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« Il n’y a pas besoin de cacher l’utilisation des données de santé »


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Mercredi 31 Janvier 2024 à 09:51 | Lu 1386 fois


Fédérant, à l’échelle nationale, les associations agréées d’usagers du système de santé, France Assos Santé accompagne depuis plusieurs années l’essor des technologies numériques auprès des patients et de leurs proches. Un enjeu auquel s’intéresse particulièrement Arthur Dauphin, son chargé de mission Santé numérique. Rencontre.



« Il n’y a pas besoin de cacher l’utilisation des données de santé »
Pourquoi France Assos Santé s’intéresse-t-elle aux technologies numériques appliquées à la santé ? 

Arthur Dauphin : Car celles-ci sont aujourd’hui au cœur de plusieurs dynamiques nationales et territoriales ! Leurs usages et applications se sont certes renforcés depuis la crise sanitaire, mais ils lui préexistaient, et France Assos Santé s’y intéresse depuis déjà plusieurs années. Nous travaillons ainsi sur le sujet de manière spécifique depuis 2008, à travers un groupe de travail national qui se consacrait notamment au Dossier médical partagé (DMP) et au suivi des projets qui allaient, par la suite, devenir le Système national des données de santé (SNDS) et le Health Data Hub. Ces travaux sont toujours d’actualité, car on observe aujourd’hui une réelle ébullition autour du numérique. Il est donc tout naturel que les associations de patients s’y positionnent aussi. Cette thématique a d’ailleurs un impact réel sur le quotidien de tous les usagers de notre système de santé, depuis la prise de rendez-vous en ligne à la gestion du dossier médical, en passant par l’utilisation d’objets connectés. Elle prend aussi de l’ampleur dans l’action des pouvoirs publics, aussi bien au sein de l'Assurance maladie que, plus largement, du ministère de la Santé.

L’année 2023 a ainsi été marquée par le lancement à grande échelle de Mon Espace Santé… 

Les patients eux-mêmes étaient très demandeurs d’un tel outil, qui plus est proposé par la puissance publique. Il s’agit donc d’un dispositif important, dont l’arrivée a été accompagnée par France Assos Santé. Nous continuons d’ailleurs d'avoir de nombreux échanges avec la Délégation au numérique en santé et l'Assurance maladie, pour améliorer progressivement le service et assister son déploiement auprès des usagers. L’enjeu est de taille car, aujourd’hui encore, il peut être difficile d’avoir accès à son propre dossier médical. Mon Espace Santé représente donc une réelle plus-value pour les patients.  

Quid du Health Data Hub (HDH) ? Suivez-vous aussi les démarches liées au recueil et à l’utilisation des données de santé ? 

France Assos Santé est membre du groupement d'intérêt public HDH. Nous faisons donc partie intégrante du dispositif, et sommes plus généralement en relation avec les services publics de gestion des données de santé. Cet activisme est à mettre en lien avec les attentes fortes des associations de patients et d'usagers, en termes d'amélioration de la recherche, d’une meilleure compréhension des parcours de soins et d’une organisation plus efficiente de notre système de santé. Le recueil et l’utilisation des données de santé sont aujourd’hui perçus positivement, a fortiori en France où le cadre est certes complexe, mais sûr. La confiance des associations issues de la société civile est donc bien réelle. En revanche, force est de constater que le sujet est méconnu par une majorité de citoyens. Il y a un réel enjeu autour de la sensibilisation des patients sur le partage des données de santé, les résultats attendus et la confiance que l'on peut plus globalement accorder au système.

Justement, comment former et informer le grand public ?

Nous sommes notamment présents au sein de la direction citoyenne du HDH, pour coordonner les actions à destination de la société civile. De la même manière, nous travaillons avec les autres structures concernées, et en particulier les établissements de santé, autour de la mise en place des entrepôts de données de santé hospitaliers. Nous avons toutefois constaté une certaine réticence, de la part des acteurs de la santé numérique, à communiquer sur le sujet directement auprès du patient. Écrire, à la page 18 du livret d'accueil et dans un langage juridique peu compréhensible, que les données de santé sont réutilisées, cela n’est pas suffisant ! Il n’y a pas lieu de cacher l’utilisation des données de santé. Les patients ne vont pas manifester ou crier au scandale. Au contraire, ils ont une vision assez positive de l’utilisation de ces données, pour peu qu'on prenne le temps de leur en parler et de leur expliquer clairement les choses.

Qu’en est-il du risque de fuites de données ? Cela n’entraîne-t-il pas une perte de confiance ?

Du côté des usagers, il y a une grande incompréhension de ce que sont réellement les données de santé, ce qui mène à un certain nombre d'amalgames… d’autant que, pour beaucoup, ces données sont de l’ordre de l’intime et leur sont encore difficilement accessibles – un point que Mon Espace Santé devrait toutefois améliorer. Toujours est-il qu’effectivement, plusieurs fuites de données, notamment dues à des cyberattaques, ont ces dernières années été mises en avant. Mais, pour beaucoup d’usagers, les risques réels derrière ces fuites ne sont pas tout à fait compris, même si tous s’accordent pour reconnaître que le risque zéro n'existe pas. Ils sont ainsi nombreux à croire que ces informations sensibles seront reprises par leur banque, leur assureur ou même leur employeur. Or ce n’est pas là que réside le risque principal. 

Pourriez-vous développer ?

En réalité, et de manière quelque peu paradoxale, la fuite de ses données de santé augmente la probabilité d’être la cible potentielle de SMS et de mails frauduleux, car elle les alimente en partie et permet donc à ces tentatives de devenir plus crédibles. Aussi en appelons-nous à une meilleure éducation à la protection des données personnelles et aux risques liés à une diffusion non autorisée. Une position qui rejoint celle adoptée par France Assos Santé en ce qui concerne l’utilisation éthique et respectueuse des données de santé, ainsi que le recours à des outils véritablement sécurisés. Or il subsiste ici une certaine marge de manœuvre : lorsque l'on entend que certains professionnels de santé continuent d’échanger des informations relatives à leur patient via une messagerie grand public comme WhatsApp, cela pose question. Il est plus que jamais impératif de traiter ces données de manière respectueuse, en toute transparence et sans méfiance vis-à-vis des usagers. 

Comment voyez-vous l’avenir de la santé numérique en France ?

Cette transition est assez compliquée à appréhender car elle avance à un rythme exponentiel. Ce que nous mettons aujourd’hui en place sera peut-être obsolète dans cinq ou vingt ans. Il nous faut donc préparer notre système de santé à intégrer et exploiter les innovations d'aujourd'hui comme celles de demain, tout en conservant ce qui fait sa spécificité. Se pose également la question de la souveraineté numérique, pour que notre système ne soit pas obligé d’intégrer des règles édictées par des acteurs privés de l’innovation numérique. Cela dit, la dynamique publique engagée ces dernières années en France va ici dans le bon sens. Mais d’autres défis s’imposent à nous, comme l’intégration des personnes éloignées de la technologie, ou encore l’utilisation des algorithmes d’intelligence artificielle. Sur ce dernier point, nous sommes particulièrement vigilants au maintien du contact humain : ces nouveaux outils doivent venir en appui au monde médical, par exemple pour automatiser certaines tâches chronophages ou proposer une aide au diagnostic ; mais ils ne doivent en aucun cas remplacer l’humain et son expertise. Bien au contraire : les technologies et applications numériques de demain devront contribuer à replacer l’Homme au centre de l’action en santé.

> Article paru dans Hospitalia #63, édition de décembre 2023, à lire ici
 






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