires nécessitant une nouvelle intervention. À cette occasion, « les prélèvements effectués ont mis en évidence la présence d’un staphylococcus aureus multisensible ». En 2015, après avoir sollicité une expertise judiciaire, la patiente a assigné la clinique, le praticien et l’ONIAM ; la CPAM et les mutuelles ont également été mises en cause.

Dans un arrêt intervenu le 9 juin 2020, la Cour d’appel de Grenoble a confirmé partiellement le jugement du Tribunal de grande instance de Grenoble (TGI Grenoble, 22 mars 2018, n°16/01798) en jugeant que « c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l’infection subie par Madame [I] ne présente pas les caractéristiques d’une infection nosocomiale permettant l’indemnisation de ses préjudices » (CA Grenoble. 1ère ch., 9 juin 2020, n°18/01586). Pour écarter le caractère nosocomial de l’infection, la Cour a suivi les conclusions du rapport d’expertise en retenant que la patiente présentait un « état cutané anormal antérieur à l’intervention » caractérisé par la présence de plusieurs lésions, et que le germe retrouvé au niveau du site opératoire correspondait à celui trouvé sur la peau de la patiente.

Les ayants droit de la patiente ont alors formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt, estimant qu’en écartant le caractère nosocomial de l’infection, la Cour d’appel avait violé l’article L.1142-1, I alinéa 2 du Code de la santé publique, qui dispose que « les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ». La survenue « au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci », caractérisant dès lors une infection nosocomiale.

La Cour de cassation a donc censuré l’arrêt de la Cour d’appel de Grenoble.

La première chambre civile de la Haute juridiction a estimé que la juridiction d’appel n’avait pas donné de base légale à sa décision en jugeant sur des « motifs tirés de l’existence de prédispositions pathologiques et du caractère endogène du germe à l’origine de l’infection », et a défini la notion d’infection nosocomiale en ces termes : « Doit être regardée, au sens des dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge ».
 

Conclusion

Par cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme l’absence d’incidence du caractère endogène ou exogène sur la qualification nosocomiale d’une infection. L’origine de l’infection est donc désormais indifférente, dans la mesure où il suffit qu’elle ait été contractée au décours d’une hospitalisation pour être qualifiée de nosocomiale.

Le souci de clarification de la Cour de cassation doit être salué et s’inscrit dans la volonté de simplifier la charge de la preuve incombant au patient.

Cette décision doit être mise en parallèle de l’arrêt prononcé par le Conseil d’État en date du 1er février 2022, qui est allé au-delà de la présente définition en précisant que ne devait pas être pris en compte le fait que la cause directe d’une infection nosocomiale avait le caractère d’un accident médical non fautif ou avait un lien avec une pathologie préexistante (CE, 1er février 2022, n°440852).

Article publié dans l'édition de septembre 2022 d'Hospitalia à lire ici.






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