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« L’approche collégiale doit s’appliquer à l’ensemble des innovations »


Rédigé par Joëlle Hayek le Mardi 16 Janvier 2024 à 15:14 | Lu 1468 fois


Quelques jours après les États Généraux de la e-santé, l’événement expert et multidisciplinaire du CATEL dont la 12ème édition s’était tenue à Paris le 16 novembre dernier, Hospitalia a rencontré Stéphan Haaz, directeur général de cet incubateur de communautés e-santé. L’occasion de faire le point sur les nouvelles dynamiques nationales, mais aussi d’évoquer les ambitions du CATEL pour accélérer l’adoption d’usages innovants.



Crédit photo : CATEL
Crédit photo : CATEL
L’année 2023 a notamment été marquée par une forte mobilisation du CATEL sur le champ de la responsabilité populationnelle. Pourriez-vous nous en parler ?

Stéphan Haaz : Il s’agit en effet d’un enjeu prometteur, qui nous mobilise de longue date. En 2019, nous avions ainsi travaillé avec la Fédération hospitalière de France (FHF) pour élaborer une feuille de route relative à la mise en œuvre d’un Système d’information et d’organisation populationnel (SIOP) permettant de s’inscrire dans une approche populationnelle. En 2022, notre voyage d’études au congrès HIMSS, aux États-Unis, avait accueilli une délégation d’acteurs du Grand Est, et notamment le Dr David Laplanche, responsable du Pôle territorial Santé publique et Performance pour les Hôpitaux Champagne Sud, ce qui avait justement permis de concrétiser le déploiement d’un tel système. Une démarche similaire a été mise en œuvre dans le cadre de HIMSS 2023, avec une délégation d’acteurs de la région PACA dont le GHT des Alpes du Sud. Dans la continuité de cette réflexion, qui aborde donc les enjeux de la responsabilité populationnelle sous le prisme de la circulation et du partage de données, les membres experts de notre collectif SIHT (Systèmes d’information hospitaliers et de territoires) ont produit, fin novembre, une note de synthèse  visant à permettre à tout acteur impliqué dans les stratégies de soin et de prévention sur son territoire, de disposer d’éléments éclairants sur l’usage possible des données de santé au service de la population.

Cet activisme du CATEL est à mettre en lien avec l’accélération de la dynamique nationale sur cette même thématique…

Le concept de responsabilité populationnelle a mis un certain temps à entrer dans les mœurs en France, où il avait été introduit en 2019. Peut-être était-il alors perçu comme trop prospectif… Il est désormais bien présent dans les esprits et, si nous n’avons pas encore la maturité des pays d’Amérique du Nord, la dynamique n’en est pas moins positive. Les pouvoirs publics soutiennent aujourd’hui pleinement les projets de déploiement d’outils de coordination clinique à destination des acteurs territoriaux, comme le souligne la nouvelle feuille de route du numérique en santé pour 2023-2027. Les travaux du CATEL, et notamment la note de synthèse publiée en novembre 2023, peuvent ici être précieux.

Cette nouvelle feuille de route met également clairement l’accent sur le développement des usages numériques. Comment jugez-vous cette évolution ?

Nous y sommes naturellement très favorables, puisque cette vision est en adéquation avec notre propre philosophie. Nous avons en effet toujours été agnostiques sur le plan technologique, estimant que les usages doivent constituer le point de départ de tout projet numérique. Pour faciliter et accompagner ces réflexions, le CATEL s’attache d’ailleurs à identifier et analyser les éventuels points de blocage. De nombreux freins technologiques ont été levés ces dernières années, en particulier grâce à la feuille de route « Ma Santé 2022 » qui a permis de bâtir, avec succès, un socle technique commun. Mais d’autres freins subsistent, notamment en matière de littératie numérique. Et, bien que la feuille de route 2023-2027 accorde une place non négligeable à la formation des utilisateurs, celle-ci gagnerait à être mieux valorisée. Cela dit, les avancées de la technologie, et les nouveaux usages induits, soulèvent de nouvelles interrogations, qui peuvent devenir autant de points de vigilance s’ils ne sont pas adressés collectivement et de manière transparente. Je pense notamment ici à l’intelligence artificielle, qui doit s’inscrire dans un cadre éthique et des valeurs partagées. Là aussi, le CATEL cherche à apporter sa pierre à l’édifice pour que ces nouveaux outils intelligents puissent permettre de développer des usages innovants.

Par exemple ?

Nous pouvons évoquer ici l’arrivée annoncée de dossiers patients informatisés (DPI) de nouvelle génération, qui entendent devenir de véritables assistants dynamiques et intelligents pour les cliniciens. Lors de la dernière édition du RSNA, le congrès nord-américain de radiologie organisé fin novembre à Chicago, la délégation emmenée par le CATEL a eu l’occasion de découvrir cette technologie novatrice en conditions réelles, au North Western Memorial Hospital. Basée sur des algorithmes en langage naturel et des moteurs d’interopérabilité sémantique, elle est capable de produire et de remonter automatiquement les informations utiles à un instant T, afin que le clinicien puisse se recentrer sur le colloque singulier avec son patient. Une telle évolution est aujourd’hui observée de près par la communauté médico-soignante française et fait quelque peu débat – ce qui est tout à fait normal, car chacun la juge à l’aune de représentations qui lui sont propres. Il nous faut donc l’aborder collectivement pour aboutir à un consensus, en termes de cadrage éthique et règlementaire et de bonnes pratiques organisationnelles. Cela dit, une telle approche collégiale doit s’appliquer à l’ensemble des innovations car celles-ci viennent, par définition, bousculer des habitudes établies.

