Comment avez-vous procédé ? Laurence Jay-Passot : Nous avons commencé par une analyse de l’existant, conduite par les étudiants de l’École de Design Nantes Atlantique. Ils se sont, pour cela, immergés dans l’unité de court séjour gériatrique et les unités de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) des CHU d’Angers et de Tours, où ils ont pu porter un regard neuf sur les problématiques du terrain. Ils ont ensuite réfléchi en toute liberté aux points à améliorer, ce qui a d’ailleurs donné lieu à des propositions très diverses, parfois disruptives. Un groupe de travail interprofessionnel et intersite s’est ensuite emparé de toute cette matière pour co-construire un cahier des charges fonctionnel, en association avec nos partenaires industriels qui ont notamment pu évoquer les limites de la technologie – ce qui nous a permis d’avancer plus rapidement vers quelque chose de faisable. En septembre 2020, nous avons donc pu lancer un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour initier la création d’un prototype de chambre d’hospitalisation.
Pr Cédric Annweiler : Le cahier des charges fonctionnel a porté sur onze critères, qui représentent autant d’attendus pour le prototype. S’y côtoient des innovations technologiques, mais aussi des innovations sur les aménagements, sur la manière de penser l’espace ou de concevoir l’expérience patient. Nous retrouvons ainsi à la fois des dispositifs
high-tech, comme la surveillance automatisée des constances physiologiques et leur transmission vers les postes infirmiers, et des dispositifs
low-tech, par exemple l’orientation du lit vers la fenêtre plutôt que le mur, pour maintenir le rythme circadien des patients et prévenir la désorientation temporelle. De la même manière, le maintien du lien social passe certes par la technologie, mais aussi par la création d’un espace d’accueil convivial et sécurisé au sein de la chambre. Ces quelques exemples montrent bien que l’innovation est
in fine une notion transverse.
Où en êtes-vous aujourd’hui ? Laurence Jay-Passot : Au moment de l’AMI, nous imaginions tester le projet dans un seul établissement. Mais l’initiative a visiblement enthousiasmé les membres du groupement puisque cinq CHU se sont portés volontaires ! Nous accompagnons aujourd’hui la mise en œuvre de ces cinq prototypes, qui seront donc tous basés sur le même cahier des charges fonctionnel mais auront chacun des spécificités qui leur seront propres. Ils devraient être disponibles à la fin de l’été ou au début de l’automne.
Pr Cédric Annweiler : Nous pourrons alors lancer la phase d’évaluation, qui intègrera à la fois une dimension subjective – la satisfaction des patients, des aidants et des soignants par rapport aux différents composants et à leur utilisabilité – et une dimension plus objective pour, notamment, voir dans quelle mesure les solutions mises en place ont un impact sur la santé, la sécurité, l’autonomie et le bien-être des patients et de ceux qui les accompagnent.
Laurence Jay-Passot : Ces enseignements permettront d’alimenter la réflexion des établissements membres du Groupement HUGO pour adapter ou penser différemment leurs espaces, d’autant que plusieurs projets architecturaux d’envergure sont aujourd’hui en cours dans le Grand Ouest. Mais les autres établissements de santé français pourront également s’en inspirer pour adresser les nouveaux besoins liés au vieillissement de la population. Notre démarche n’est toutefois pas prescriptive. Elle vise, pour résumer, à alimenter la réflexion prospective pour favoriser le partage des bonnes pratiques et mieux répondre aux défis à venir.
(1) Le Groupement HUGO a ainsi été fondé en 2013 par les CHU-CHR de l’interrégion Grand-Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire) : Angers, Brest, Nantes, Orléans, Rennes et Tours. Il a depuis été élargi à trois établissements associés, le CH du Mans, le CH Départemental de Vendée, et le CLCC de Nantes-Angers.
(2) Schneider Electric, A.I.A, SHAM, Eiffage.
Article publié dans le numéro de mai d'Hospitalia à consulter ici