HOSPITALIA

Le monde de la restauration hospitalière poursuit son évolution

Aurélie Pasquelin

Ces quinze dernières années, les équipes de restauration hospitalière ont adopté de nouveaux process pour faire face à l’évolution des modes d’hospitalisation et d’alimentation. Développant de nouveaux liens avec les équipes de soins, elles ont également renforcé leurs actions de communication pour mieux mettre en lumière leurs actions et savoir-faire. Un phénomène grandissant qui s’oriente désormais aussi « vers les patients », comme nous l’explique Christophe Reynes, responsable de la restauration du CHU de Toulouse.

Vous êtes en poste depuis plus de vingt ans au sein du CHU de Toulouse. Quels changements avez-vous pu observer en matière de restauration hospitalière ?
Christophe Reynes : Concernant la restauration à destination du patient, nous avons assisté, au cours de ces 15 dernières années, à une forte diminution de la durée moyenne de séjour, notamment due à l’augmentation des séjours en ambulatoire. Ce changement majeur a eu une incidence forte sur notre organisation ; nous avons notamment réduit nos cycles de menus. Autrefois compris entre huit et douze semaines, ils oscillent désormais entre trois et quatre semaines. En parallèle, l’évolution des régimes et alimentations a elle aussi eu un impact important sur notre activité. Plutôt que de proposer une multitude de plats, comme cela se faisait auparavant, nous essayons aujourd’hui de mettre au point des recettes qui correspondent à plusieurs modes d’alimentation. Ce procédé nous a permis de réduire le nombre de recettes et d’offrir davantage de choix aux patients qui peuvent, lors de leur séjour, indiquer les plats qu’ils préfèrent recevoir.

Qu’en est-il de l’offre alimentaire destinée au personnel ?
Les habitudes alimentaires ont là aussi grandement évolué, nous poussant à réviser notre offre pour par exemple déployer des repas à emporter. Le traditionnel self-service, qui oblige notamment les agents à se changer avant d’y accéder, ne répond plus aux attentes ni à la contrainte de temps que connaissent actuellement les soignants. Avant la crise sanitaire, une étude interne avait montré que seulement 3 % du personnel soignant venait manger au self. Les autres apportaient leur propre repas ou achetaient des sandwichs à la cafétéria. En 2020, nous avons donc développé une offre de repas à emporter. Composée de salades, pâtes et sandwichs, chauds ou froids, elle remporte un vif succès. Nous avons réussi à attirer une nouvelle part du personnel hospitalier, qui est d’ailleurs en demande de telles initiatives. À l’avenir, nul doute que cette tendance se poursuivra. Nous nous dirigeons vers la production, pour le personnel, de repas déstructurés, commandés et livrés directement dans le service.

Ces derniers mois, la loi Egalim a insufflé plusieurs changements. En avez-vous ressenti les effets ?
Egalim nous impose, entre autres, que 30 % de nos achats soient labélisés par un signe de qualité et 20 % en agriculture biologique (AB). Ces objectifs difficiles à atteindre ont imposé un réel changement de stratégie dans nos appels d’offres, qui doivent intégrer un maximum de produits vertueux à budget constant. Les volumes conséquents commandés par le CHU pénalisent aussi nos achats en matière de produits AB français. Mais nous travaillons étroitement avec nos fournisseurs pour augmenter progressivement le taux de produits labélisés intégrés à nos recettes.
 

 Christophe Reynes, responsable de la restauration du CHU de Toulouse. ©DR
Christophe Reynes, responsable de la restauration du CHU de Toulouse. ©DR
En 15 ans, avez-vous remarqué des changements dans l’organisation du pôle restauration ?
Ces dernières années, l’industrie agroalimentaire s’est largement développée dans le secteur hospitalier. Nous avons pour notre part pris ce virage en 2010. Nous participons ainsi au processus de recherche et développement, avec l’industrie agroalimentaire, pour la création de plats populaires et adaptés. Cette démarche simplifie nos process et est d’ailleurs même source de valeur ajoutée : les agents hospitaliers ont davantage de temps pour travailler sur les hors-d’œuvre et les desserts maison, par exemple. Parallèlement, nous avons opté en 2010 pour le dressage individuel de plateaux. Il fallait auparavant sept personnes pour dresser les plateaux, quel que soit le volume produit. Aujourd’hui, un poste unique prépare 150 plateaux à l’heure en moyenne. Cette méthode de travail est non seulement beaucoup plus flexible, elle est aussi socialement plus juste car elle tient mieux compte de la réduction des effectifs durant les week-ends et l’été. 

Quelles autres évolutions organisationnelles avez-vous constatées ?
Nous assistons depuis plusieurs années à une massification des productions. Alors que les grosses agglomérations accueillaient autrefois plusieurs sites de production, ceux-ci ont aujourd’hui été regroupés. Cette même tendance se retrouve dans le monde hospitalier, favorisée par la création des GHT. Les groupements hospitaliers de territoire ont également permis la mutualisation des achats, particulièrement importante pour les petits établissements qui peuvent ainsi bénéficier d’un nouvel effet de volume. Ce mode de fonctionnement pourrait s’étendre à l’avenir, par exemple pour déployer des logiciels de caisse uniformisés ou d’autres outils numériques participant à la dématérialisation de la fonction restauration – un mouvement déjà engagé. À titre d’exemple, dans le cadre des choix alimentaires effectués par les patients, la liste papier a progressivement été remplacée par un outil de sélection disponible sur la télévision. Cette dynamique devrait se poursuivre, les logiciels métiers vont continuer d’évoluer pour apporter des outils supplémentaires et, je l’espère, complémentaires.

Comment envisagez-vous l’avenir de l’offre Restauration à destination des patients ?
Quand je repense à l’image qu’avait le pôle de restauration des hôpitaux quand je suis arrivé en 1995, je me rends bien compte du chemin parcouru et j’espère que nous poursuivrons dans cette voie. En nommant des référents hôteliers, en intervenant dans les formations des soignants, ou tout simplement en échangeant avec les autres professionnels de l’hôpital, nous avons fait évoluer notre communication et donc l’image de nos métiers. Nous devons aller encore plus loin et toucher davantage les patients eux-mêmes. À l’avenir, j’imagine donc la création d’outils spécifiques, par exemple une application pour accélérer et fluidifier le retour des patients. Intégrant des photos, des explications et des commentaires, une telle démarche serait bénéfique pour les deux parties : nous aurions accès à des retours rapides et directs, tandis que les patients seraient mieux informés sur la production de leurs repas. Au-delà des produits et ingrédients, nous pourrons aussi insister sur tout le service, que tous aient bien conscience que derrière un plateau, il y a des professionnels investis.

Article publié dans l'édition de septembre 2022 d'Hospitalia à lire ici.
 


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