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Le magazine de l'innovation hospitalière
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À Saclay, l'hôpital du futur en ligne de mire


Rédigé par Joëlle Hayek le Mercredi 18 Octobre 2023 à 14:46 | Lu 3784 fois


Directeur de l’innovation, de la recherche et de la transformation numérique du Groupe Hospitalier Nord-Essonne (GHNE), Jérôme Kozlowski prépare activement l’ouverture, à l’été prochain, du nouvel Hôpital de Saclay, véritable hôpital du futur centré sur l’innovation. Il nous présente les grandes lignes d’un programme de reconfiguration numérique ambitieux, tout en livrant quelques pistes pour que l’innovation soit au service des parcours patients et des professionnels de santé.



Pourriez-vous, pour commencer, nous présenter le GHNE ? 

Jérôme Kozlowski : Situé aux portes de Paris, le GHNE est né de la fusion, entre 2016 et 2018, des hôpitaux de Longjumeau, Juvisy-sur-Orge et Orsay. Desservant un territoire de plus de 640 000 habitants – soit toute la région nord de l’Essonne –, il est aujourd’hui engagé dans un projet immobilier ambitieux avec la construction du futur Hôpital de Saclay, qui devrait accueillir ses services aigus et plateaux techniques à partir de la mi-2024. Avec l’innovation comme fil rouge, ce nouvel établissement résolument tourné vers l’avenir entend donner corps au concept d’Hôpital du Futur. Nativement tourné vers les prises en charge ambulatoires, il reposera ainsi sur des organisations et des infrastructures modernes, avec de nombreux projets novateurs. Il ambitionne également de devenir un acteur de la recherche clinique, en lien avec l’écosystème du plateau de Saclay. Vous l’aurez compris, cette transformation architecturale et organisationnelle ira donc de pair avec une transformation numérique, dont nous sommes en train de poser les fondations.

C’est justement là le rôle de la direction de l’innovation, de la recherche et de la transformation numérique.

Le GHNE dispose déjà d’une bonne base de départ. La création d’une direction des systèmes d’information commune dès le début des années 2010, donc bien avant la fusion juridique des hôpitaux de Longjumeau, Juvisy-sur-Orge et Orsay, a ainsi permis d’atteindre une convergence informatique quasi totale. Sa mutation, en 2018, en direction de l’innovation, de la recherche et de la transformation numérique, est venue consacrer le rôle désormais structurant des technologies numériques dans tout projet de transformation hospitalière. Le nouvel Hôpital de Saclay et, plus largement, la recomposition hospitalière du GHNE, nous imposent d’aller plus loin encore, car ce projet entend être synonyme de nouveau bond en avant dans l’intégration de l’innovation. 

Sur quels chantiers travaillez-vous aujourd’hui ?

Ils sont nombreux ! Nous nous concentrons, en premier lieu, sur la création d’infrastructures systèmes et réseaux connectées, ouvertes et sécurisées, en collaboration avec le constructeur du nouvel établissement. Ce socle technique portera, naturellement, une vigilance particulière aux enjeux de cybersécurité, devenus incontournables dans le contexte actuel. Nous préparons, en parallèle, la stratégie zéro papier archivé de l’Hôpital de Saclay, en optant pour la numérisation totale des archives actives médicales et administratives. Et préparons notamment l’informatisation des dernières spécialités, comme l’anesthésie et la réanimation, où les logiciels métiers étaient encore peu connectés aux systèmes de gestion des dispositifs biomédicaux. 

D’autres exemples ?

Comme je l’évoquais plus haut, le futur Hôpital de Saclay laissera une large part aux prises en charge ambulatoires. Une organisation logistique imparable devra donc être mise en place pour exploiter pleinement les espaces disponibles et fluidifier au mieux les différents circuits patients. Nous préparons donc le déploiement d’un outil de coordination pour le plateau de consultations, ainsi que l’interconnexion des logiciels de la pharmacie-stérilisation et du bloc opératoire pour pouvoir mettre en œuvre un pack opératoire programmé pour la chirurgie. Les chariots interventionnels seront ainsi directement préparés par les agents de stérilisation, afin de recentrer les IBODE sur leur cœur de métier et offrir une attractivité renouvelée à ces ressources devenues rares.

L’Hôpital de Saclay fera également la part belle aux dernières avancées en matière d’automatisation…

À cette occasion, le laboratoire de biologie médicale bénéficiera de chaînes automatisées, parallèlement à la mise en œuvre d’un système d’information unique, et d’une réflexion sur la réorganisation de ses métiers. La pharmacie à usage intérieur ne sera pas en reste, avec la modernisation de son système de gestion robotisé, l’intégration d’un robot de dispensation nominative journalière et l’installation d’armoires sécurisées pour la gestion des stocks déportés dans les services de soins. Tous ces projets multisites pour le GHNE, qui comme vous pouvez le constater, imposent une transformation autant numérique qu’organisationnelle, sont aujourd’hui menés de concert afin que l’innovation soit de fait intégrée dès l’ouverture de l’Hôpital de Saclay.

Justement, avez-vous identifié des problématiques particulières en matière de développement et d’intégration de l’innovation en milieu hospitalier ?

Oui, il s’agit à mon sens de constats partagés par tous ceux observant cette dynamique. J’évoquerai en premier lieu la culture organisationnelle, souvent conservatrice et hiérarchique, des établissements de santé, qui peut complexifier l’adoption de nouvelles idées. Deuxième écueil, leurs ressources financières limitées, qui rendent difficile l’investissement dans des projets d’innovation souvent coûteux, ou tout simplement non anticipés budgétairement. Or, l’innovation impose de l’agilité, car elle ne peut justement pas être prévue à l’avance. Elle naît d’une intuition, voire nécessite une certaine prise de risque pour sélectionner le bon partenaire au sein d’un écosystème foisonnant et évolutif. Aussi est-il nécessaire de lui allouer une enveloppe dédiée au sein des budgets hospitaliers. 

