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La révision de la loi de bioéthique


Rédigé par Admin le Mardi 29 Janvier 2019 à 15:44 | Lu 634 fois


Par Me Ghislaine ISSENHUTH, Avocat au Barreau de Paris, et Me Olivier SAMYN, Associé, Lmt Avocats



L’AVIS DU CONSEIL CONSULTATIF NATIONAL D’ÉTHIQUE

Le Conseil Consultatif National d’Éthique (CCNE) a publié en septembre 2018 l’Avis 129 intitulé « Contribution du Comité Consultatif National d’Éthique à la révision de la loi de bioéthique ». Cet avis fait suite à une réflexion éthique engagée par le CCNE depuis sa création en 1983 et ayant abouti en 1994 à l’adoption de lois de bioéthique qui, par un mécanisme original, doivent être révisées à échéances régulières. Ainsi les lois de bioéthique ont été révisées en 2004 et 2011. En outre, la loi du 6 août 2013 a partiellement modifié la loi de 2011 afin d’autoriser la recherche sur les embryons. La loi de bioéthique de 2011 ayant prévu que sa révision devait intervenir dans un délai de sept ans, des États généraux de la bioéthique ont été organisés début 2018 afin de permettre aux citoyens de débattre des enjeux bioéthiques.
 


Me Ghislaine ISSENHUTH
Me Ghislaine ISSENHUTH

LES ÉTATS GÉNÉRAUX DE BIOETHIQUE

L’organisation des États généraux de bioéthique répond à l’exigence posée par l’article 28 de la Convention d’Oviedo aux termes duquel « Les Parties à la présente Convention veillent à ce que les questions fondamentales posées par les développements de la biologie et de la médecine fassent l'objet d'un débat public approprié à la lumière, en particulier, des implications médicales, sociales, économiques, éthiques et juridiques pertinentes, et que leurs possibles applications fassent l'objet de consultations appropriées ». Ainsi, l’organisation des États généraux a été rendue obligatoire en France par l’introduction de l’article L. 1412-1-1 dans le Code de la santé publique qui dispose : « Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d'un débat public sous forme d'états généraux. […] »
 


Me Olivier SAMYN
Me Olivier SAMYN

LA CONSULTATION DES INSTANCES PUBLIQUES

Cette procédure de consultation publique a été suivie de contributions des différentes instances publiques telles que l’Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques (OPESCT), l’Agence de la Biomédecine (ABM) et le Conseil d’État qui a rendu son rapport en juillet 2018. Contrairement à son précédent rapport, le Conseil d’État a, à l’occasion de cette saisine, fait preuve d’une plus grande liberté dans les propositions émises, signe de l’évolution sociétale dans l’approche des problématiques bioéthiques. Ce rapport a également été l’occasion pour le Conseil d’État de réaffirmer son attachement à la clause de révision régulière des lois de bioéthique critiquée pour exacerber les passions et cristalliser les positions mais vue par le Conseil d’État comme un « processus d’appropriation par nos concitoyens de ces sujets essentiels ». Cette position est, du reste, partagée par le CCNE qui voit dans l’organisation des États généraux un exemple de « démocratie sanitaire »
 


UNE PROJET DE LOI EN GESTATION

L’ensemble des débats publiques et des travaux des institutions ont fait l’objet d’un travail de synthèse et d’analyse par le CCNE en charge d’émettre un avis afin de permettre au Gouvernement de présenter un projet de loi. L’Assemblée nationale a entamé cette mission délicate. Ainsi, la mission d’information sur la loi relative à la bioéthique a, dès juillet 2018, procédé à l’audition des parties prenantes dont la liste est longue puisque le 7 novembre dernier s’est tenue la soixantième audition. L’extrême sensibilité des révisions envisagées semble bousculer le calendrier législatif, le projet de loi annoncé pour novembre 2018 devant a priori être publié en janvier 2019. La révision des lois de bioéthique a, en effet, la mission délicate de « concilier rapidité d’évolution scientifique, évolution du débat sociétal, maintien des principes éthiques fondamentaux et encadrement législatif adapté ».
 


DES QUESTIONS DE SOCIETE

La question de l’accès à l’assistance médicale à la procréation est à cet égard une parfaite illustration de la difficulté à faire évoluer la législation. Le CCNE s’est montré favorable à l’ouverture de l’insémination artificielle à toutes les femmes sur la base d’une prise de position plus neutre du Conseil d’État estimant que « le droit ne commande ni le statu quo ni l’évolution » tout en invitant à créer un mode d’établissement de la filiation ad hoc réservé aux couples de femmes bénéficiant d’une assistance médicale à la procréation avec donneur. La question du lien de filiation est particulièrement d’actualité concernant la gestation pour autrui. En effet, le 5 octobre 2018, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) afin qu’elle rende un avis sur la position de la France, qui refuse de transcrire la mère d’intention sur les registres de l'état civil l'acte de naissance d'un enfant né à l'étranger à l'issue d'une gestation pour autrui, cette dernière n'étant pas la femme qui accouche. (Ass. Plén., 5 octobre 2018, n°10-19053). 
 

En conclusion, la procréation fait partie d’un des nombreux axes de la révision de la loi de bioéthique que sont la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires, la fin de vie, les examens génétiques et la médecine génomique, la santé et le numérique, les neurosciences et les dons et transplantations d’organes. L’appréhension de ces questionnements complexes par le législateur devra donc être suivie avec attention. 

 







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