Biologie

Pour le SDBIO : "La biologie médicale française au bord de la rupture : il est temps de changer de paradigme"


Rédigé par Rédaction le Lundi 9 Juin 2025 à 13:21 | Lu 70 fois


Communiqué du SDBIO, principal syndicat libéral représentatif de la profession. Il rassemble tous les biologistes libéraux, médecins et pharmaciens. Il négocie les accords conventionnels avec l’Assurance maladie, représente les biologistes médicaux dans l’ensemble des commissions, organismes, où la profession doit faire valoir ses positions (UNPS, Les Libéraux de Santé...). Il représente les biologistes médicaux employeurs dans les négociations de branche.



Rien n’y fait. Malgré nos efforts pour mettre en avant les compétences et l’expertise des biologistes en matière de prévention, de dépistage et d’optimisation des parcours de soins, les autorités persistent à ignorer notre rôle essentiel. Elles nous renvoient systématiquement à l’image d’une profession privilégiée, supposément trop rémunérée. Puisqu’on ne nous laisse pas le choix, abordons franchement le sujet. Il est grand temps de dépasser les clichés et de repenser la place de la biologie médicale, car notre modèle français est aujourd’hui menacé d’effondrement. Jusqu’où faudra-t-il faire chuter les tarifs des actes de biologie pour que les pouvoirs publics prennent enfin conscience du risque majeur de dégradation de la qualité de la prise en charge des patients ?

Des baisses de tarifs qui fragilisent tout un secteur

La diminution unilatérale des tarifs décidée par la CNAM, et publiée au Journal officiel le 11 septembre 2024, a marqué un tournant sans précédent. En deux ans seulement (2023 et 2024), les tarifs ont chuté de 18,3 %, dont 13,2 % pour la seule année 2024. Cela s’ajoute à la baisse de 20 % déjà subie entre 2014 et 2022. Aucune autre spécialité médicale n’a enduré un tel traitement.

Pourtant, la biologie médicale ne représente que 1,3 % du budget global de la CNAM (3,784 milliards sur 259 milliards d’euros). Faut-il continuer à imposer de telles coupes à une activité pourtant indispensable à l’organisation des soins ?

Un rôle central, des moyens en berne

Chaque jour, nos laboratoires prennent en charge 500 000 patients, aussi bien en milieu urbain qu’en zones rurales. Grâce à l’engagement quotidien de nos équipes et nos collaborateurs infirmiers, les déserts biologiques n’existent pas et les délais de rendu sont extrêmement courts, permettant de garantir une parfaite fluidité du parcours de soin.

Grâce à un tiers payant généralisé et à plus de 100 millions de feuilles de soins électroniques traitées chaque année, l’accès aux soins est assuré pour tous. Le taux de remboursement par l’Assurance maladie demeure stable depuis plus de dix ans (77 %), et ce malgré l’augmentation continue du nombre de patients en Affection de Longue Durée (ALD).

Pourtant, nous avons dû faire face, sans aucun accompagnement, à une succession de chocs économiques : inflation, hausse des coûts de l’énergie et des matières premières, investissements obligatoires en cybersécurité et en protection des données de santé, le tout dans un environnement réglementaire de plus en plus exigeant, tant au niveau national qu’européen. Par ailleurs, tous les examens doivent être accrédités selon une norme exigeante, garantissant la même qualité de résultats pour l’ensemble des patients.

La profession s’est également engagée, sans contrepartie, dans la maîtrise des volumes, en supprimant certains actes afin d’améliorer la pertinence des prescriptions médicales (vitamine D, fonction thyroïdienne, PSA libre…).

Des marges comprimées, une productivité à son maximum

L’automatisation des examens a déjà été poussée à son maximum ces dernières années. Il n’existe plus de leviers de productivité liés à la concentration des laboratoires. Les trois derniers accords conventionnels (depuis 2014) ont imposé une régulation coût/volume extrêmement rigoureuse et une concentration importante des structures, ce qui a servi de prétexte à la CNAM pour justifier la baisse des tarifs.

