Connectez-vous S'inscrire
MENU
Actu

Le CH de Troyes mise sur l’agilité et la participation pour bâtir l’avenir


Rédigé par Joëlle Hayek le Mardi 25 Novembre 2025 à 13:45 | Lu 56 fois


Le CH de Troyes a choisi d’inventer son avenir d’une manière inédite : plutôt que de reproduire les schémas classiques de planification hospitalière, l’établissement a misé sur une méthode agile et participative, traduisant une volonté claire d’inscrire l’hôpital dans une dynamique durable de transformation. Pour Hospitalia, son directeur Damien Patriat détaille les innovations managériales mises en place et les premiers résultats concrets, notamment aux urgences avec le projet « SAU-tons le pas ! ».



Inauguration de la refondation des urgences du CH de Troyes, le 29 août 2025. De gauche à droite : Pascal Courtade, préfet de l’Aube, Catherine Vautrin, alors ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, François Baroin, Président du conseil de surveillance du CH de Troyes, et Damien Patriat, Directeur du CH de Troyes, Directeur général des Hôpitaux Champagne Sud. @CH de Troyes
Inauguration de la refondation des urgences du CH de Troyes, le 29 août 2025. De gauche à droite : Pascal Courtade, préfet de l’Aube, Catherine Vautrin, alors ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, François Baroin, Président du conseil de surveillance du CH de Troyes, et Damien Patriat, Directeur du CH de Troyes, Directeur général des Hôpitaux Champagne Sud. @CH de Troyes
Le CH de Troyes a engagé une transformation d’envergure, formalisée à travers le projet d’établissement 2025-2030. Pourriez-vous nous en parler ? 

Damien Patriat : Après la crise Covid, nous avons relancé la réflexion stratégique dès mon arrivée à la direction, il y a plus de deux ans. Dès le départ, nous avons choisi d’innover méthodologiquement en rompant avec le schéma classique par pôle au profit d’une logique centrée sur les services, qui constituent le véritable point de repère des médecins et des soignants. Pour éviter une addition de projets dispersés, nous avons structuré le tout autour de quatre axes transversaux à décliner collectivement : ouverture sur la ville, renforcer son attractivité, dynamisme, efficience et accompagnement des évolutions du système de santé. Chaque initiative devait s’inscrire dans au moins l’un de ces axes, ce qui nous a permis de conjuguer cohérence et innovation.

Concrètement, comment avez-vous fait évoluer vos méthodes de travail ?

Nous avons créé des leviers rapides, capables de générer un impact visible et d’installer une dynamique de transformation : création d’un salon de sortie pour fluidifier les parcours, réorganisation des transports sanitaires, adaptation du schéma directeur des systèmes d’information.... Surtout, nous avons innové sur le plan managérial : nous avons organisé un séminaire des managers accueillant des professionnels venus d’autres établissements, afin de favoriser le décloisonnement et le partage d’expériences. Cet apport extérieur a enclenché un véritable effet d’entraînement. Dans la foulée, nous avons mis en place un comité de pilotage ouvert, qui a attiré de nombreux volontaires et s’est rapidement imposé comme un incubateur interne d’idées nouvelles et de porteurs de projets.

Des groupes de travail se sont également constitués. Quelle était leur originalité ? 

Nous avons opté pour un format court et ciblé, afin de maintenir une dynamique collective. Ainsi, en deux ans, le groupe « Attractivité » a rouvert des lits d’aval, refondu la stratégie de recrutement et la formation des managers, et relancé le mentorat interne. Sur la même période, le groupe « Médecine ambulatoire » a identifié une solution rapidement rentable et transversale, progressivement déployée dans toutes les disciplines. Une fois leurs objectifs atteints, ces groupes ont été dissous pour libérer leurs membres. Cela dit, cette méthodologie par cycles courts n’est pas applicable partout. Certains chantiers exigent un travail de fond sur le long terme, comme le volet « Ville-Hôpital » pour nouer des alliances territoriales.

