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Sûreté

Isabelle Ripaux : « Les hôpitaux sont des environnements où les femmes sont omniprésentes »


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Lundi 30 Juin 2025 à 18:49 | Lu 115 fois


Directrice sécurité au Groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris Psychiatrie & Neurosciences, Isabelle Ripaux a auparavant été responsable de la sécurité au Marché international de Rungis. Son arrivée dans le monde de la santé lui a permis de découvrir un secteur différent, où elle a pu « se positionner au cœur de l’humain ». Rencontre.



Pourriez-vous, pour commencer, nous présenter le GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences ? 

Isabelle Ripaux : Le GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences regroupe huit sites d’hospitalisation totalisant environ 1 300 lits, ainsi que 90 structures extrahospitalières réparties dans Paris et qui incluent des unités de soins et de réhabilitation et des unités de soins longue durée (USLD). À cela s’ajoutent 156 places en EPHAD, 23 lits en unité de soins de réhabilitation à Perray-Vaucluse, dans l’Essonne, 114 lits en USLD et 28 lits en unité d’hospitalisation prolongée à Neuilly-sur-Marne, en Seine-Saint-Denis. Parmi les sites emblématiques du GHU, le Centre hospitalier Sainte-Anne (CHSA), situé à Paris, se distingue par ses activités de pointe. On y retrouve un service de neurochirurgie réalisant près de 2 000 interventions chaque année, un centre d’imagerie performant avec 13 500 IRM effectuées annuellement, ainsi qu’une prise en charge spécialisée des Accidents vasculaires cérébraux (AVC).  

Qu’en est-il du département des sécurités que vous dirigez ?  

Le département des sécurités est rattaché à la Direction de travaux, de la maintenance et du patrimoine. Il s’articule autour de trois missions principales : assurer la sécurité des personnes et des biens au sein de l’ensemble des établissements ; garantir la conformité réglementaire, notamment en matière de sécurité incendie ; et maîtriser les risques environnementaux, avec un focus particulier sur l’amiante et le plomb. Cela se traduit par la mise à jour régulière des dossiers techniques, la sensibilisation des équipes de travaux et de maintenance, ainsi que l’élaboration d’un plan amiante à l’échelle du groupe.  

Quelles sont les missions réparties entre les deux premiers volets ?  

Le premier volet, dédié à la sécurité des biens et des personnes, englobe l’ensemble des dispositifs répondant aux besoins de sécurisation des services : déploiement des systèmes d’appel à renforts, de vidéoprotection, et de contrôle d’accès. Cette sécurité s’appuie sur une organisation humaine de proximité et l’établissement de procédures claires pour traiter des situations spécifiques telles que les fugues, la présence de stupéfiants ou d’armes. Le deuxième volet concerne les exigences réglementaires. Nous accompagnons les projets de sécurité et de sûreté depuis leur conception jusqu’à leur réalisation, en garantissant le respect strict des normes en vigueur. Cela inclut également l’élaboration de tableaux de bord pour suivre la conformité des projets et des travaux par rapport aux obligations réglementaires, notamment celles de type U. Par ailleurs, ce volet accorde une importance particulière à la sécurité incendie. Nous disposons de formateurs spécialisés, de quatre responsables sécurité incendie et d’un service de sécurité incendie et d’assistance à personnes (SSIAP) mobile, qui interviennent sur les différents sites pour assurer le suivi et la gestion des urgences.  

Comment s’organisent vos journées ?

L’arrivée récente de nouveaux talents a considérablement transformé l’organisation de mes journées. Le recrutement d’un responsable sûreté et de lutte anti-malveillance expérimenté en juillet 2024, d’un chargé de mission coordination sûreté de niveau ingénieur fin 2023, ainsi que d’une responsable amiante/plomb/QHSE (Qualité, hygiène, sécurité, environnement) également de niveau ingénieur en avril 2024, m’a permis de déléguer davantage de responsabilités. Je m’appuie également sur mon équipe de responsables sécurité incendie, très engagée à mes côtés depuis six ans. Leur expertise et leur capacité à alerter rapidement en cas de besoin sont des atouts précieux dans la gestion quotidienne de la sécurité. 

Prenez-vous personnellement en charge certains sujets spécifiques ?

Oui, je me concentre particulièrement sur les enjeux critiques de sécurité, tels que les fugues, les incidents de violence au sein des établissements, les départs de feu ou encore les dysfonctionnements d’exploitation. J’interviens également de manière proactive en préventrice en conseil incendie, un volet essentiel pour notre structure, qui a mené en 2024 pas moins de 60 opérations de rénovation et de travaux, représentant un investissement total de 40 millions d’euros. À cela s’ajoutent plusieurs missions clés, comme la gestion des différents contrats de maintenance, le suivi des opérations de travaux en lien avec la sécurité et la sûreté, ainsi qu’un projet qui nous tient particulièrement à cœur : la création d’un nouveau PC sécurité-sûreté au CHSA. Ce projet structurant renforcera notre capacité à exploiter efficacement la vidéoprotection et à optimiser la sécurité globale du site. 

Quelles sont les spécificités d’un établissement spécialisé en santé mentale ?  