À l’instar de la télémédecine…

C’est effectivement un exemple éloquent. Nous nous félicitons d’ailleurs que le référentiel d’interopérabilité, de sécurité et d’éthique des systèmes d’information de la téléconsultation, dont l’entrée en vigueur est prévue en 2024, ait fait l’objet d’une large concertation menée sous l’égide de l’Agence du numérique en santé. Nous avons, naturellement, été partie prenante de cette co-construction. Pour autant, et comme je l’ai justement rappelé dans une tribune  publiée avec Luc Théot, président du CATEL, et Jean-Pascal Piermé, président du LET – le syndicat des entreprises de télémédecine –, ce volet règlementaire et sécuritaire ne constitue qu’une première brique pour éviter les mésusages et garantir la confiance. Il faut l’associer avec d’autres briques, l’une orientée sur les bonnes pratiques organisationnelles et économiques – un champ sur lequel les collectifs du CATEL sont particulièrement actifs, produisant régulièrement des recommandations au service de la communauté –, l’autre axée sur le soutien à l’innovation et l’expérimentation de terrain, et la dernière concernant la clarification des modalités de partage, de circulation et d’exploitation des données de santé. Sur ce dernier point, la future feuille de route portée par la DREES et dédiée à l’usage secondaire des données de santé nous semble aller dans le bon sens pour initier un élan fédérateur, dont devraient bénéficier les autres projets nationaux.

Vous évoquiez les travaux des différents collectifs constitués sous la bannière du CATEL. De quelles autres manières contribuez-vous à la co-construction d’usages innovants ?

Dès 2024, nous comptons organiser des ateliers territoriaux, pour aller à la rencontre des acteurs locaux et leur offrir des espaces de discussion, de pair-à-pair, afin de favoriser la diffusion des meilleures pratiques en fonction de l’ancrage territorial. Il est en effet utile de disposer d’un cadre de référence, mais celui-ci ne sera pas mis en œuvre de la même manière selon le contexte local. Nous commencerons par les thématiques en lien avec l’imagerie médicale, dans la continuité du congrès RSNA. Nous préparons également, pour le 13 septembre 2024, un congrès dédié à la télé-ophtalmologie, afin de créer une émulation qui permettra de changer d’échelle. Notre collectif Télésurveillance médicale mène pour sa part une enquête  autour de l’organisation des soins dans les territoires, pour identifier des leviers d’optimisation permettant de structurer des approches multi-filières. Cette volonté de croiser les regards pour avancer ensemble vers des objectifs partagés est inscrite dans l’ADN du CATEL.

Quels seront vos travaux prioritaires pour 2024 ?

Au-delà de ceux déjà évoqués, je retiendrai plus particulièrement l’échange et le partage des données d’imagerie médicale, en écho au projet DRIM-M porté par l’Agence du numérique en santé, ainsi que la création d’une communauté e-santé spécifiquement dédiée aux seniors. C’est un sujet sur lequel nous travaillons déjà : le CATEL est ainsi le pilote français du projet européen Smart Bear, qui expérimente des objets connectés pour le bien-être et la santé des seniors à domicile. Plusieurs paramètres seront ici évalués, l’observance effective, la corrélation éventuelle entre l’amélioration de l’état de santé et l’utilisation de ces objets, les risques d’hyperconnectivité, etc. Mais nous comptons aller plus loin encore en mettant la santé numérique au service du bien vieillir. L’année 2024 nous verra certainement aussi porter une attention accrue au modèle économique de la télésurveillance médicale, afin de mettre en place des modalités de financement lisibles et pérennes pour l’ensemble de ses acteurs – y compris les start-ups –, et pouvoir ainsi soutenir sa généralisation au bénéfice des parcours de soins.

Le mot de la fin ?

Aujourd’hui reconnu comme tiers de confiance pour le développement de la santé numérique, le CATEL ambitionne désormais de rendre plus visible l’utilité sociale de ses actions. Nous travaillons, depuis notre création, à l’amélioration de l’accès aux soins, de l’aménagement territorial, et de la qualité de vie et des conditions de travail des professionnels de santé. Ce sont autant d’objectifs finalement inscrits dans une dynamique de responsabilité sociale, sociétale et environnementale. Les technologies numériques appliquées à la santé sont riches de promesses, mais ce ne sont pas des entités indépendantes : il leur faut pouvoir s’adosser à des organisations solides, en amont comme en aval, pour que les patients puissent bénéficier d’une prise en charge et d’un suivi efficace. Et le CATEL entend justement continuer de contribuer à la co-construction de ces parcours structurés, où chaque composant – technologique comme humain – pourra pleinement jouer son rôle, au service de l’intérêt général et du bien-vivre ensemble.

> Article paru dans Hospitalia #63, édition de décembre 2023, à lire ici
 
 
 






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