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"Replacer l’efficience hospitalière là où elle se construit : dans l’innovation, dans la subsidiarité et dans la confiance" : le CH de Valenciennes prend position


Rédigé par Rédaction le Mardi 11 Novembre 2025 à 16:55 | Lu 62 fois


Réagissant aux échanges autour du vote du budget de la Sécurité sociale, le Centre Hospitalier de Valenciennes publie une tribune signée par Nicolas SALVI (Directeur général), le Dr Claude MEURISSE (Président de la Commission médicale d’établissement), Guillemette SPIDO (Directrice générale adjointe), Alain LECHERF (Directeur général adjoint), le Dr Morgane PLANCON (Vice-présidente de la CME), le Dr Antoine LEMAIRE (Vice-président de CME), le Dr Hervé BISIAU (Président de la conférence des chefs de pôle), le Dr Nabil ELBEKI (Vice-Président de la conférence des chefs de pôle), Carine DEWALLY (Présidente de la conférence de l’encadrement, Cadre supérieure de santé), Maïté RENAUD Vice-Présidente de la conférence de l’encadrement, cadre administratif), et Eline GEROME (Secrétaire générale). À lire ci-dessous.



Nul n’ignore la contrainte budgétaire qui pèse aujourd’hui sur notre système de santé. Avec une dette publique proche de 115 % du PIB, la France entre dans une phase de redéfinition de ses priorités collectives, où chaque euro dépensé doit justifier son utilité. Dans cette recherche d’équilibre, l’hôpital public se trouve placé au premier plan des politiques de maîtrise des dépenses sociales. Une fois de plus, le même discours ressurgit : trop lourd, trop inefficace, trop de fonctions support, etc.

Cette lecture oublie toutefois que la qualité de la dépense dépend d’abord de la manière dont elle est construite. Appréhender l’efficience hospitalière sous le seul prisme des effectifs risque de nous faire passer à côté de l’essentiel : la faculté de l’hôpital à s’organiser, à prévenir et à innover au service de la santé. Or, c’est seulement dans cette organisation fondée sur la subsidiarité et sur la simplification que l’hôpital peut retrouver sa capacité d’agir, au service d’une hospitalité renouvelée.

Comprendre la réalité du travail hospitalier

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les hôpitaux publics demeurent le socle du système de santé français. Ils assurent 70 % des séjours en médecine, chirurgie et obstétrique, plus de 65 % des hospitalisations complètes en psychiatrie et près de 89 % des soins de longue durée. Cette mission s’exerce pourtant dans un climat de fortes sollicitations : vieillissement de la population, hausse des maladies chroniques, investissements nécessaires dans l’innovation – tout concourt à accroître la pression sur les établissements de santé.

C’est dans ce contexte qu’il faut regarder l’hôpital tel qu’il fonctionne réellement. On parle parfois de « bureaucratie hospitalière » comme si l’hôpital public s’était perdu dans les travers que Balzac, dans Les Employés, décrivait avec ironie. Mais l’hôpital public n’a rien de cette caricature ; la part des personnelsadministratifs ne s’élève qu’à 10,6% des effectifs, loin des chiffres souvent avancés. De même, réduire les « ressources non médicales et non soignantes » (27 % des effectifs) à un bloc uniforme ou à un simple poids administratif ne correspond à aucune réalité [DREES, Les capacités d’accueil dans les établissements de santé en 2022, 2024]. En effet, cette catégorie recouvre des métiers multiples, souvent invisibles, et pourtant essentiels au fonctionnement quotidien de nos établissements. Qu’ils s’agissent des agents de maintenance, des logisticiens, des brancardiers, des préparateurs en pharmacie, des assistants de recherche clinique ou encore des secrétaires médicaux : tous participent à la qualité et la continuité des soins. En cela, l’organisation des hôpitaux ne ralentit pas, elle rend possible.

La subsidiarité, première condition de performance

Le Centre hospitalier de Valenciennes illustre depuis près de vingt ans une autre voie, celle d’une subsidiarité devenue moyen d’efficience, à l’instar d’autres hôpitaux CH ou CHU l’ont mené en lien avec leur culture d’établissement. En ce sens, notre établissement a fait le choix de transférer une partie des fonctions administratives aux pôles médico-techniques et cliniques, convaincu que les équipes de terrain sont les mieux placées pour évaluer leurs besoins en ressources administratives et techniques. Les Comptes de Résultat Analytiques (CRéA) et les EPRD ascendants traduisent concrètement cette autonomie. Les premiers offrent à chaque pôle une lecture détaillée de son activité, de ses recettes et de ses charges, permettant d’en dégager un véritable résultat d’exploitation, tandis que les seconds prolongent cette logique en construisant le budget de l’établissement à partir des projections élaborées par les pôles eux-mêmes.