L’enveloppe autorisée est passée de 3,684 milliards d’euros en 2014 à 3,784 milliards en 2024, soit une progression annuelle moyenne de seulement 0,25 %, alors que les volumes d’actes augmentent de 3 à 5 % par an.

Covid : des profits exceptionnels, mais non reproductibles

Le débat est aujourd’hui faussé par la période Covid, durant laquelle les laboratoires ont dû assurer à la fois leur activité habituelle et le dépistage massif exigé par l’État. Cette surcharge d’activité a généré des profits exceptionnels, fruits d’un engagement sans précédent dans la lutte contre la pandémie. Ces bénéfices ont permis de rembourser les dettes contractées pour l’achat d’équipements, de répondre à la demande et de favoriser les regroupements souhaités par les pouvoirs publics. Rappelons que les biologistes privés ont assuré 80 % des dépistages Covid, suppléant des hôpitaux rapidement débordés.

Mais ces résultats, obtenus dans des circonstances exceptionnelles, ne sauraient justifier la mise à mal d’un secteur vital en temps normal.

L’EBITDA : un indicateur trompeur

Le rapport Charges et Produits 2025 met en avant l’EBITDA comme indicateur principal de rentabilité. Or, cet indicateur ne tient pas compte des investissements massifs nécessaires, ni des charges financières ou fiscales, particulièrement lourdes dans notre secteur. S’appuyer uniquement sur l’EBITDA est réducteur et dangereux pour la pérennité du modèle. Les résultats 2024, encore non consolidés, montrent déjà une division par deux du taux de marge nette entre 2023 et 2024, attendu autour de 5 à 6 % pour 2025.

Certains laboratoires sont d’ores et déjà contraints de se placer sous procédure de sauvegarde. La biologie médicale pourrait rapidement connaître les mêmes difficultés de financement et d’attractivité que les EHPAD. Face à la baisse unilatérale des tarifs et à l’objectif d’économies imposé par les pouvoirs publics, le secteur s’expose à des risques majeurs : fermeture de laboratoires de proximité, allongement des délais de rendu, dégradation du service médical rendu, notamment dans les zones rurales mais aussi un désengagement progressif des professionnels.

Une régulation à courte vue

La participation des patients (franchises, tickets modérateurs) est devenue la part cachée du financement de notre secteur. En 2024, l’Assurance maladie ne finance que 3,216 milliards d’euros sur les 3,784 milliards autorisés, soit 16 % à la charge des patients.

La régulation actuelle, purement budgétaire, fait l’impasse sur toute réflexion stratégique concernant l’avenir de la biologie médicale et du rôle central que jouent les biologistes dans la qualité des soins. Les biologistes jouent un rôle clé dans la sécurité, la qualité du parcours  de soins, le dépistage, la prévention, le diagnostic et le suivi des maladies. Dans le cas où le médecin prescripteur est injoignable, si la situation clinico-biologique l’exige, le biologiste prend la décision d’orienter le patient vers les urgences et assure la coordination de la prise en charge avec le centre 15.

En conseillant les patients sur leurs résultats, il évite également de nombreuses consultations médicales inutiles, chronophages et coûteuses. Autant de missions assurées sans rémunération additionnelle que les tarifs des actes de biologie aujourd’hui en chute libre.

Appel à un changement de cap

Il est plus que jamais urgent de repenser en profondeur la politique conventionnelle et tarifaire encadrant la biologie médicale. Cette discipline ne constitue en rien un luxe ou un excès du système de santé français : elle en est l’un des piliers essentiels. La fragiliser par des logiques purement budgétaires revient à compromettre l’ensemble de la chaîne de soins.

Ce sont la qualité de la prise en charge, la rapidité du diagnostic, la pertinence des traitements et, in fine, l’équité territoriale qui sont directement menacées. Dans un contexte de tensions hospitalières et de désertification médicale, affaiblir la biologie médicale revient à aggraver les inégalités d’accès aux soins mais aussi à freiner l’innovation en santé publique, qui sont des investissements d’avenir.

Il est temps d’agir avec lucidité et responsabilité. Redonner à la biologie médicale les moyens d’exercer pleinement son rôle, c’est investir dans une médecine plus efficiente mais aussi plus soutenable financièrement à long terme.




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