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L’intégration des IPA aux urgences : un pari réussi aux Hospices Civils de Lyon


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Lundi 20 Octobre 2025 à 11:41 | Lu 97 fois


Impulsée par une dynamique de service et portée par des professionnels engagés, l’intégration des infirmières en pratique avancée (IPA) au sein des services d’urgences de l’hôpital Édouard Herriot (Hospices Civils de Lyon) répond de manière concrète aux besoins cliniques du terrain. Retour sur une initiative ambitieuse, où la collaboration pluridisciplinaire se révèle déterminante.



Depuis juillet 2024, les urgences de l’hôpital Édouard Herriot, un site des Hospices Civils de Lyon (HCL), accueillent plusieurs infirmières en pratique avancée (IPA) dans leur organisation. Manon Kaced et Lucie Walter, IPA mention urgences, ainsi que Priscilla Evo, IPA mention psychiatrie et santé mentale, interviennent désormais au quotidien, contribuant à fluidifier le parcours de soins des patients.  

« Le projet est né d’un besoin clinique, clairement identifié, tant aux urgences que dans l’unité ambulatoire de consultation », explique Priscilla Evo, qui intervient dans les deux services. L’une de ses principales missions consiste ainsi à réévaluer les patients après leur passage aux urgences, pour ajuster l’orientation et faciliter la continuité avec les soins extra-hospitaliers. « L’IPA joue un rôle de trait d’union entre les différents services, et notamment les urgences et les hôpitaux de jour. Ce lien est particulièrement pertinent dans les situations de crise, comme les troubles borderline ou les épisodes suicidaires », ajoute la Dr Pauline Guillemet-Senkel, psychiatre à l’hôpital Édouard Herriot. 

Des rôles affirmés, des compétences élargies

« L’intégration des IPA relève avant tout d’un projet de service, porté dès le départ par nos chefs. Cela a grandement facilité notre insertion », souligne Manon Kaced. IPA mention urgences, elle prend en charge de manière autonome les situations cliniques simples, et collabore avec les médecins sur les cas plus complexes. « Nous restons toujours sous supervision médicale », précise-t-elle. Un positionnement salué par le Dr Youri Yordanov, médecin urgentiste : « Ce sont des professionnelles compétentes, autonomes dans leur périmètre, et qui participent pleinement à la qualité des prises en charge. Leur présence a renforcé l’efficacité du service, sans jamais empiéter sur les missions des autres professionnels »

Si le déploiement s’est déroulé sereinement pour ces trois professionnelles, certaines réticences persistent ailleurs. Les professionnels lyonnais en sont d’ailleurs bien conscients. Pour le Pr Youri Yordanov, trois profils de résistance se distinguent plus particulièrement chez les médecins, entraînant des réactions de rejet des IPA : « Ceux qui refusent toute délégation de tâches, les internes qui s’interrogent sur leur rôle face à ces nouveaux professionnels, et la majorité, qui méconnaît les missions réelles des IPA ». C’est précisément cette méconnaissance que les équipes lyonnaises ont voulu déconstruire très tôt, en définissant clairement, dès l’origine, les compétences et les responsabilités de ces nouvelles figures du soin.

Quand la pratique fait ses preuves sur le terrain

« Il a fallu expliquer, rassurer, clarifier les rôles de chacun. Mais aujourd’hui, notre présence sur les plannings médicaux est naturelle, les urgentistes savent sur quelle filière nous intervenons. Et lorsque nous sommes absentes, ils nous cherchent », témoigne Manon Kaced. Un constat partagé par Caroline Dénériaz, cadre de santé, qui note que « les premières réticences venaient principalement d’une méconnaissance. Dès que les équipes constatent le travail accompli et la complémentarité apportée avec les autres professionnels, la plus-value devient évidente »

Depuis leur arrivée en juillet 2024, Priscilla Evo et Manon Kaced ont été rejointes en juin dernier par Lucie Walter, récemment diplômée IPA mention Urgences. « Leur rôle est devenu essentiel. C’est pourquoi nous recrutons dès que les moyens le permettent », explique Caroline Dénériaz, qui espère, à terme, pouvoir garantir une présence continue d’IPA aux urgences. Un objectif freiné, pour l’heure, par un cadre réglementaire encore contraignant. Pour Priscilla Evo, tout l’enjeu réside dans l’opportunité qui sera donnée aux IPA pour s’implanter durablement sur le terrain : « Nous ne pourrons démontrer notre pertinence que par notre présence régulière sur le terrain. C’est cette régularité qui créera la confiance et l’intégration »

IPA : soigner, former, chercher 

Enrichissant les pratiques de soins, les IPA développent des compétences transversales bien au-delà des soins cliniques. Ils prennent ainsi part à la formation auprès des professionnels de l’institution, mais aussi dans les lieux d’enseignement tels que l’Université ou les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Formés en pratique avancée, les IPA participent aussi activement aux travaux de recherche, en étroite synergie avec les autres professionnels hospitaliers. « La coopération ne se limite pas aux médecins ou aux infirmières, elle est également très forte entre IPA, toutes spécialités confondues », insiste Manon Kaced. Si la formation de deux ans constitue un moment privilégié pour tisser ces liens, plusieurs dispositifs, comme le Cercle des IPA des HCL ou le Copil IPA de l’hôpital Édouard Herriot, favorisent la poursuite des échanges et l’émergence de projets communs. 

« Ces espaces sont essentiels pour faire vivre nos pratiques, nos missions et nos projets », confirme Priscilla Evo, pour sa part très investie dans la recherche. Elle participe notamment à un projet en partenariat avec une collègue IPA du Centre Hospitalier du Vinatier, Tamara Vernet, spécialisé en psychiatrie. « La recherche est une dimension forte du métier. Nous avons la chance de bénéficier d’une unité intégrée aux urgences, où les IPA sont accompagnées et soutenues dans leurs travaux », souligne Caroline Dénériaz. Pour Manon Kaced, c’est précisément cette richesse qui fait la force de la fonction : « Être IPA, c’est élargir ses horizons professionnels tout en conservant une forte implication clinique. C’est cette polyvalence qui rend notre métier si stimulant ».

> Article paru dans Hospitalia #70, édition de septembre 2025, à lire ici 




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