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Le GH Brocéliande Atlantique imagine son hôpital de demain


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Lundi 9 Juin 2025 à 13:09 | Lu 91 fois


Le Groupement Hospitalier Brocéliande Atlantique (GHBA) entreprend un ambitieux projet de modernisation des établissements de santé du territoire, incluant la reconstruction partielle du Centre hospitalier de Vannes afin d’optimiser les parcours de soins. Plaçant l’innovation et les outils numériques au cœur de sa démarche, cette initiative pousse les professionnels vannetais à anticiper les besoins des usagers et des soignants « à l’horizon 2030, 2040, voire 2050 », comme le souligne Olivier Plassais, directeur de l’innovation et de la transformation architecturale et digitale du GHBA depuis juillet 2023.



Pourriez-vous, pour commencer, nous présenter votre poste ?

Olivier Plassais : Mon rôle est assez atypique puisqu'il associe deux domaines complémentaires : le numérique et l’architecture, au sens bâtimentaire. Souhaitant intégrer ces deux aspects sous l’angle de l’innovation, Philippe Couturier, le directeur du GHBA, a créé en avril 2023 la direction de l’innovation et de la transformation architecturale et digitale. Cette nouvelle direction s’inscrit pleinement dans le projet de reconstruction du Centre hospitalier de Vannes. Doté d’une enveloppe de 410 millions d’euros, le projet est encore en phase d’instruction nationale et devrait s’amorcer en 2029-2030, avec la sortie de terre d’un nouveau bâtiment à proximité de la gare de Vannes. 

Quel est le rôle de votre direction dans ce projet ? 

Notre principale mission est d’accompagner le projet, en veillant à ce que le bâtiment construit, et l’ensemble de la réorganisation, restent pertinents sur le long terme. Cela implique d’imaginer les attentes des usagers et des professionnels de santé, mais aussi les parcours médico-administratifs, à l’horizon 2030, 2040, voire 2050. Pour y parvenir, nous avons adopté une approche basée sur le Design Thinking, afin de concevoir ces nouveaux usages à l’échelle du Centre hospitalier et du Groupement hospitalier de territoire (GHT). 

Quelles sont vos pistes de réflexion pour améliorer le circuit des patients dans ce nouvel hôpital ? 

Notre objectif est d’intégrer un maximum d’éléments pour fluidifier le parcours des patients, y compris ceux confrontés à la fracture numérique. Par exemple, nous envisageons un système numérique qui informerait les patients sur les horaires de train ou de bus leur permettant d’arriver directement à la consultation. Pour ceux qui viennent en voiture, nous souhaitons mettre en place un système de réservation de places de parking, similaire à ce qui existe dans les aéroports. Lors de la préadmission, le patient pourra indiquer s’il souhaite réserver une place et, le cas échant, un numéro lui sera attribué. Le CH de Vannes étant composé de plusieurs bâtiments, nous réfléchissons également à la mise en place d’un outil de géolocalisation, pour guider les patients vers leur rendez-vous de manière intuitive. Grâce à cette application, nous saurons aussi quand un patient est arrivé sur site, ce qui nous permettrait de le prévenir en cas d’avance ou de retard pour sa consultation.

Ces technologies sont-elles également intégrées dans la conception du bâtiment ?

Oui, nous nous orientons vers un véritable « Smart Hospital », ou hôpital connecté. L’innovation est au cœur de ce projet, et nous intégrons ces outils dès la phase de conception. Le nouveau bâtiment sera ainsi conçu en Building information modeling (Bim), une technologie qui permet une gestion optimale de la maintenance et de l’exploitation du bâtiment. Grâce à cette modélisation, nous disposerons de plans très détaillés à toutes les phases de la construction et de l’occupation du bâtiment, ce qui facilitera les interventions techniques et l’évolution des infrastructures.

Toutes ces innovations impliquent une gestion importante des données. Comment assurez-vous leur sécurité ?

La cybersécurité et la protection de données sont des priorités absolues. Au sein du GHBA, nous avons mis en place un comité de pilotage dédié à la sécurité du système d'information et à la protection des données. Ce comité veille à l’application des règles en la matière, notamment à travers une politique d’habilitation stricte, accompagnée de sanction en cas d’accès inapproprié à un dossier patient. Par ailleurs, nous nous appuyons sur un Responsable de la sécurité des systèmes d’information (RSSI) et un Délégué à la protection des données (DPO), qui s’assurent que tous les outils et fournisseurs respectent scrupuleusement le règlement RGPD. La gestion des données étant particulièrement sensible, nous intégrons ces exigences de sécurité dès la conception des services numériques de l’hôpital.

Comment abordez-vous la gestion des données, par exemple celles liées à la géolocalisation dans l’outil de facilitation des parcours ?

Nous abordons une approche différenciée selon la nature des données et leur finalité. Par exemple, les données de géolocalisation seront uniquement temporaires, tandis que celles issues de la e-admission seront conservées et intégrées au Dossier patient informatisé (DPI), pour un meilleur suivi. Le CHBA étant un établissement de taille modeste, nous avons choisi de ne pas héberger nous-mêmes les données de santé. Nous faisons appel à un prestataire public, avec qui nous collaborons étroitement pour anticiper la gestion des données actuelles et futures. Un autre exemple est celui de la réservation de places de parking. Le système lira les plaques d’immatriculation, qui pourraient être conservées temporairement dans un objectif de renforcement de la sécurité des établissements hospitaliers.

