Actu

Guillaume Chesnel, DG du GH Diaconesses Croix Saint-Simon : « Nous voulons encourager l’audace »


Rédigé par Joëlle Hayek le Mercredi 8 Octobre 2025 à 10:40 | Lu 60 fois


À la tête du Groupe Hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon depuis mai 2025, Guillaume Chesnel incarne une vision engagée et résolument tournée vers l’avenir. Fort d’un parcours à la croisée du public et du secteur associatif, il partage, pour Hospitalia, les grandes orientations qu’il souhaite impulser. Innovation, gouvernance partagée, transition numérique et ancrage territorial : autant d’enjeux au cœur de sa feuille de route pour façonner l’hôpital de demain.



Pour commencer, pourriez-vous nous parler de votre parcours ?

Guillaume Chesnel : Je suis directeur d’hôpital depuis une quinzaine d’années, avec un parcours équilibré entre secteur public et secteur associatif. Ces deux univers partagent des valeurs communes, profondément alignées avec mon engagement au service de l’intérêt général. Mon ancrage est francilien : j’ai débuté au centre hospitalier de Sèvres et Saint-Cloud, puis exercé à Creil et Senlis dans l’Oise, avant de rejoindre l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis, où j’ai notamment piloté un projet data sur l’impact de la précarité dans l’organisation des soins, qui a été déployé dans une vingtaine d’établissements par l’Agence Régionale de Santé d’Île-de-France. J’ai ensuite rejoint le secteur ESPIC, d’abord à l’Institut Gustave-Roussy puis à la FEHAP, en tant que directeur de l’offre de soins pendant la crise sanitaire. En 2022, j’ai ressenti le besoin de revenir sur le terrain. J’ai alors intégré le Groupe Hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon (GH DCSS) comme directeur général adjoint, avant de succéder à Anne Fabrègue à la direction générale en mai 2025.

Quels sont, à votre sens, les principaux atouts du GH DCSS ?

Ils sont nombreux ! Le premier est sa dimension humaine. Avec 360 lits et places, 1 200 professionnels et une vingtaine de services répartis sur les sites de l’hôpital des Diaconesses (Paris 12ème) et de l’hôpital de la Croix Saint-Simon (Paris 20ème), nous bénéficions d’une taille qui permet une gouvernance agile et des circuits décisionnels courts, caractéristiques du modèle ESPIC. Autre force majeure : notre capacité à allier excellence médicale et proximité. Acteur historique de la santé à Paris, notre établissement est reconnu pour son expertise et son dynamisme en matière d’innovation thérapeutique. Plusieurs de nos spécialités figurent dans les classements nationaux. Et pourtant, nous restons un hôpital de proximité, profondément enraciné dans son territoire, avec des liens solides avec les professionnels de ville. Cette double vocation, alliant exigence médicale et engagement local, s’inscrit dans l’héritage humaniste et solidaire de nos fondateurs, les communautés des Diaconesses et de la Croix Saint-Simon. Cet esprit demeure vivant : rejoindre le GH DCSS, c’est faire un choix d’engagement, ce n’est jamais un hasard.

Et du côté des défis ? 

Le premier est clairement économique. Comme beaucoup d’établissements, nous avons traversé des tensions budgétaires et visons désormais un équilibre durable. Ce défi est d’autant plus complexe que les ESPIC, bien qu’assurant des missions de service public, font face à une inégalité de traitement par rapport aux hôpitaux publics. Dans ce contexte, nous devons compter sur nos propres leviers et valoriser pleinement nos atouts, notamment notre excellence médicale et un patrimoine immobilier récemment modernisé, pour renforcer notre visibilité sur un territoire très concurrentiel. Mais il ne s’agit pas seulement de consolider. Nous devons anticiper, évoluer, savoir prendre les bons virages au bon moment. Cela implique d’investir des sujets structurants comme l’ambulatoire, les soins à domicile, la préhabilitation des parcours, ou encore l’intégration du numérique et de la donnée dans nos organisations. C’est ainsi que nous pourrons répondre à des besoins croissants, à ressources constantes.

Pourriez-vous citer quelques exemples concrets ?

En mars 2020, nous avons inauguré le centre de santé Bauchat Nation, en partenariat avec l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild. Ouvert à tous, sans dépassement d’honoraire, il répond à une vraie attente locale. Dans cette même logique, un second centre ouvrira dans le 20ème arrondissement dans quelques mois, pour pallier le recul de la médecine de ville et favoriser l’« aller vers ». En parallèle, nous développons l’ambulatoire, à travers un futur hôpital de jour de médecine, libérant du capacitaire pour notre service de gériatrie aiguë, qui passera de 16 à 22 lits pour mieux faire face au vieillissement de la population. Enfin, nous menons une réflexion globale sur la digitalisation des parcours. Non pas dans une logique de déshumanisation, mais pour libérer du temps soignant afin de garantir un accompagnement plus attentif pour les patients les plus fragiles.

Identifiez-vous d’autres défis à court et moyen termes ?

