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Sûreté

Sébastien Mathieu (ACSES) : « Nos priorités actuelles, la reconnaissance et la valorisation de nos métiers »


Rédigé par Joëlle Hayek le Mardi 3 Juin 2025 à 09:30 | Lu 469 fois


Alors que les enjeux de sécurité dans les établissements de santé n’ont jamais été aussi prégnants, l’ACSES (Association des Chargés de Sécurité en Établissements de Soins) continue de se mobiliser pour structurer la profession, faire reconnaître ses métiers et répondre aux nouvelles menaces. À l’approche des 31èmes Journées d’études et de formation de l’association, Sébastien Mathieu, membre actif du bureau de l’ACSES et ingénieur responsable de la sécurité au CHU de Besançon, nous propose un tour d’horizon des grandes évolutions en cours.



Quels sont aujourd’hui les principaux chantiers de l’ACSES ?

Sébastien Mathieu : Au-delà de la préparation des prochaines Journées d’études et de formation de La Rochelle – qui ont largement mobilisé les membres du bureau ces derniers mois –, nos priorités actuelles portent principalement sur la reconnaissance et la valorisation de nos métiers. Deux axes nous occupent particulièrement. D’une part, nous travaillons à la mise en place d’une formation spécialisée pour les agents de sécurité exerçant en milieu hospitalier, en collaboration avec le réseau des GRETA, principal opérateur national de la formation continue pour adultes. D’autre part, nous développons un parcours dédié aux chargés de sécurité dans les établissements de santé, en partenariat avec l’École des hautes études en santé publique (EHESP). Ces deux projets bénéficient du soutien actif de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), ce qui nous rend raisonnablement optimistes quant à leur concrétisation. Il est important de rappeler qu’il n’existe, à ce jour, aucun parcours structuré à l’échelle nationale pour accompagner ces professionnels. C’est ce vide que nous nous efforçons de combler.

Comment expliquer ce manque ?

Historiquement, le rôle du responsable sécurité en milieu hospitalier était essentiellement centré sur la sécurité incendie. Ce champ d’intervention, encadré par une règlementation stricte, repose sur un cursus de formation bien identifié, que nous avons tous suivi. Mais avec le temps, nos missions se sont considérablement élargies : elles englobent désormais la sûreté des biens et des personnes, ainsi que la gestion des actes de malveillance. Or, dans ce domaine, il n’existe pas de parcours ou de formation de référence. Chacun d’entre nous a dû se former sur le tas, en réponse aux réalités du terrain : violences contre les soignants, vols, incivilités, agressions aux urgences… Dans ce contexte, l’ACSES soutient activement la licence professionnelle « Sécurité des biens et des personnes, Management de la sécurité et de la gestion des risques dans les établissements sanitaires, sociaux et collectivités territoriales », proposée par l’Université d’Avignon, que plusieurs de nos membres ont déjà suivie. 

Vous souhaitez désormais aller plus loin…

Oui, nous souhaitons franchir une nouvelle étape en instaurant un parcours de formation unique et reconnu. L’objectif est double : harmoniser les compétences au sein de la profession, et obtenir une reconnaissance statutaire claire au sein de la Fonction publique hospitalière. Aujourd’hui, les responsables Sécurité sont souvent issus de formations techniques ou d’écoles d’ingénieurs, mais aucun cadre de référence ne s’applique aux agents et chefs d’équipes. Leurs statuts varient fortement selon les établissements. Une fois la question de la formation réglée, nous pourrons ouvrir un chantier sur l’évolution des grilles de métiers, afin d’aligner nos fonctions avec la réalité des missions exercées. D’autant que le secteur hospitalier reste attractif pour les agents de sécurité incendie. 

Qu’entendez-vous par là ?

Au CHU de Besançon, par exemple, nous enregistrons très peu de départs et un faible taux d’absentéisme dans le service de sécurité incendie. Il faut dire que nous avons mis en place une organisation permettant de concilier vie professionnelle et vie privée, tout en valorisant les évolutions internes. Cela est d’ailleurs une constante dans nos métiers : il n’est pas rare que des agents déjà en poste soient promus, car ils connaissent l’établissement, ses spécificités et ses enjeux. J’en suis moi-même un bon exemple : j’ai commencé tout en bas de l’échelle.

Comment relevez-vous aujourd’hui les défis liés à la sécurité des biens et des personnes sur le terrain ?

La sécurisation des établissements de santé repose sur une approche globale, construite autour de plans d’action pluriannuels fondés sur une analyse fine des menaces, une hiérarchisation des vulnérabilités propres à chaque structure, et la combinaison de mesures de prévention, de dispositifs de protection et de protocoles d’intervention. Concrètement, la quasi-totalité des établissements est désormais dotée de systèmes de vidéoprotection et de contrôle d’accès, indispensables pour notamment sécuriser les zones sensibles comme les réserves de médicaments stupéfiants ou onéreux. Mais la technologie ne suffit pas : la dimension humaine est cruciale. Nous formons les équipes à la gestion des situations de tension et d’agressivité, même si chaque établissement adapte sa méthode à son contexte, son environnement. 

Quelle a été l’approche retenue à Besançon ? 

Nous avons développé des modules de formation spécifiques, par exemple autour de la prévention des vols ou des procédures de mise en confinement en cas d’alerte attentat lors de nos formations incendie. En parallèle, nous avons intégré à nos dispositifs de sécurité les risques NRBC (nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques), avec des protocoles opérationnels définis. Et bien entendu, la gestion de crise s’inscrit dans le cadre règlementaire des Plans Blancs, qui définissent les réponses à activer en situation exceptionnelle. L’expérience a montré qu’une préparation rigoureuse et des exercices réguliers font toute la différence.

