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Imagerie

62èmes Journées Françaises de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle - l’accès à l’imagerie au cours des urgences : ce qui marche et ce qui ne marche pas...ou mal


Rédigé par Rédaction le Vendredi 24 Octobre 2014 à 10:24 | Lu 6947 fois


Pour les patients reçus aux urgences l’imagerie médicale occupe une place déterminante et structure bien souvent le parcours de soins de ces patients. En complément des enquêtes régulières menées notamment sur l’accès à l’IRM dans notre pays, la Société Française de Radiologie et la Société Française de Médecine d’Urgence ont souhaité objectiver les conditions d’accès aux examens d’imagerie pour ces patients reçus aux urgences, grâce à une enquête nationale menée cet été auprès de médecins responsables de services des deux spécialités.



62èmes Journées Françaises de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle - l’accès à l’imagerie au cours des urgences : ce qui marche et ce qui ne marche pas...ou mal
- 40% des consultations aux urgences donnent lieu à une imagerie : dans 71% des cas, il s’agit d’une radiographie standard, dans 23% d’un scanner, dans 10% d’une échographie et dans 4% une IRM.
 
- La radiographie standard reste donc l’examen le plus utilisé, surtout en traumatologie. Elle est réalisée dans la grande majorité des cas en moins de 3 heures ce qui permet de prendre en charge les patients rapidement.
 
- Le scanner est devenu le deuxième examen d’imagerie aux urgences, mais les délais d’obtention restent souvent trop longs faute d’appareils dédiés aux urgences.
 
- L’échographie s’est beaucoup développée surtout aux urgences pédiatriques, car elle n’est pas irradiante.
 
- Le point noir reste l’accès à l’IRM. Si le nombre de machines a augmenté, les indications validées de cet examen, notamment en urgence, ont cru davantage, rendant la demande nettement supérieure à l’offre, d’autant que dans la moitié des établissements qui en disposent, l’IRM ne fonctionne qu’aux heures ouvrables...
 
Voici l’analyse croisée des principaux résultats de l’enquête par un urgentiste, le Pr Dominique Pateron, chef de pôle et responsable de service à l’Hôpital Saint Antoine (Paris) et un radiologue, le Pr Jean-Yves Gauvrit, responsable de l’unité d’imagerie neuro-faciale, service de radiologie, du CHU de Rennes. 

Avec 45 000 passages aux urgences en moyenne et un taux d’admission, c’est-à-dire d’hospitalisation, de 25%, les données de l’enquête vous semblent-elles représentatives de votre activité ?

Pr Dominique Pateron : Tout d’abord la répartition des types d’établissement entre CHG (58%), CHU (32%), ESPIC (5%), privé (5%), correspond bien à la réalité des structures accueillant les urgences sur notre territoire.
 
Le nombre de passages montre qu’il s’agit plutôt de gros établissements ; quant au taux d’admission de 25%, il est juste un peu supérieur aux données nationales (20%), dont nous disposons à travers l’étude de la DRESS de 2003, en attendant l’enquête menée par le Ministère de la santé dont les résultats devraient être publiés en novembre.
 
Le pourcentage de consultations pour traumatologie (33%) est lui aussi conforme aux estimations nationales. On peut donc dire que l’enquête se base sur des données solides représentatives des structures et de l’activité des services d’urgence.

Concernant le plateau technique accessible aux urgentistes dans ces structures, quels sont les principaux enseignements de l’enquête?

L’enquête montre que 40% des consultations aux urgences donnent lieu à une imagerie : dans 71% des, cas il s’agit d’une radiographie standard, dans 23% d’un scanner, dans 10% d’une échographie et dans 4% d’une IRM.
 
Le pourcentage d’échographies me semble particulièrement élevé, mais sans doute parce qu’il s’agit d’urgences adultes et pédiatriques. Depuis quelques années, les indications de l’échographie en urgence chez les adultes a en effet diminué au profit du scanner, car l’échographie répond à une question ciblée, autrement dit recherche une cause cliniquement suspectée, alors que le scanner donne des informations plus larges ce qui correspond mieux aux problématiques posées aux urgences. En revanche, l’échographie est privilégiée en pédiatrie et chez la femme enceinte, car elle n’est pas irradiante.
 
On observe que la mise à disposition d’un scanner dédié aux urgences (consultations aux urgences et demandes urgentes pour des patients hospitalisés), et aux services des urgences en particulier, est relativement peu développée dans notre pays. La plupart des examens de tomodensitométrie (82%) se font au niveau du service de radiologie central.
 
À noter, en outre, que le scanner est utilisé aussi pour les actes de radiologie interventionnelle ou de drainage qui « bloquent » l’appareil pendant des durées plus longues que les examens, rendant également plus difficile ou plus long l’accès à cet examen.
 
Quant à l’accessibilité à l’IRM, elle reste faible, et surtout elle est limitée, dans la moitié des cas, aux heures ouvrables, alors que, si elle est indiquée, elle doit pouvoir être faite 24H/24.

