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La télémédecine au cœur des Alpes


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Mercredi 7 Décembre 2022 à 12:52 | Lu 1802 fois


Desservant un territoire enclavé, le Groupement Hospitalier de Territoire (GHT) des Alpes du Sud a misé sur la télémédecine pour une prise en soin au plus près du patient. Afin de toujours mieux développer son offre opérationnelle, il a récemment adopté un projet global centré sur ce mode de prise en charge, et intitulé « GHT 3.0 Alpes du Sud ».



Regroupant les établissements sanitaires des Hautes-Alpes et du nord des Alpes-de-Haute-Provence, le GHT des Alpes du Sud est implanté sur un territoire montagneux, dont la géographie contrastée n’est pas sans soulever des enjeux majeurs en matière d’accès aux soins. Près de la moitié des médecins des Hautes-Alpes sont en effet installés dans les deux principales villes que sont Gap et Briançon. À l’inverse, les territoires de haute montagne, comme le Queyras ou le Champsaur-Valgaudemar, comptent peu de professionnels médicaux.

Le constat est encore plus alarmant en ce qui concerne les médecins spécialistes : plus de la moitié des communes du département sont ainsi situées à plus de 30 minutes des ophtalmologues, gynécologues et psychiatres, et à plus de 45 minutes des pédiatres. Pour faciliter l’accès de la population aux soins et lui permettre de bénéficier équitablement de l’expertise médicale, le GHT des Alpes du Sud a donc choisi, depuis déjà plusieurs années, de développer son offre de télémédecine. Dès 2018, un programme de télémédecine entre le Samu 05 et le refuge de haute montagne du Glacier blanc a, par exemple, permis d’équiper le refuge d’une tablette connectée intégrant tout un panel de dispositifs médicaux communicants – électrocardiogramme, tensiomètre, saturomètre et glucomètre. Et ce n’est là qu’un exemple parmi les nombreuses mesures mises en place sous l’impulsion du groupement hospitalier de territoire.
 

Jean-Michel Orsatelli, directeur adjoint du Centre Hospitalier Intercommunal des Alpes du Sud. ©DR
Jean-Michel Orsatelli, directeur adjoint du Centre Hospitalier Intercommunal des Alpes du Sud. ©DR

Un plan d’action pensé à l’échelle du GHT

« Avant même les années 2010 et la parution du décret télémédecine, un premier programme avait vu le jour autour de la prise en charge à distance de l’AVC. Il est complètement opérationnel depuis 2014 », raconte Jean-Michel Orsatelli, directeur adjoint du Centre Hospitalier Intercommunal des Alpes du Sud. Basé sur la mise en relation du service des urgences de l’hôpital de Gap avec les unités neuro-vasculaires du Centre Hospitalier d’Aix-en-Provence et celles de neurochirurgie de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM), ce programme de télé-AVC permet aux équipes gapençaises de transmettre des images pour obtenir rapidement un avis expert. « Là où il fallait autrefois transférer les patients, ce qui retardait leur prise en charge, ce système limite considérablement la perte de chance. Il est d’ailleurs devenu indispensable pour la bonne prise en charge des urgences neurologiques dans les Hautes-Alpes », constate Jean-Michel Orsatelli.

Suite à cette expérience et aux nombreuses autres menées partout sur son territoire, le GHT des Alpes du Sud a lancé en 2020 une phase d’étude afin de définir son schéma directeur territorial de télémédecine, désormais formalisé au sein du plan d’action « GHT 3.0 Alpes du Sud ». « Penser la télémédecine à l’échelle du GHT permet de porter un raisonnement global, et non uniquement centré sur un établissement », ajoute le responsable. Rien n’a été laissé au hasard. Pour assurer la gouvernance des projets de télémédecine, par exemple, un comité de pilotage (Copil) inter-GHT a été constitué avec la participation de plusieurs professionnels de santé et membres des directions des systèmes d’information, issus de l’ensemble des établissements composant le groupement. Ce Copil travaille également en lien étroit avec les autres acteurs du territoire, notamment l’Agence Régionale de Santé Provence-Alpes-Côte d’Azur (ARS PACA) et le groupement régional d’appui au développement de la e-santé (GRADeS) Innovation E-Santé Sud (IES Sud). « Cette équipe pluridisciplinaire et pluriétablissements est mieux à même d’analyser les besoins du territoire pour structurer l’offre de soins publique et développer la télémédecine dans plusieurs lieux et spécialités », précise le directeur adjoint.
 

La gériatrie au premier plan

Parmi ces spécialités, la gériatrie est tout particulièrement concernée par le développement de la télémédecine sur le territoire des Alpes du Sud. Dès 2016, le GHT a ainsi choisi de développer la télé-expertise auprès des EHPAD et autres structures d’accueil de personnes âgées. « La télémédecine prend ici tout son sens, aussi bien pour les résidents que pour les équipes soignantes, car elle est synonyme de prise en charge adaptée et rapide, tout en limitant le recours aux urgences hospitalières », constate Jean-Michel Orsatelli. Accompagnés d’une infirmière elle-même équipée d’une tablette connectée, les résidents bénéficient aujourd’hui d’un suivi à distance pour les troubles du comportement, les soins palliatifs et les plaies chroniques.

