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La crise sous la loupe de l’UDIHR : « Ce qui semble acquis, c’est la place centrale à redonner à l’humain »


Rédigé par Anaïs Guilbaud le Mercredi 15 Juillet 2020 à 09:33 | Lu 1524 fois


Malgré une baisse d’activité importante, les services de restauration ont dû faire face à de nouveaux défis liés à la régulation des flux d’approvisionnement, la gestion des ressources humaines, ou encore des dons alimentaires. Jean-Rémy Dumont, président de l’Union des Ingénieurs Hospitaliers en Restauration (UDIHR) et directeur de la restauration des Hospices Civils de Lyon, nous en dit plus.



Jean-Rémy Dumont, président de l'UDIHR. ©DR
Jean-Rémy Dumont, président de l'UDIHR. ©DR
Quels ont été les premiers impacts de l’épidémie de Covid-19 sur les services de restauration hospitaliers ?
Jean-Rémy Dumont : Les premières semaines, la fermeture de lits et le report des hospitalisations programmées ont entraîné une baisse importante du nombre de repas à servir, tant pour les patients que pour les soignants. Notre premier défi adonc été d’adapter notre production, tout en évitant les pertes alimentaires. En parallèle, il a fallu mener un important travail de gestion des ressources humaines, afin de pallier l’absentéisme. Le plus compliqué aura été de gérer le planning des agents avec enfants et les peurs de chacun, accentuées par des recommandations mouvantes. Mais globalement, les équipes sont restées fortement mobilisées.

Au final, comment le secteur s’en est-il sorti ?
Plutôt bien. Après deux premières semaines compliquées, pendant lesquelles il a fallu tout réorganiser, s’est mis en place un phénomène de vases communicants. La baisse de l’activité en production et la mise à l’arrêt de certains projets nous a permis de gagner du temps et de repositionner nos agents sur les nouvelles tâches induites par la crise, telles que la gestion des approvisionnements, des ressources humaines, ou encore des dons. En parallèle, nous avons vu se développer des formes d’entraide territoriale.

Comment cela ?
Elles ont débuté par la gestion du gaspillage, en récupérant par exemple les stocks de restaurants fermés. Il en a été de même pour les équipements de protection. À Lyon, nos collègues des cuisines centrales de Villeurbanne et Saint-Priest, nous ont ainsi fait don de leurs masques. Plus généralement, nous avons été agréablement surpris par toute la reconnaissance qui s’est manifestée à travers les dons. Des citoyens se sont même mobilisés, via des plateformes internet, pour apporter un soutien logistique. Aujourd’hui nous avons tous, à l’échelle nationale, des fichiers Excel emplis de listes de remerciements à envoyer.

La crise vous a également poussé à appréhender de nouvelles formes de travail…
Effectivement et à titre d’exemple, certaines missions ont pu être menées en télétravail. La profession a également su être très réactive dans la dématérialisation de certaines tâches, permettant de pallier à la problématique des délais de réponse. Enfin, la crise a pu jouer un rôle d’accélérateur dans le changement des pratiques. Aux HCL, le nécessaire respect des gestes barrières nous a par exemple incités à remplacer le ticket de caisse papier du self par un envoi d’email. Dans un établissement comme le nôtre, ce sont près de 2 600 tickets édités par jour. Est-ce vraiment utile ? Le projet est désormais en marche.

Mais alors, à quoi pourrait ressembler l’après Covid-19 pour les services de restauration ?
Ce sera à nous de maintenir, sur le long terme, les bonnes pratiques qui auront émergé, tout en veillant à ce qu’elles n’engendrent pas d’inégalités. Pour le moment, nous sommes encore dans le temps de la crise, et il faudra quelques mois pour effectuer un véritable retour d’expérience. La question est : souhaitons-nous revenir aux pratiques d’avant ou en profiter pour construire un nouveau modèle ? Ce qui semble acquis, c’est la place centrale qu’il faut redonner à l’humain. Et pourquoi pas, enfin, se donner les moyens pour revaloriser le panier alimentaire à l’hôpital !