Les conditions d’utilisation des différentes techniques d’imagerie et les délais pour les obtenir sont-ils aujourd’hui satisfaisants pour la prise en charge des patients qui se présentent aux urgences ?

Premier constat : l’ensemble des urgentistes et des radiologues sont satisfaits des radiographies standards. Leurs indications, leur réalisation, la disponibilité des appareils sont bonnes avec beaucoup de machines dédiées aux urgences et des délais d’obtention courts. Seul problème : leur interprétation (voir ci-dessous).
 
Deuxième constat : une insatisfaction générale concernant les délais pour obtenir un scanner, une échographie ou une IRM. Il existe une forte attente de la part des urgentistes pour réduire ces délais. Les radiologues quant à eux sont plus critiques vis-à-vis des indications de ces examens, c’est-à-dire des demandes d’examens faites par les urgentistes.
 
La mise en place de protocoles communs entre urgentistes et radiologues dans chaque établissement pour mieux définir les indications et les modalités pour réduire les délais devrait permettre d’améliorer cette situation.

Les délais d’obtention d’une IRM semblent s’être accrus, cette situation est-elle acceptable?

Il faut regarder ces résultats avec précaution.
 
Certes, le nombre d’appareils d’IRM a augmenté ces dernières années, mais les demandes encore plus, si bien que l’offre reste inférieure à la demande. Ceci dit, si l’on considère les résultats pour les AVC, selon les données de l’enquête, 22% des patients qui présentent des signes cliniques d’AVC ont une IRM en première intention, il y a dix ans, l’examen n’était accessible que dans 1% des cas....
 
On peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein ! Donc pour l’IRM des progrès importants ont été réalisés, mais ils restent insuffisants par rapport aux besoins qui ont beaucoup cru.

En ce qui concerne la prise en charge aux urgences des AVC, l’IRM qui est l’examen de référence, n’est donc réalisée rapidement que chez un patient sur 5 ?

Avant de conclure, il faut se poser la question des indications de l’IRM et du délai en urgence chez ces patients.
 
L’imagerie très précoce est utile pour ceux qui peuvent bénéficier d’une thrombolyse. Dans cette phase intermédiaire où, malgré des progrès, l’accessibilité à l’IRM n’est pas universelle, il est essentiel de distinguer les patients qui ont besoin de cet examen rapidement et ceux qui devront en bénéficier, mais sans urgence immédiate, car leur traitement immédiat ne dépend pas des résultats de l’IRM. Dans une situation de thrombolyse potentielle, il est préférable d’avoir un scanner immédiatement qu’une IRM 6h plus tard.

La prise en charge des urgences traumatologiques apparait satisfaisante pour les urgentistes comme pour les radiologues ?

Comme je vous l’ai dit, la radiographie standard marche bien. Or la plupart des urgences traumatologiques ne nécessitent qu’une radiographie standard. Seules certaines situations comme les traumatismes du rachis cervical et éventuellement les traumatismes du poignet justifient un scanner d’emblée.
 
Se posent en effet le problème de la disponibilité du scanner, du rapport coût efficacité sans oublier l’irradiation. Il faut donc intégrer ces paramètres, établissement par établissement, pour mettre en place des protocoles locaux adaptés. La bonne gestion de l’imagerie fait en effet partie de la notion de circuits courts.

Qu’entendez-vous par circuits courts ?

Pour améliorer l’organisation des urgences, un certain nombre d’études ont montré qu’il convient de prendre en charge rapidement les patients qui ont des pathologies bénignes, telles que les traumatismes courants ou les infections ORL, afin qu’ils restent le moins longtemps possible dans ces services.
 
Ces patients, qui représentent environ 20 à 40% des consultants aux urgences, soit n’ont besoin d’aucun examen complémentaire, soit nécessitent une simple radiographie standard.
 
En les traitant rapidement, on améliore les flux et, d’une façon qui peut paraître paradoxale, on améliore également la prise en charge des patients qui ont des pathologies plus lourdes. La mise en place de ces circuits courts est déjà une réalité dans de nombreux services d’urgence.

La réalisation et les délais d’obtention des radiographies standard sont donc satisfaisants et permettent de traiter rapidement la traumatologie courante, mais l’enquête montre néanmoins que leur interprétation reste un problème ?

Effectivement, l’enquête montre que 18% des clichés sont interprétés en urgence par un radiologue. C’est un taux faible, et qui implique que l’interprétation en temps réel est majoritairement faite par l’urgentiste.
 
La question est là encore de savoir si cela est délétère pour le patient.
 
Si l’on prend l’exemple du traumatisme du poignet, la réalisation initiale des clichés, une immobilisation efficace et une consultation post-urgence avec une lecture secondaire des clichés par le radiologue est acceptable.
 
Autrement dit à condition de mettre en place des procédures de prise en charge, un contrôle de qualité, l’interprétation différée des clichés est acceptable pour la santé des sujets consultant aux urgences pour un certain nombre des traumatismes courants.