Les chiffres sont d’ailleurs éloquents : en 2020, 25 structures médico-sociales du territoire ont réalisé 220 téléconsultations et 50 téléexpertises. « Durant l’épidémie de Covid-19, ce service s’est révélé essentiel pour le support des équipes soignantes, le maintien de la qualité des soins et la limitation des hospitalisations », ajoute le responsable. Dans les Alpes comme ailleurs, cette période particulière a été propice au développement de la télémédecine et plus particulièrement de la téléconsultation. « Plusieurs spécialités comme l’anesthésie, la dermatologie ou l’addictologie s’y sont alors essayées », se souvient Jean-Michel Orsatelli en constatant que la pratique perdure chez certains professionnels, notamment les dermatologues.
 

De nombreuses spécialités concernées

Ces derniers rejoignent ainsi la longue liste des spécialistes ayant intégré, au moins partiellement, des pratiques de télémédecine à leur activité. Pour faire face au manque de radiologues, notamment durant les astreintes de nuit et du week-end, le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud (CHICAS) et le centre hospitalier de Briançon ont, par exemple, opté depuis 2018 pour une plateforme de téléradiologie permettant l’interprétation des images à distance.

Au Samu-Centre 15, la téléexpertise a quant à elle été mise en place progressivement : d’abord territoire expérimentateur pour les appels vidéo à la demande du médecin régulateur, le Samu 05 a ensuite équipé ses véhicules ambulanciers de mallettes médicales connectées, permettant la prise de constantes et l’échange quasi instantané des données. Ces actes de télérégulation sont aujourd’hui fréquents, puisque le Samu en enregistre en moyenne 250 par mois.
 

La cardiologie fait aussi de la télémédecine

La majorité des initiatives en lien avec la télémédecine mises en œuvre sur le territoire semblent en tous cas rencontrer un franc succès. Fort de ce constat, le GHT continue de développer de nouveaux projets, lançant il y a peu un nouveau programme de télésurveillance cardiologique, en partenariat avec l’AP-HM. « Chaque patient suivi reçoit une balance connectée. Une application installée sur son smartphone lui permet alors de renseigner son état fonctionnel et certaines données biologiques utiles », détaille Jean-Michel Orsatelli. Ces informations recueillies quotidiennement sont transmises à l’équipe soignante, avec l’émission automatiquement d’une alerte en cas de risque identifié de décompensation cardiaque. « Le soignant contacte alors le ou les patients concernés et prévient également le cardiologue responsable, qui peut rapidement réagir », poursuit le directeur adjoint en notant l’engouement dont fait l’objet ce projet, qui diminue le risque de réhospitalisation et de mortalité liée à l’insuffisance cardiaque. « Quelle que soit la spécialité, la télémédecine est un projet fédérateur qui permet de répondre à de nombreuses situations, en allant au plus près du patient », conclut Jean-Michel Orsatelli, convaincu que ce mode de prise en charge « n’en est qu’à ses débuts ».

Article publié dans l'édition de septembre 2022 d'Hospitalia à lire ici.

Un GHT en zone frontalière

Installé au cœur des Alpes, le GHT des Alpes du Sud est également adossé à la frontière italienne. Fort de cette particularité, le groupement multiplie depuis plusieurs années les échanges et les projets avec les structures sanitaires italiennes. Naturellement, ces démarches transfrontalières impliquent aussi l’utilisation de la télémédecine. Ainsi, depuis septembre 2019, des téléconsultations ont débuté entre l’hôpital italien de Suse et certains spécialistes du CH de Briançon. En lien avec l’agence sanitaire de Turin et la région du Piémont, le GHT est aussi inscrit, depuis 2016, dans le programme Alcotra (Alpes Latines COopération TRAnsfrontalière) bénéficiant de crédits européens Feder. Portant sur plusieurs champs tels que l’environnement, la recherche, l’inclusion sociale ou l’innovation, ce programme dispose également d’un volet socio-sanitaire intitulé « Terres Monviso – IncL : Bien vieillir ».

L’objectif ? Rapprocher les services sociaux et sanitaires de toute la zone du Mont Viso, en rassemblant les communautés de communes, les consortiums de communes, les établissements hospitaliers et la société civile des deux pays. « Deux volets concernent ici le GHT des Alpes du Sud :  l’accompagnement des personnes âgées et la recherche clinique autour des usages de la télémédecine », indique Jean-Michel Orsatelli, directeur adjoint du Centre Hospitalier Intercommunal des Alpes du Sud. Sur ce dernier point, l’étude menée par le GHT s’appuie sur l’équipement de zones isolées en outils connectés embarquant différents capteurs pour le recueil des constantes vitales. Elle vise ensuite à enregistrer les cas où la personne fait appel ou non à son médecin traitant ou à la télémédecine. Ce projet, qui devrait se terminer dans les prochains mois, compare en outre les usages français et italiens en matière de télémédecine, et analyse les différentes composantes de la sollicitation du système de santé.
 






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