Vous évoquiez les violences à l’encontre des soignants. Avez-vous observé des évolutions particulières ces dernières années ?

Malheureusement, oui. Les agressions envers les soignants sont devenues un phénomène récurrent. Un hôpital, et plus encore un CHU, fonctionne comme une ville dans la ville. On y retrouve les mêmes tensions, les mêmes problématiques que dans l’espace public, avec une intensité qui reflète les évolutions de la société dans son ensemble. Les violences à l’encontre des soignants se sont banalisées, et il n’est plus rare aujourd’hui de voir nos équipes confrontées à des comportements agressifs, voire à des situations de grande détresse sociale, comme la mendicité directement dans l’enceinte hospitalière – un phénomène qui restait marginal il y a encore un ou deux ans. Ces évolutions nécessitent des réponses adaptées, tant sur le plan sécuritaire qu’humain.

Comment faites-vous face à ces situations ?

Nos agents sont formés à la gestion des conflits et aux techniques de désescalade. Ils peuvent également intervenir en appui, sous supervision médicale, lors de situations délicates nécessitant une contention. La signature des conventions Hôpital-Police-Justice a aussi été un levier important. Elle nous a permis d’instaurer une coopération plus étroite avec les forces de l’ordre, en fluidifiant les échanges et les interventions en complément du Plan de sécurisation des établissements de santé (PSE). Nous cherchons aujourd’hui à élargir cette dynamique partenariale avec les sapeurs-pompiers. Au CHU de Besançon, par exemple, nous organisons des manœuvres conjointes chaque mois. Cela nous permet d’améliorer notre réactivité et de renforcer la reconnaissance mutuelle de nos expertises. Cette coopération contribue aussi à faire évoluer l’image des services SSIAP, désormais perçus comme de véritables partenaires opérationnels.

Justement, qu’en est-il de la sécurité incendie ?

Sur ce point, les établissements de type U, comme les hôpitaux, sont bien encadrés. Ils doivent être dotés de systèmes de détection incendie et d’un SSI de catégorie A fonctionnant 24h/24 et 7j/7. Cela ne nous met pas à l’abri de tout, mais les risques sont globalement maîtrisés. Une réflexion est aussi en cours, à l’échelle nationale, sur la généralisation des systèmes d’extinction automatique – un progrès certain, mais qui posera des questions budgétaires. En revanche, les EHPAD, qui ne sont pas tous classés en type U, échappent à certaines obligations règlementaires. C’est un véritable sujet de préoccupation.

Venons-en aux prochaines journées d’études et de formation de l’ACSES. Quels seront les temps forts de cette édition 2025 ?

Cette 31ème édition mettra l’accent sur des thématiques émergentes, notamment les installations photovoltaïques et les batteries lithium, du point de vue des risques incendie. Le photovoltaïque est une technologie récente à l’hôpital dont les modalités d’extinction, notamment, sont encore mal maîtrisées, tandis que les batteries lithium combinent plusieurs points de vigilance : surchauffe, défauts de fabrication, matériaux non conformes… Nous sensibilisons d’ailleurs régulièrement les professionnels de santé sur les comportements à risque, et c’est un travail de longue haleine. Par exemple, il reste fréquent que certains professionnels entreposent leur trottinette électrique dans leur bureau, sans se rendre compte du danger potentiel en cas de choc sur la batterie. D’autres dimensions de la sécurité incendie seront également évoquées au cours des Journées 2025. Ainsi, une séquence sera aussi dédiée aux matériaux résistants au feu et aux dispositifs actionnés de sécurité (DAS), en particulier sur les portes coupe-feu. Le lendemain, nous proposerons un retour aux fondamentaux dans les établissements de type J et U, avec un focus particulier sur les EHPAD.

Vous aborderez aussi les effets du changement climatique sur les établissements de santé…

Oui, car le dérèglement climatique entraîne des situations sanitaires nouvelles. Il nous faut apprendre à gérer les pénuries d’eau, sans interrompre l’activité hospitalière – y compris en ce qui concerne les systèmes de sécurité incendie ou les dialyses. Nous aurons aussi un retour d’expérience du CH de Vendôme, évacué lors de la tempête Kirk. Cette session, dispensée sous forme d’une table ronde réunissant plusieurs experts, sera également l’occasion de faire le point sur le référentiel CNPP 5011, qui propose une méthodologie d’analyse des vulnérabilités climatiques. Nous parlerons également de gestion de ces aléas par les SDIS et de leur impact sur l’assurabilité des établissements de santé. Autres temps forts de cette 31ème édition, la présentation de nos travaux autour des nouveaux parcours de formation en sécurité hospitalière, ainsi que l’élection d’un nouveau président – ou d’une nouvelle présidente – de l’ACSES. 

Le mot de la fin ?

L’ACSES a vu le jour en 1994 avec une trentaine de membres. Aujourd’hui, notre réseau en compte près de 500, preuve de la vitalité et de la légitimité croissante de notre action. Cette association-loi 1901 est devenue un véritable carrefour d’échanges, de savoir-faire et d’expériences partagées. Avec les nouveaux parcours de formation, les partenariats renforcés avec les institutions et la reconnaissance progressive de notre rôle, nous franchirons un nouveau cap. Mais il reste encore beaucoup à faire pour que la sécurité en milieu hospitalier soit pleinement intégrée comme un pilier stratégique du service public de santé. 

> En 2026, la 32ème édition des Journées d’études et de formation de l’ACSES se déroulera à Besançon (25).
Plus d'informations sur https://www.acses-asso.com/

> Article paru dans le Hors-Série n°7 - Journées de l'ACSES 2025,
 à lire ici






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