Cité par la Cour des comptes dans son rapport de 2025 sur les personnels non-soignants [Cour des comptes, Rapport sur l’application des LFSS, Chapitre V, 2025], notre modèle horizontal et collaboratif a fait ses preuves : +45 % d’activité entre 2008 et 2024, pour une progression maîtrisée des effectifs (+25 %) et un équilibre financier durable. La répartition des effectifs est pourtant similaire à la moyenne nationale avec 11,2% d’administratifs (dont 2,7% sont affectés au pôle intégrant les directions fonctionnelles et 0,2% de directeurs) et 26,8% de non-soignants. Cela montre bien que l’efficience ne s’apprécie pas uniquement par des indicateurs quantitatifs, mais peut naître dans la confiance accordée au terrain et dans la responsabilité partagée avec les équipes (médicales, paramédicales, administratives et techniques) où chacun à sa place et où tous participent à la décision.

L’innovation au service de la soutenabilité

L’innovation à l’hôpital ne doit plus être perçue comme un luxe, mais comme un levier de soutenabilité permettant de concilier exigence de qualité, maîtrise des coûts et amélioration du travail des équipes. Au CHV mais ailleurs aussi, l’innovation s’inscrit dans un pilotage médico-économique intégré, où chaque projet - technologique, organisationnel ou immobilier - est évalué à l’aune de son impact global : qualité des soins, sécurité, expérience-patient, mais aussi coûts évités et gains d’efficience. En cela, nous privilégions une innovation d’usage, qui simplifie et fiabilise. La modernisation du parc robotique opératoire, par exemple, n’est pas un simple investissement technique : c’est un projet de transformation des pratiques aussi pensé comme projet de pilotage des ressources. Même si la tarification ne prend pas en compte ce nouveau mode de prise en charge, qui réduit pourtant les Durées Moyennes de Séjour (DMS) et améliore la récupération des patients.

Simplifier au bénéfice de l’efficacité

La critique d’un hôpital englué dans ses lourdeurs occulte une réalité plus structurelle, celle d’un cadre légal, règlementaire et procédural qui freine bien souvent l’action plus qu’il ne la facilite. Conçu avant tout pour sécuriser, l’hôpital souffre désormais d’un empilement de normes et de règles qui restreignent parfois son initiative et ralentissent souvent l’exécution de ses projets. Par exemple, la tarification change les règles de cadrage et de valorisation de l’activité.

En ce sens, le fameux « choc de simplification », véritable serpent de mer des politiques publiques, demeure une nécessité. Alléger - ou, à défaut, assouplir - les procédures de facturation, d’achat ou de gestion des ressources humaines permettrait de restaurer l’efficience et de redonner de la souplesse aux établissements, y compris sur le plan financier. Nous avons besoin de retrouver une capacité d’action réelle, car elle est la condition de notre performance opérationnelle et, a fortiori, de l’attractivité du service public hospitalier.

Alors, simplifions, pour plus d’efficacité, de fluidité et de confiance dans l’action publique, pour permettre un hôpital délibéré, agile et apprenant.

Prévenir mieux pour maîtriser plus

L’efficience réelle se construit en amont, par la prévention et la continuité des parcours. Aussi, tant que l’hôpital restera centré sur le seul curatif il en subira la charge plutôt qu’il ne la pilotera. C’est tout le sens de la stratégie de subsidiarité horizontale engagée à Valenciennes, où nous cherchons à inscrire l’hôpital dans une logique de parcours, en lien étroit avec les professionnels de ville, les collectivités territoriales et les usagers – notamment via le développement du centre de soins primaires et de prévention Les Chartriers - Valenciennes. Ces initiatives permettent d’aller vers les populations les plus éloignées du soin, de réduire les ruptures de prise en charge et de concrétiser un lieu dédié à la responsabilité populationnelle. L’approche territoriale, le maillage et les synergies humaines sont favorisées. Or, c’est là que se joue notre hôpital de demain, un hôpital qui agit en amont, qui relie, qui responsabilise et qui fonde son efficience sur la santé durable des populations.

Recentrer le débat

Face aux tensions budgétaires et à la complexité croissante des besoins, l’hôpital public ne peut plus être abordé sous le prisme de l’instant. Le débat parlementaire doit faire émerger une trajectoire claire, capable d’anticiper les transitions démographique, énergétique et technologique, et d’inscrire les politiques de santé dans le temps long - notamment à travers une programmation pluriannuelle. Avoir un avis éclairé appelle à « distinguer ce que l’on sait de ce que l’on croit » [Y. BRÉCHET, Partager la rationalité́ scientifique entre citoyens, 2019]. Aussi, loin d’un simple ajustement conjoncturel, c’est une transformation de fond qui s’impose - systémique, humaine et culturelle - au bénéfice d’une hospitalité renouvelée pour les usagers, les professionnels et les partenaires.




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