Celles-ci sont directement liées aux particularités des pathologies prises en charge et aux situations de violences auxquelles les équipes sont confrontées au quotidien. La prévention des fugues et des tentatives de suicide impose une vigilance accrue, une conception architecturale adaptée et des procédures strictes pour assurer la sécurité des patients. De même, le risque de départs de feu d’origine volontaire représente un défi majeur, nécessitant des mesures de prévention qui vont bien au-delà des obligations réglementaires classiques. Par ailleurs, les professionnels de santé sont exposés à des situations de violence parfois intenses, ce qui peut affecter leur bien-être et freiner la poursuite de carrière, notamment chez les infirmières et les aides-soignantes, qui sont plus souvent confrontées à cette problématique. C’est pourquoi la réduction des violences, la sécurisation des sites et le déploiement de dispositifs d’alerte performants constituent des priorités absolues pour notre structure.  

Comment s’organisent vos liens avec les autres services ?   

Très rapidement après ma prise de fonction, j’ai tenu à rencontrer les équipes soignantes du groupe hospitalier, dans le cadre de l’élaboration des plans de sécurisation des établissements et de la préparation des commissions de sécurité incendie. Ces échanges, associés à l’analyse des fiches d’évènements indésirables (FEI), m’ont permis de saisir concrètement leurs difficultés et leurs préoccupations. Parallèlement, plusieurs Comités de pilotage (Copil), tels que le Copil « toxiques » ou le Copil « sécurisation de l’exercice professionnel », offrent un espace d’échange inter-direction pour aborder des sujets spécifiques et coordonner les actions. Les retours d’expérience sur des incidents graves constituent également des moments privilégiés pour rencontrer les différents services et renforcer notre collaboration.

Les femmes sont peu nombreuses dans les métiers de la sécurité. Est-ce un facteur qui influence votre quotidien ? 

Les hôpitaux sont des environnements où les femmes sont omniprésentes, sur tous les postes et à tous les niveaux. C’est d’ailleurs l’un des aspects qui m’a le plus marquée à mon arrivée au GHU, surtout en comparaison avec le Marché de Rungis, un univers complètement différent sur ce plan ! Au quotidien, j’ai toujours trouvé un bon équilibre de travail avec les responsables de sécurité et sûreté, même s’ils sont tous des hommes. Je considère que nos échanges, parfois confrontants, constituent une force précieuse et sont toujours enrichissants. Par ailleurs, un autre aspect qui pourrait surprendre, surtout pour une femme évoluant dans le secteur de la sécurité, c’est l’absence de considération liée à l’âge. Le jeunisme n’est absolument pas un sujet dans notre travail, et cela contribue à un climat de respect et de collaboration.  

Cela fait maintenant plus de six ans que vous occupez ce poste au GHU Paris, votre première expérience dans le secteur de la santé. Avez-vous observé des particularités par rapport aux autres environnements dans lesquels vous avez travaillé ?

Mon parcours précédent en tant qu’ingénieur préventionniste en incendie et travaux, au sein d’organismes agréés, m’a permis de développer des bases techniques et relationnelles solides. Par la suite, au Marché de Rungis, j’ai été confrontée à des problématiques de sûreté, de travaux, de maintenance et de protection des biens, dans un cadre professionnel à la fois dense et complexe. Cependant, l’origine de mon engagement remonte à mes années d’études en école d’ingénieurs, lorsque j’étais bénévole à l’Association des paralysées de France pensant six ans. Cette expérience m’a plongée, très jeune, dans la réalité de la maladie, qu’elle soit physique ou mentale. À cette époque, j’ai fait la promesse aux patients que, plus tard, je travaillerais dans un métier en lien avec leur bien-être. Cette promesse a pris tout son sens lors de mon arrivée au GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences. Grâce à mon expérience professionnelle, j’ai acquis un recul précieux sur les enjeux techniques et réglementaires, ce qui m’a permis de me positionner dès le départ au cœur de l’humain : protéger le patient, le soignant et le visiteur au sein de cette fonction support dédiée à la sécurité. J’ai immédiatement apprécié l’accueil chaleureux, la qualité des échanges, ainsi que l’attention portée aux retours d’expérience après des situations graves. Cette culture de l’amélioration continue, ancrée au GHU, est pour moi une vraie particularité du secteur hospitalier. 

En 2020, lors de la crise sanitaire, vous étiez déjà en poste au GHU Paris. Comment avez-vous géré cette période si particulière ?  

La surmortalité liée au Covid dans nos EPHAD a profondément bouleversé le GHU. Dans ce contexte de crise, la Direction des travaux, dont nous dépendons, a dû rapidement adapter nos établissements, en isolant des zones « Covid » dans les structures d’hospitalisation touchées, parfois en dérogation aux principes de sécurité incendie. Nous faisions preuve de flexibilité et d’adaptabilité pour répondre à l’urgence. À un niveau plus opérationnel, nous avons dû nous battre pour obtenir les équipements de protection nécessaires : blouses, masques, charlottes, gel hydro-alcoolique… Je me suis même rendue sur le Marché International de Rungis pour chercher ces fournitures. Parallèlement, le GHU a tout de suite mis en place une cellule de crise structurée, qui a permis de définir clairement mes missions, notamment la vérification des passes sanitaires à l’entrée de nos dix sites principaux et l’établissement de consignes pour les autres sites. Les tensions étaient évidentes, mais l’externalisation des agents de sécurité et ma présence quotidienne à leurs côtés ont permis de les apaiser. Je tiens d’ailleurs à saluer l’appui solide de la direction générale et de la DRH, qui ont fait preuve d’une grande attention au respect de nos agents et de tous les collaborateurs du GHU. Malgré la dureté de cette période, nous avons su faire face ensemble et surmonter cette épreuve.  
 
> Article paru dans le Hors-Série n°7 - Journées de l'ACSES 2025, à lire ici
 






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