Les PUI sur tous les fronts
Rédaction
Modification des circuits de rétrocession, fabrication de solutions hydro-alcooliques, gestion des pénuries, nationalisation des achats de médicaments, lancement rapide d’essais cliniques… Les pharmaciens hospitaliers ont fait face à plusieurs crises en quelques semaines. Si la plupart sont aujourd’hui terminées, l’une a plus particulièrement marqué les esprits : les pénuries de médicaments, qui ont braqué les projecteurs sur les problèmes récurrents d’approvisionnement.
Bien que toutes les régions n’aient pas été logées à la même enseigne, l’épidémie due au SARS-CoV-2 a eu un impact majeur sur l’ensemble des établissements, services, et métiers de santé français. Les pharmaciens hospitaliers ne sont pas en reste, eux qui ont notamment dû pallier plusieurs manques et en premier lieu la pénurie de solutions hydro-alcooliques. En produisant leurs propres solutions, les responsables des services se sont rapidement organisés pour répondre à la demande. Au CHU de Clermont-Ferrand, par exemple, les étudiants en pharmacie mobilisés lors de la crise ont aidé les équipes à faire face à cette surcharge de travail. « Ils ont aussi participé à la réorganisation des rétrocessions, explique le Docteur Mireille Jouannet-Romaszko, présidente du Syndicat National des Pharmaciens des Établissements Publics de Santé (SYNPREFH) et praticien hospitalier au sein de la Pharmacie à Usage Interne (PUI) du CHU clermontois. Afin que les patients qui bénéficient de ces rétrocessions n’aient pas à venir à l’hôpital, nous nous sommes organisés avec les répartiteurs et les officines pour qu’ils puissent venir chercher leur traitement au plus proche de chez eux. Nous avons fait au cas par cas, suivant la demande des patients. Lorsque cela n’était pas possible, ils pouvaient également venir à l’hôpital sur rendez-vous ». Ces dispositions, qui permettent de limiter l’afflux de patients à une époque marquée par le concept de distanciation physique, ont été prises dans la plupart des hôpitaux français.
Cinq médicaments en tension
La modification des circuits de rétrocession est l’un des nombreux exemples des modifications d’organisations engendrées par la crisequi, comme le rappelle le Professeur Pascal Le Corre, président du Syndicat National des Pharmaciens Praticiens Hospitaliers et Praticiens Hospitaliers Universitaires (SNPHPU), « a mis en lumière les différentes facettes de notre métier, que ce soit la fabrication, la pharmacie clinique ou encore la gestion des stocks et l’approvisionnement ».Sur ce dernier point, et pour faire face aux risques réels de ruptures dus à l’internationalisation de la demande, l’État s’est porté acheteur sur cinq produits en tension : trois curares (atracurium, cisatracurium et rocuronium) et deux hypnotiques (midazolam et propofol), utilisés pour la sédation des patients ventilés en réanimation. Un nouveau circuit a ainsi été créé via la plateforme « mapui.fr », qui permet aux établissements de déclarer leurs stocks.
Mais « cette organisation de crise a été mise en place sans consulter la profession », regrette Pascal Le Corre, qui exerce par ailleurs au CHU de Rennes. « Nous n’avions pas la main sur nos livraisons, abonde Mireille Jouannet-Romaszko. Lors d’une même livraison, il arrivait que les médicaments aient des origines différentes avec des concentrations auxquelles nous ne sommes habitués. Il nous fallait être particulièrement vigilants ». Autre problématique relevée par la profession : la non-transparence de certaines Agences Régionales de Santé (ARS) quant aux volumes livrés à chaque établissement. « Nous demandons l'accès des gérants de PUI aux allocations régionales, la mise en place dans chaque établissement de santé d'une cellule de pilotage incluant le pharmacien gérant, ainsi que la prise en compte des activités liées au Covid-19 et au redémarrage des autres missions dans les futures allocations », souligne Pascal Le Corre, mettant en lumière le consensus qui semble se dégager suite à cette pénurie.
Mais « cette organisation de crise a été mise en place sans consulter la profession », regrette Pascal Le Corre, qui exerce par ailleurs au CHU de Rennes. « Nous n’avions pas la main sur nos livraisons, abonde Mireille Jouannet-Romaszko. Lors d’une même livraison, il arrivait que les médicaments aient des origines différentes avec des concentrations auxquelles nous ne sommes habitués. Il nous fallait être particulièrement vigilants ». Autre problématique relevée par la profession : la non-transparence de certaines Agences Régionales de Santé (ARS) quant aux volumes livrés à chaque établissement. « Nous demandons l'accès des gérants de PUI aux allocations régionales, la mise en place dans chaque établissement de santé d'une cellule de pilotage incluant le pharmacien gérant, ainsi que la prise en compte des activités liées au Covid-19 et au redémarrage des autres missions dans les futures allocations », souligne Pascal Le Corre, mettant en lumière le consensus qui semble se dégager suite à cette pénurie.
Quelles leçons en tirer ?

Pascal Le Corre, président du SNPHPU. ©DR
« Nous sommes habitués aux ruptures de stocks, certes habituellement moins aigues mais qui n’en sont pas moins récurrentes,souligne Pascal Le Corre. L’organisation actuelle du marché national a depuis longtemps montré ses failles.Elles ont été exacerbées par la crise puisque l’État est rapidement passé outre pour se substituer aux acheteurs. À l’avenir, seule une concertation en proximité avec les acteurs de terrain nous permettra de gérer au mieux une crise d’envergure et les problématiques locales qu’elle ne manquera pas de soulever. La mise en place de conférences territoriales de spécialité associant pharmaciens hospitaliers d’établissements publics et privés pourrait constituer un outil intéressant en cas de crise, mais également en dehors pour d’autres problématiques concernant la mise à disposition des produits de santé ». Autre enseignement majeur qui pourrait nourrir la réflexion pour repenser les organisations sanitaires : dans les PUI comme dans tous les services hospitaliers, la crise sanitaire a limité pendant un temps les freins administratifs. Une bonne chose pour Pascal Le Corre, qui plaide pour une plus grande subsidiarité. « Alléger le poids administratif permettra de retrouver une certaine dynamique et surtout de l’autonomie, confie-t-il. Cette crise nous a montré que nous pouvions faire plus simplement, c’est une grande leçon pour l’hôpital de demain. J’espère qu’elle sera présente dans la réforme hospitalière qui s’annonce ».
Article publié sur le numéro de juin d'Hospitalia à consulter ici : https://www.hospitalia.fr/Hospitalia-49-Special-Covid-19-MERCI-_a2230.html