Vos choix méthodologiques ne sont d’ailleurs eux-mêmes pas figés…

Pour un projet d’une telle envergure, il est essentiel de réinventer régulièrement nos modes de fonctionnement afin d’éviter tout essoufflement. C’est dans cet esprit que, depuis début 2025, nous avons resserré le comité de pilotage en y intégrant en priorité de jeunes médecins, car ce sont eux qui porteront l’avenir de l’hôpital. En parallèle, nous avons lancé une campagne de communication auprès de la communauté médicale et instauré des temps d’échanges informels dans les services, pour recueillir les idées en prise directe avec le terrain. La communication interne a également été revue : les messages sont désormais adaptés au rythme et à l’avancée des chantiers, afin de donner de la visibilité et faciliter la projection des équipes. Cette exigence de renouvellement constant peut sembler contraignante. Mais c’est justement la contrainte – inhérente au fonctionnement hospitalier –, qui stimule l’innovation collective.

Comment les transformations en cours matérialisent-elles votre vision de l’hôpital ? 

Un hôpital efficient, attractif et ouvert, doit d’abord s’appuyer sur des bases solides. C’est pourquoi nous avons concentré nos efforts de transformation sur la sécurisation et la consolidation des activités et organisations. Un service fiable et bien structuré devient naturellement attractif et plus apte à coopérer avec l’extérieur. Mais cette ouverture doit être accompagnée : il faut dégager du temps médical pour que les responsables puissent s’impliquer dans les instances externes, mais aussi donner les outils pour apprendre à dialoguer avec des interlocuteurs variés, et porter collectivement la voix de l’hôpital.

Cette consolidation de vos activités s’est déjà traduite de manière concrète. Pourriez-vous nous donner des exemples ?

La radiothérapie illustre bien notre démarche. Faute de moyens pour investir dans les équipements de pointe nécessaires à cette spécialité, nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt débouchant sur un partenariat avec un prestataire privé, dans le cadre d’un groupement de coopération sanitaire respectant les règles du service public. Le partenaire assume les coûts d’investissement et de fonctionnement, mais l’activité reste implantée dans nos locaux et portée par nos équipes – qui bénéficient d’un dispositif d’intéressement – avec des infrastructures hébergées localement. Cette approche a totalement changé la donne : en un an, la file active de patients a déjà doublé. Ce mécanisme novateur ne peut pas toutefois s’appliquer partout. Pour l’imagerie par exemple, nous travaillons plutôt à la constitution d’un plateau d’imagerie médicale mutualisé (PIMM), un modèle mieux adapté aux enjeux propres à cette discipline.

Identité graphique du projet « SAU-tons le pas », nommé et illustré collectivement par les membres des groupes de travail ayant participé au projet de refondation. @CH de Troyes
Identité graphique du projet « SAU-tons le pas », nommé et illustré collectivement par les membres des groupes de travail ayant participé au projet de refondation. @CH de Troyes
Évoquons à présent « SAU-tons le pas ! », le projet de refondation des urgences. Que pourriez-vous nous en dire ?

Ce projet est né dans un contexte particulièrement tendu. Fin 2022, le pôle urgences traversait une crise d’ampleur, menant la direction précédente à confier un audit à un urgentiste de l’hôpital Bichat (AP-HP). C’est à ce moment que j’ai pris mes fonctions au CH de Troyes. La première étape a été une restitution sans fard des conclusions de cet audit, qui ont permis de poser un diagnostic partagé. Nous avons ensuite enclenché une démarche de refondation architecturale et organisationnelle avec l’appui d’un coach externe. Les groupes de travail thématiques ont été ouverts à l’ensemble des professionnels des urgences mais volontairement fermés aux cadres et managers, pour garantir la liberté de parole. Ils étaient en outre animés par des soignants non-urgentistes en provenance d’autres établissements des Hôpitaux Champagne Sud, afin de favoriser un regard impartial. En parallèle, nous avons agi sur les irritants du quotidien, pour des améliorations immédiatement visibles qui ont envoyé un signal clair aux équipes sur notre volonté de changer concrètement les choses. 

