Rédaction
Les applications numériques en santé sont conçues pour surveiller, traiter et accompagner les patients, mais elles ne tiennent souvent pas compte de ceux atteints de plusieurs maladies chroniques. Une étude, menée par le Pr Viet-Thi Tran (Université Paris Cité / AP-HP) et Ngan Thi Thuy Phi (Université Paris Cité), révèle qu'un patient avec cinq maladies chroniques devrait utiliser au moins 13 applications et sept outils connectés pour un suivi médical efficace, ce qui semble peu réaliste. Cette accumulation d'outils engendre d’importantes contraintes pour les patients multimorbides, notamment organisationnelles, et soulève des questions sur l'efficacité des technologies numériques en santé. Des résultats qui ouvrent de nouvelles perspectives pour transformer l'approche des soins numériques et améliorer la qualité de vie des patients.
Selon la HAS, plus de 350 000 applications numériques et objets connectés en santé étaient disponibles en 2020. Développés pour surveiller, traiter et accompagner les patients dans leur maladie, ces outils ne prennent toutefois pas en considération le fait que 50% des patients ne vivent pas avec une seule maladie chronique mais plusieurs, engendrant ainsi un risque d’accumulation de ces outils.
Afin d’évaluer l’impact de l’utilisation de ces applications et objets connectés chez les patients vivant avec plusieurs maladies chroniques, une étude a été menée dans le cadre du projet @Hôtel-Dieu plateforme, impliquant l’AP-HP, l’Université Paris Cité et cinq entreprises innovantes : Implicity, Lifen, Nabla, Nouveal, Withings. L’objectif était d’identifier les applications ou objets connectés adaptés à un patient multimorbide hypothétique atteint de cinq maladies chroniques (hypertension artérielle, diabète de type II, broncho pneumopathie chronique obstructive, ostéoporose et arthrose).
Au total, ce sont 148 applications ou objets connectés autorisés par la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis ou recommandés sur la plateforme ORCHA (Organization for the Review of Care and Health Apps) qui ont été identifiés pour ce patient. 35 % concernaient des applications seules et 65 % nécessitaient ou pouvaient se connecter à des capteurs. Parmi eux, seuls cinq ont été conçus en tenant compte de la multimorbidité du patient.
Selon un groupe de médecins experts, le patient devait utiliser au moins 13 applications et jusqu’à sept outils connectés pour assurer un suivi médical régulier et pertinent.
Des résultats qui viennent démontrer que l’approche technologique actuelle, fragmentée maladie par maladie, est peu adaptée aux patients souffrant de maladies chroniques mais également pour les professionnels de santé qui les suivent. En effet, il semble difficile d’imaginer un patient devoir utiliser autant d’applications pour suivre sa maladie et son médecin se connecter à toutes ces plateformes pour obtenir les informations de santé de son patient.
Cette étude ouvre donc de nouvelles perspectives et valide la pertinence de développer une plateforme unique sur laquelle viendraient se connecter les différentes applications du patient, créant un point d’entrée central pour le patient et ses soignants. Une telle plateforme est actuellement en cours de prototypage avec le projet @Hôtel-Dieu plateforme, soutenu par l’Etat dans le cadre de la stratégie d’accélération Santé numérique de France 2030, afin de faciliter l’interopérabilité et l’intégration de nouvelles applications en santé aux systèmes hospitaliers, d’améliorer l’accès aux données de suivi des patients pour les professionnels de santé.