Laurent Trasrieux, responsable de la restauration au CHRU de Strasbourg. ©DR
Laurent Trasrieux, responsable de la restauration au CHRU de Strasbourg. ©DR

Laurent Trasrieux, responsable de la restauration au CHRU de Strasbourg 

« C’est à la suite de l’annonce de la fermeture des écoles que nous avons compris qu’il fallait anticiper un risque fort d’absentéisme. Nous avons opté pour une simplification des menus patients en court séjour. Pour les résidents des EHPAD en revanche, nous n’avons rien changé. Aujourd’hui, je ne regrette pas ce choix. Cela nous a permis de continuer à proposer des repas personnalisés à nos patients tout en ayant une longueur d’avance en cas de besoin. En parallèle, nous avons effectué un gros travail avec les ressources humaines pour adapter les plannings à la situation personnelle de chaque agent. Côté repas des personnels, nous avons créé, en seulement 4 jours, des prestations à emporter. Dans ces boxtout fait maison, à 2,50 €, nous avons toujours essayé d’amener de la variété. Nous en profitions d'ailleurs pour y glisser des sachets de thé, chocolats et gourmandises, issus des dons alimentaires. Les retours ont été très positifs ».







Joe-Pascal Saji, ingénieur en chef référent restauration de l’AP-HP. ©DR
Joe-Pascal Saji, ingénieur en chef référent restauration de l’AP-HP. ©DR

Joe-Pascal Saji, ingénieur en chef référent restauration de l’AP-HP 

« L’AP-HP a eu à coordonner la gestion de crise pour ses 39 sites, notamment pour la restauration. Si l’activité habituelle a baissé, il y a également eu une augmentation des distributions. L’idée était de pouvoir offrir gratuitement aux soignants, au moins une collation, à tout moment de la journée et au plus près des services mobilisés. Une nouveauté pour nous. En parallèle, la direction générale a décidé de proposer des repas traiteurs, sur une trentaine de sites. Cette offre, développée pour un mois avec des prestataires tels que Lenôtre ou Dalloyau, a été validée et organisée en 48h. Elle a permis d’offrir 10 000 repas par jour aux services Covid-19. Les équipes restauration ont été exemplaires. Elles ont travaillé sans compter leurs heures, ce qui nous a permis d’absorber la charge de travail et de compenser l’absentéisme. Le travail en réseau, que ce soit en interne, mais aussi au niveau régional et national avec l’ensemble de la filière, nous a aussi grandement aidé à surmonter la crise ».




 

Julien Fabbro, responsable de la restauration au CHRU de Nancy. ©DR
Julien Fabbro, responsable de la restauration au CHRU de Nancy. ©DR

Julien Fabbro, responsable de la restauration au CHRU de Nancy 

« Les premières semaines, nous avons dû effectuer un énorme travail de régulation des flux d’approvisionnement, puisque nous avions perdu jusqu’à 70 % de notre activité à destination du personnel et 30% de celle dédiée aux patients. La fermeture des salles à manger pendant un mois et demi, nous a également permis d’envoyer des agents en renfort des secteurs logistiques fortement sollicités. Le premier mois, nous avons ainsi été inondés de dons alimentaires. Il a fallu gérer la réception, le contrôle des denrées et la mise en stock. En parallèle, le travail mis en place avec des restaurateurs, nous a permis d’offrir aux personnels des plateaux traiteurs et une grande variété de repas, allant de l’italien au thaïlandais. Des offres gratuites et pensées spécifiquement pour les unités Covid-19, avec le plus souvent, des barquettes uniques accompagnées de snacking. Nous voulions ainsi répondre au mieux aux contraintes des soignants, en particulier le manque de temps ».






 

Article publié sur le numéro de juin d'Hospitalia à consulter ici : https://www.hospitalia.fr/Hospitalia-49-Special-Covid-19-MERCI-_a2230.html  

 






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