Vous avez mentionné l’utilisation du Design thinking pour imaginer l’hôpital de demain. Pourquoi ce choix ?

L’un des défis majeurs de la reconstruction est de proposer un parcours médico-administratif fluide pour les patients. Pour y parvenir, nous devions préciser nos attentes dans le cahier des charges, ce qui exige une forte capacité de projection. C’est là qu’intervient le Design Thinking. Nous avons fait appel à une société spécialisée qui nous a guidés dans cette réflexion, en nous proposant, par exemple, une analogie avec l’aéroport. Cela nous a permis d’identifier chaque phase du parcours patient, et d’explorer des solutions utilisées dans d’autres secteurs. Grâce à cette démarche, nous avons pu formaliser nos besoins, qui seront intégrés au projet. C’est ainsi que le futur hall d’accueil du CHBA pourrait proposer une bibliothèque, une salle d’attente, un coiffeur, et qu’une pharmacie sera située à proximité de l’entrée. 

Outre le suivi du projet de restructuration et de reconstruction, quelles sont les missions de la Direction de la transformation architecturale et digitale (DTAD) ? 

Nos missions sont variées et vont de la dynamisation de l’innovation à la supervision du projet de convergence des systèmes d’information à l’échelle du GHBA. L’une des évolutions majeures en cours est la convergence du Dossier patient informatisé des sept établissements du GHT. Ce projet va progressivement monter en puissance, avec un changement en « Big Bang » prévu en janvier 2026 pour l’hôpital de Vannes. Nous avons donc un rôle central dans l’innovation et la facilitation des parcours, en veillant à ce que les outils numériques et les infrastructures répondent aux besoins des professionnels et des usagers sur le long terme.

Plus concrètement, comment votre direction contribue-t-elle à la dynamisation de l’innovation ?

La dynamisation de l’innovation est l’un des trois axes majeurs de notre travail, et je suis également directeur adjoint du GHBA en charge de l’innovation. Nous avons mis en place une équipe dédiée, supervisée par Ludivine Beaulant, ingénieure projet. Sa mission consiste à être en lien régulier avec les professionnels de santé pour comprendre leurs besoins et leur apporter des solutions innovantes. Un exemple concret concerne les services de gériatrie, confrontés à des difficultés liées à la mobilisation des patients dans leurs lits, ce qui entraîne fréquemment des troubles musculo-squelettiques (TMS) chez les soignants. Pour y remédier, nous avons collaboré avec une société morbihannaise qui développe des lits et matelas connectés. Actuellement en phase de test dans notre hôpital, ces matelas innovants permettent de peser les patients, de détecter leurs mouvements, et même de les tourner automatiquement pour faciliter les soins, réduisant ainsi les risques de TMS chez les soignants.

Vous avez également mis en place un Guichet unique de l'innovation et du développement par l’innovation (Guide). Quel est son rôle ?

 « Guide » est une initiative ouverte à tous les porteurs de projets, qu’ils soient ou non issus du milieu hospitalier. Issu d’un partenariat entre le CHBA, l’Université de Bretagne Sud (UBS), l’agglomération de Vannes et plusieurs acteurs de la santé morbihannais, dont des industriels, il accompagne chaque année 4 à 6 projets innovants, de leur conception à leur mise en œuvre.

Le CHBA projette la création d’un LabSanté. Ne va-t-il pas faire doublon avec « Guide » ?   

Non, leurs objectifs sont très différents. « Guide » accompagne un nombre restreint de projets sur tous les aspects de leur développement, tandis que le LabSanté est un véritable lieu d’expérimentation. Installé dans des locaux du CHBA, à 150 mètres de la gare de Vannes, ce laboratoire sera équipé d’outils de pointe : une chambre connectée, des imprimantes 3D, et d’autres technologies dédiées aux expérimentations. Il s’agit donc d’un espace d’idéation, où de nouvelles solutions pourront être testées avant d’être déployées. 

L’intelligence artificielle aura-t-elle une place parmi ces innovations et, plus largement dans le CHBA et le GHBA ?

L’intelligence artificielle est déjà bien implantée dans nos établissements. Aux Urgences, nous utilisons depuis plusieurs années de modules d’IA pour l’analyse des images médicales. Nous expérimentons également des solutions d’IA pour l’élaboration des plannings médicaux, et avons généralisé la reconnaissance vocale pour les professionnels médicaux, paramédicaux et administratifs. À terme, notre ambition est de permettre le pilotage du DPI par la voix, ce qui simplifierait considérablement son utilisation et optimiserait le temps médical. 

Le mot de la fin ? 

À travers nos projets de modernisation, que ce soit la construction du nouvel hôpital, la convergence des DPI ou de la promotion de l’innovation, nous travaillons avec de nombreux outils numériques et explorons de nouveaux usages. Pour preuve, l’ensemble de nos projets de construction d’EHPAD bénéficie d’une Assistance à maîtrise d’usage (AMU) en complément de la classique Assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO). Et enfin, il est essentiel de rappeler que le numériquen’est pas une finalité en soi, c’est un levier qui doit rester au service des patients et des professionnels, en facilitant l’harmonisation des pratiques et l’amélioration des soins. 

> Article paru dans Hospitalia #69, édition de mai 2025, à lire ici  
 




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