Avez-vous pu poser d’autres constats ?

À l’hôpital, l’innovation peut également se heurter aux problématiques d’interopérabilité des systèmes d’information, pourtant essentielle pour garantir la sécurité des prises en charge. Or les éditeurs bien installés ne sont pas toujours disposés à œuvrer pour l’intégration de solutions développées par des start-ups. Il est vrai qu’il s’agit d’une opération complexe, d’ailleurs souvent source de coûts cachés pour l’établissement requérant… Je terminerai sur quelques observations. L’introduction de nouvelles technologies et pratiques nécessite une formation adéquate du personnel hospitalier pour tirer pleinement profit des usages numériques. Ceux-ci sont d’ailleurs trop souvent perçus comme rigides, car imposant des saisies dans les seules cases prévues à cet effet, là où le papier offre une liberté absolue. À cette doléance pouvant entraver l’adoption réussie de l’innovation, s’ajoutent les inquiétudes liées à la collecte et au traitement des données sensibles des patients. Assurer la sécurité et la confidentialité de ce recueil est donc crucial pour renforcer la confiance des utilisateurs. Cela dit, 70 % d’entre eux semblent désormais bien accepter le virage numérique.
 

Vous évoquiez une relative résistance au changement des éditeurs eux-mêmes. Comment l’adressez-vous ?

Effectivement, les éditeurs historiques ont souvent mis en place des processus et des systèmes stabilisés depuis des années, dont l’évolution est compliquée et probablement coûteuse, là où une start-up aura sans surprise plus d’agilité. Mais il ne faut pas opposer ces deux mondes. Bien au contraire, ils sont complémentaires pour améliorer collectivement la prestation des soins de santé, et notre rôle est, aussi, de favoriser leur rencontre. Par exemple, nous travaillons actuellement sur un processus de préadmission, connecté à la prise de rendez-vous en ligne, et avons donc initié des échanges entre les entreprises concernées, qui ont depuis noué un partenariat opéré en bonne intelligence. Sur un autre registre, nous cherchons aussi à renforcer nos liens avec nos correspondants en ville, car l’hôpital de demain doit leur être véritablement ouvert. Ce projet devrait également se traduire par des synergies nouvelles entre des acteurs de l’écosystème. Dans un exemple comme dans l’autre, nous ne pouvons que nous féliciter de cet alignement qui, rappelons-le, bénéficie en premier lieu aux patients eux-mêmes et à la diversité de leurs parcours.

Un mot, peut-être, sur la manière dont le virage numérique pourra être encore accéléré au sein des établissements de santé ?

Celui-ci, qui offre de nombreuses opportunités pour améliorer les soins de santé, impose néanmoins de correctement penser les organisations, les métiers, l’expérience patient et la technique. Il faut donc l’inscrire dans une approche globale et transverse, portée par une vision claire. Un engagement fort de la part de la direction générale ou du directoire est à cet égard essentiel, pour que le schéma directeur des systèmes d’information puisse véritablement se muer en schéma directeur de la transformation numérique. Naturellement, l’investissement dans les infrastructures technologiques adéquates est ici un prérequis de taille, de même que la promotion de la culture du changement auprès des équipes médico-soignantes et administratives. Outre l’identification des référents qui, au sein des pôles, seront les moteurs de la transformation numérique, il est également important d’encourager l’innovation et de récompenser les idées nouvelles. Il convient aussi de faciliter la formation et l’apprentissage des nouvelles technologies, tout en assurant la confiance des utilisateurs par des mesures de sécurité robustes. À cet égard, les dispositifs biomédicaux représentent un véritable talon d’Achille, qu’il faudra adresser sans tarder.

Pour finir, pourriez-vous évoquer votre vision du GH Nord Essonne de demain ?

Je l’imagine comme un groupe hospitalier agile, capable d’adopter rapidement des pratiques innovantes pour répondre à des besoins évolutifs et réagir aux défis émergents. D’ailleurs, l’objectif même d’un établissement moderne comme celui de Saclay est justement de favoriser cette flexibilité, cette réactivité et cette efficacité dans la prestation des soins de santé. L’hôpital de demain sera ainsi, à mon sens plus que jamais centré sur les besoins des patients et les exigences de ses équipes. Il portera en outre une approche proactive pour identifier et atténuer les risques, quels qu’ils soient, et disposera d’une certaine souplesse budgétaire afin d'allouer efficacement ses ressources humaines et financières en fonction de priorités changeantes. Enfin, il tirera pleinement profit des opportunités offertes par son environnement direct. 

Qu’entendez-vous par là ?

Je pense notamment ici au bâtiment du projet PASREL, véritable plateforme collaborative ouverte et dédiée à l’intégration de l’innovation en milieu hospitalier, qui en 2026 sera construit à proximité immédiate du futur Hôpital de Saclay. PASREL accueillera notamment le Service Hospitalier Frédéric Joliot (SHFJ) du CEA, avec lequel nous collaborons de longue date, mais aussi les équipes de recherche académique ou industrielle du plateau de Saclay, qui lui-même se positionne à l’interface des sciences de l’ingénieur et de la médecine. C’est une réelle chance pour notre établissement, dont nous comptons bien nous saisir pour continuer d’innover et de nous transformer.
 
> Article publié dans l'édition de septembre d'Hospitalia à lire ici.






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