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SimbiotX : des jumeaux numériques au service de la décision médicale


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Mercredi 11 Juin 2025 à 12:22 | Lu 113 fois


Basée au Centre Inria de Saclay, l’équipe projet SimbiotX développe des jumeaux numériques, véritables répliques virtuelles capables de prédire les réactions de certains organes. L’objectif ? « Guider la décision clinique et mieux maîtriser les risques interventionnels », nous explique Irène Vignon-Clémentel, co-responsable de l’équipe.



© Inria
© Inria
Pourriez-vous, pour commencer, nous présenter l’équipe projet SimbiotX ? 

Irène Vignon-Clémentel : L’équipe SimbiotX, « Simulations en médecine, biotechnologie et toxicologie de systèmes multicellulaires », a vu le jour en 2021, à l’initiative de Dirk Drasdo et moi-même. Déjà engagés dans des équipes de l’institut, nous partagions l’envie de bâtir une structure dédiée à la mise en œuvre concrète de modèles et d’outils numériques au service de la médecine. Le monde médical et ses applications cliniques m’ont toujours profondément attirée. Dès la fin de ma thèse, j’ai collaboré avec des cliniciens sur des pathologies cardiaques congénitales. Depuis, mon champ d’expertise s’est élargi, mais je suis toujours animée par cette même volonté, développer des outils numériques qui répondent à des besoins cliniques réels. 

Qu’en est-il de Dirk Drasdo, votre binôme à la tête de SimbiotX ? 

Dirk Drasdo a un parcours davantage ancré dans la biologie, avec un intérêt marqué pour les phénomènes à l’échelle cellulaire et multicellulaire. De mon côté, je me concentre plutôt sur les organes et leurs interactions, et plus spécifiquement sur les dynamiques de la circulation sanguine. Nos approches sont donc complémentaires et nous travaillons ensemble à la création de jumeaux numériques : en nous appuyant sur les données propres à chaque patient, nous modélisons les zones concernées pour anticiper l’impact d’une intervention. Mieux préparée, celle-ci est généralement moins risquée. 

Peut-on véritablement parler ici de « prédiction » ? 

Oui, tout à fait. Mais cette notion soulève immédiatement une autre question, celle de la validation. Et c’est là que les choses se compliquent. Valider nos modèles nécessite des données post-opératoires précises, notamment en ce qui concerne les variations de pression et de débit sanguin. Or, ces mesures sont rarement prises après les interventions. La récupération de ces informations représente donc un enjeu bien réel pour accélérer le développement de jumeaux numériques. Pour y répondre, nous collaborons étroitement avec les équipes médicales, et intégrons aussi des profils issus du milieu médical au sein de notre équipe. 

Pourriez-vous nous donner un exemple concret de projet que vous avez mené ? 

Depuis 2012, nous travaillons avec les équipes du Pr Éric Vibert, chirurgien spécialisé dans les transplantations hépatiques à l’hôpital Paul Brousse de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), pour anticiper les réactions liées aux hépatectomies partielles. Grâce à la simulation numérique, nous analysons les liens entre le volume de foie restant après l’intervention et les modifications hémodynamiques qui en découlent. Après une phase de recherche sur modèle porcin, nous avons commencé, en 2018, à créer des jumeaux numériques pour des patients. Notre but était alors de mieux évaluer les risques, notamment en cas d’hypertension portale – une pression trop élevée à l’entrée « veineuse » du foie, qui peut compliquer la réalisation d’une hépatectomie partielle et les suites opératoires. Nous cherchions donc à fournir aux équipes médicales un nouvel outil d’aide à la décision, capable de mieux estimer les conséquences d’une opération sur le patient. Les résultats sont encourageants, en particulier lorsque l’on intègre les événements peropératoires : pertes sanguines, perfusions, clampages et déclampages successifs… Autant de facteurs qui influencent les organes, y compris ceux non directement ciblés par l’intervention. Mais ces phénomènes sont complexes et nécessitent encore des recherches approfondies. Ils font d’ailleurs actuellement l’objet d’une thèse et d’une étude clinique, afin de mieux les comprendre et in fine continuer à affiner nos modèles de jumeaux numériques. 

Outre les l’hôpital Paul Brousse, collaborez-vous avec d’autres équipes médicales ? 

Absolument. En France, nous travaillons notamment avec l’hôpital Necker - Enfants malades (AP-HP) et l’hôpital Marie Lannelongue. Mais nous collaborons également avec des équipes médicales au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada. Nous sommes en réalité très sollicités, et devons parfois refuser des demandes car nous disposons de peu de chercheurs ou de chercheuses permanents au sein de notre équipe. 

Vous êtes également coordonnatrice scientifique du projet européen ARTEMIs. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Celui-ci réunit une douzaine de partenaires cliniques pour mieux comprendre les relations entre le foie et le cœur. Il est fréquent qu’une maladie hépatique entraîne des complications cardiaques, parfois liées aux traitements, parfois à un phénomène bien identifié : le foie devient plus résistif, le cœur doit fournir un effort supplémentaire pour assurer la circulation sanguine, ce qui peut aller jusqu’à provoquer une cardiomyopathie. À cela s’ajoutent des éléments qui restent encore mal connus, comme les effets des variations hémodynamiques sur le cœur lors de la mise en place d’un shunt portosystémique (TIPS), ou lors d’une transplantation hépatique. Dans ce contexte, nous développons des jumeaux numériques pour étudier de manière fine les interactions entre organes. Grâce à la diversité des expertises mobilisées, ce projet permet d’aborder les problématiques à plusieurs niveaux – hémodynamique, cellulaire et même moléculaires.

Peut-on imaginer qu’un jour, chaque intervention soit précédée de la création d’un jumeau numérique ?
 

Je ne pense pas que cela soit nécessaire pour toutes les opérations. Au contraire, nos jumeaux numériques sont conçus pour les situations où subsiste un doute sur la faisabilité ou la sécurité d’une intervention. Ils ont plutôt vocation à affiner l’évaluation du risque interventionnel, et parfois à rendre possibles des interventions qui, jusqu’ici, étaient écartées faute de visibilité suffisante. Il ne s’agit donc pas de systématiser leur usage, mais de cibler les cas où ils peuvent réellement faire la différence.

> Article paru dans Hospitalia #69, édition de mai 2025, à lire ici  
 

SimbiotX, acteur clé du programme Edith

Récemment achevé, le programme européen Edith (European Virtual Human Twin) avait pour ambition de rassembler l’ensemble des acteurs impliqués dans le développement de jumeaux numériques. Pendant deux ans, chercheurs, patients, régulateurs et spécialistes des questions éthiques ont collaboré pour poser les bases d’un système structuré à l’échelle européenne. L’équipe SimbiotX, a joué un rôle central dans ces travaux qui devraient aboutir, dans les mois à venir, à la création d’une plateforme européenne de simulation dédiée aux jumeaux numériques.

> Plus d’informations sur le site d’Edith : https://www.edith-csa.eu/                                                      






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