Quelles ont été, plus concrètement, les actions menées dans le cadre de cette refondation ?

Dès septembre 2024, une nouvelle salle d’accueil et d’orientation et des circuits ambulatoires et pédiatriques restructurés ont vu le jour. En avril 2025, nous avons ouvert une nouvelle salle d’accueil des urgences vitales (SAUV), désormais positionnée au cœur du circuit principal. Auparavant, son éloignement géographique générait du stress et compliquait la prise en charge. Le circuit principal a lui aussi été repensé avec, notamment, 16 salles de soins, dont deux spécialisées. Il bénéficie désormais d’une connexion directe au post-soin, également modernisé, et s’appuie sur une équipe de gestion territoriale des lits, afin de recentrer les urgentistes et les cadres sur leur cœur de métier. Enfin, en septembre 2025, nous avons inauguré l’unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD), un espace composé de 12 chambres individuelles et entièrement modulable pour répondre à l’évolution des besoins. Cette refonte complète du SAU s’est accompagnée de la climatisation intégrale des locaux. L’investissement était conséquent – près de 40 % du budget final – mais nous l’avons jugé indispensable pour améliorer durablement les conditions de travail et d’accueil. 

Pour ce projet aussi, vous avez adopté une méthodologie audacieuse. Pourriez-vous nous en dire plus ?

D’abord, toutes les idées ont été accueillies sans filtre et sans considération immédiate de leur faisabilité économique. Ce n’est que dans un second temps que nous les avons confrontées aux contraintes budgétaires, pour prioriser les actions et conserver une approche pragmatique. Ensuite, aucun porteur de projet n’a au départ été désigné, afin qu’un leadership puisse naturellement émerger des échanges et débats d’idées. Et d’ailleurs, le Dr Nicolas Perolat, médecin urgentiste, s’est imposé comme le leader naturel pour porter la mission de refondation des urgences. Cette dynamique a entraîné d’autres médecins dans des responsabilités nouvelles. Ainsi, les Drs Louise Richard (SMUR) et Alexandre Horiot (SAMU) ont pris leurs fonctions sur cette même période. Le chef de service de pneumologie, le Dr Salah Kraoua, a également fait l’intérim de la chefferie de service du SAU, en attendant la prise de poste du Dr Marine Valla, qui arrive du CH de Melun, avec qui nous avons coopéré dans le cadre de ce projet.

Vous comptez maintenant dupliquer cette approche en psychiatrie…

En effet, nous avons choisi de capitaliser sur le succès du projet « SAU-tons le pas ! » pour engager une refondation architecturale et organisationnelle de la psychiatrie adulte troyenne. Ce nouveau chantier est co-piloté par le Dr Dana Chaalan, cheffe de service de l’unité de soins psychiatriques aigus, et la direction des projets et de la transformation. Forts de l’expérience des urgences, nous abordons cette étape avec confiance : d’ici l’été 2026, nous aurons identifié les actions souhaitables, évalué la faisabilité des différentes hypothèses et arrêté les décisions structurantes. Là encore, nous assumerons une méthode volontairement disruptive, qui a déjà fait ses preuves : le projet SAU a été mené en 18 mois seulement, en site occupé, et pour un coût moitié moindre qu’une rénovation classique.

Le mot de la fin ? 

Nous voulons faire du projet « SAU-tons le pas ! » une vitrine capable d’inspirer d’autres services d’urgences en difficulté, tout en positionnant notre propre service comme une référence régionale. En parallèle, nous poursuivrons la transformation globale du CH de Troyes, avec un fil conducteur : répondre aux attentes des équipes, anticiper les besoins de la population, et agir toujours dans l’intérêt général et au service du public.

> Article paru dans Hospitalia #70, édition de septembre 2025, à lire ici 
 






Nouveau commentaire :
Facebook Twitter








CONTACT

HOSPITALIA

Immeuble Newquay B / B35
13 rue Ampère
35800 Dinard 
Tél : 02 99 16 04 79
Email : contact@hospitalia.fr

Abonnement :
abonnement@hospitalia.fr