Le pourcentage élevé (40%) de patients consultant aux urgences qui ont une imagerie vous semble t-il conforme à votre activité ?

Pr Jean-Yves Gauvrit : Oui, l’enquête confirme que l’imagerie est au cœur de la prise en charge des urgences. Elle montre aussi que la radiographie standard, la technique la plus ancienne, reste essentielle, surtout en traumatologie.
 
Mais elle met également en évidence la part croissante du scanner, à la deuxième place après la radiographie standard qui représente aujourd’hui 23% des actes d’imagerie réalisés en urgence. Il y a encore quelques années, c’était une technique de pointe, réservée à certaines pathologies graves.

L’accessibilité au scanner en urgence est-elle pour autant satisfaisante ?

urgences : selon la SFR et le G4 (Conseil Professionnel de la Radiologie Française), un nombre d’urgences (passages au service des urgences et urgences internes au sein de l’établissement) supérieur à 30 000 par an justifie la mise à disposition d’un appareil dédié.
 
L’enquête montre que nous en sommes loin, puisque 82% de ces examens sont réalisés dans le service de radiologie centrale.
 
La difficulté d’accéder à cet équipement est susceptible de pénaliser la prise en charge de certains patients. En effet, aujourd’hui, c’est l’examen de référence de première intention pour de nombreuses pathologies, thoraciques, abdominales, neurologiques... Ainsi, en cas de suspicion d’embolie pulmonaire, l’angioscanner s’impose. Dans les symptomatologies digestives, c’est aussi le scanner qui confirme le diagnostic. En cas de polytraumatisme, le scanner corps entier permet de faire un diagnostic rapide des lésions et de mettre en place les stratégies thérapeutiques adaptées dans les meilleurs délais. Dans toutes ces situations, l’indication du scanner est parfaitement justifiée. En neurologie également, le scanner, c’est en quelque sorte l’ECG du cerveau et il reste nécessaire par défaut en raison des difficultés d’obtention de l’IRM.
 
Il est donc certain que le manque d’appareils dédiés limite l’obtention de cet examen dans des délais satisfaisants pour tous les patients qui en ont besoin.

L’insuffisance persistante d’appareils d’IRM confirmée par l’enquête a-t-elle des conséquences sur la prise en charge des patients ?

Il faut d’abord se féliciter de l’augmentation du nombre de patients présentant un AVC qui ont une IRM : 22% en 2014, alors qu’en 2008-2009, ce pourcentage ne dépassait pas 2%. En revanche, on ne peut que déplorer que si 9 praticiens sur 10 ont accès à une IRM, celui-ci soit limité aux heures ouvrables dans la moitié des cas.
 
Il faut néanmoins distinguer plusieurs situations.
 
Grâce notamment à la mise en place des « stroke centers », les patients avec un AVC constitué, qui met en jeu leur pronostic vital et fonctionnel et qui nécessite un traitement en urgence, bénéficient dans la majorité des cas d’une imagerie dans les délais recommandés, c’est-à-dire moins de 4H30. L’IRM est l’examen de choix dans cette indication, mais si elle ne peut pas être réalisée, le scanner permet de poser l’indication du traitement et l’absence d’IRM ne leur fait pas perdre de chance.
 
Mais la situation n’est pas acceptable pour les patients qui ont un accident ischémique transitoire et qui devraient avoir une IRM dans les 6 heures. Ces sujets sont à haut risque de récidive et leur prise en charge dépend de la cause de leurs symptômes. Or, le scanner ne permet pas de faire ce diagnostic étiologique.
 
Donc si des progrès certains ont été réalisés pour les AVC constitués, nous ne pouvons nous satisfaire de la situation actuelle pour les autres nombreuses pathologies neurologiques qui nécessitent une IRM en urgence.

L’ensemble des praticiens interrogés est satisfait de l’accessibilité et des délais d’obtention des radiographies standards, mais les urgentistes pointent la question de l’interprétation des clichés, est-ce vraiment un problème ?

On constate effectivement que les délais pour les radiographies standard sont courts : moins de 3 heures pour 97% des patients. Se posent en revanche deux problèmes : celui de la prescription, autrement dit des clichés demandés, et celui de l’interprétation en temps réel de ces radios. Il faut en effet disposer des bonnes incidences et de clichés de bonne qualité pour pouvoir les interpréter correctement. Il s’agit là de l’organisation et de la délégation de tâches auprès des manipulateurs. Nous insistons sur l’importance de la formation des manipulateurs radios qui ont un rôle majeur à cet égard.
 
En ce qui concerne l’interprétation, compte tenu du nombre de radiographies standards, il est impossible d’envisager que tous les clichés soient interprétés en urgence quasi en temps réel par un radiologue. Là aussi il s’agit d’un problème d’organisation. Dans les cas de fracture évidente, le diagnostic est fait sans difficulté par l’urgentiste. Dans les cas difficiles, une lecture en différé des clichés par un radiologue doit être organisée.






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