Bien sûr. L’un des premiers est le « vivre ensemble » au sein de l’établissement. Il s’agit de cultiver la cohésion et l’intelligence collective dans un contexte de contraintes accrues, en renforçant la collégialité entre les équipes médicales, soignantes et administratives. Un autre défi majeur est l’éthique, notamment dans la perspective de la future loi sur la fin de vie. Notre comité d’éthique joue ici un rôle central. Autre enjeu incontournable, la transition écologique. Par nos multiples initiatives vertueuses en matière de transition écologique, nous nous transformons en Hôpital Vert. Notre bloc opératoire a ainsi été l’un des premiers à devenir un « Green Bloc », avec la mise en place de plusieurs filières de tri et de recyclage, et la modulation de notre système de traitement de l’air durant les heures d’inactivité, par exemple. Notre service d’imagerie médicale est aussi parfaitement à la pointe : il est site pilote français pour la « Green Certification ID », un prestigieux label nouvellement créé par la Société européenne de radiologie (ESR). Nos efforts se poursuivent en matière d’écoresponsabilité car nous voulons aller plus loin : notre 23ème salle de bloc opératoire sera construite et aménagée selon les principes du développement durable, pour devenir l’une des toutes premières salles vertes de France ! L’hôpital doit être plus frugal, c’est un enjeu devenu urgent. Mais au-delà des équipements, nous devons aussi anticiper des phénomènes comme les vagues de chaleur. Cela implique des investissements, bien sûr, mais aussi d’adapter nos horaires et de repenser nos pratiques. Notre taille humaine est d’ailleurs ici un atout.

Pourquoi ?

Elle nous permet d’être souples, réactifs et d’expérimenter rapidement de nouvelles approches. Nous voulons encourager l’audace, libérer les énergies, favoriser un dynamisme opérationnel créatif tout en assumant que l’expérimentation implique parfois l’erreur. Nous croyons fermement que l’hôpital peut et doit être un lien d’innovation, dans toutes ses dimensions. Notre comité Innovation, créé il y a 18 mois, travaille d’ailleurs activement sur ces sujets. Enfin, il y a le défi partenarial. Nous devons retisser des liens solides avec les établissements publics du territoire, tout en renforçant nos collaborations avec les ESPIC, pour améliorer notre efficience collective. Les parcours experts récemment créés avec l’Institut Curie en cancérologie participent de cette logique de synergie.

Quelles sont alors les grandes lignes de votre projet d’établissement ? 

Elles s’articulent autour de plusieurs axes, inscrits dans la continuité des enjeux évoqués. Le premier consiste à affirmer notre rôle de partenaire de territoire, en harmonisant les parcours de vie et de soins autour de l’expérience patient. Nous sommes déjà une référence dans l’Est parisien, nous voulons le devenir aussi pour tout l’Est francilien, où les besoins sont importants. Le deuxième axe est économique : nous devons diversifier nos sources de financement, notamment via une stratégie internationale raisonnée, fondée sur la coopération hospitalière et le transfert de compétences pour valoriser pleinement l’excellence médicale française. Un troisième pilier majeur est l’accélération du virage numérique. Cela passe par la création d’un entrepôt de données de santé (EDS), l’usage de l’intelligence artificielle pour améliorer les prises en charge et l’exploitation du numérique comme levier de transformation organisationnelle, afin de préparer l’hôpital de demain et intégrer la recherche sur les données au quotidien, pour faire progresser voire singulariser les prises en charge. 

Quels projets portez-vous dans ce domaine ?

Nous nous appuyons notamment sur le projet EDGAR, qui fédère les EDS d’établissements membres de l’association RESPIC, un réseau d’ESPIC engagés dans la recherche. Ce projet constitue une formidable opportunité pour mutualiser les données, créer des cohortes multicentriques et faire émerger des protocoles innovants à grande échelle. Le GH DCSS dispose lui-même d’un gisement de données cliniques précieux. Nous avons, par exemple, une base de plus de 1 300 protocoles en chirurgie robotique digestive, et de nombreuses cohortes en infectiologie, encore insuffisamment exploitées. Nous avons les compétences, les infrastructures et les outils pour les valoriser, à condition, bien sûr, que ces projets soient à la fois collectivement enrichissants et soutenables sur le long terme. 

L’audace semble être pour vous un fil rouge…

Notre ambition est en effet d’être des pionniers, d’oser. Et cela passe par une meilleure reconnaissance de ce que nous faisons. Trop souvent, les établissements de santé innovent sans en avoir conscience, faute de culture ou de structuration dédiée. C’est précisément l’un des rôles de notre Comité Innovation, récemment rebaptisé Comité Innovation et IA : détecter les initiatives prometteuses, les faire émerger, accompagner leur passage à l’échelle, et jouer pleinement son rôle d’incubateur de l’innovation au sein de l’hôpital. Il nous faut aussi mieux communiquer. Sortir quelque peu d’une discrétion institutionnelle, valoriser publiquement nos réussites, c’est susciter l’intérêt de partenaires, de mécènes, voire de start-ups. C’est aussi nous donner les moyens d’explorer des zones d’innovation encore non financées, mais riches de potentiel pour l’avenir.

Vous évoquiez l’hôpital de demain. Comment l’imaginez-vous ?

L’hôpital de demain restera, avant tout, un lieu d’accueil universel, fidèle aux valeurs du service public. Cet engagement, exigeant, doit demeurer irréductible. Il devra conjuguer à l’excellence et la technicité des soins, l’anticipation des parcours notamment à travers la préhabilitation et l’accompagnement du retour à domicile. Cela impliquera de mieux intégrer les aidants dans ces étapes clefs, de développer la pair-aidance et de favoriser l’animation d’une communauté de patients partenaires. Pour y parvenir, l’hôpital de demain devra ainsi tisser des liens pragmatiques plus étroits avec les opérateurs sociaux et médico-sociaux, afin d’intégrer pleinement ces acteurs du parcours de vie, au cœur du parcours de soin, qu’il soit hospitalier ou de ville.

Le mot de la fin ?

S’il ne peut plus tout, l’hôpital garde le privilège de demeurer ce service public à la croisée physique des chemins (pour exemple, près de 300 000 patients gravitent autour de notre GH chaque année). Il est donc par essence un lieu de veille possible, et est le mieux placé pour devenir un lieu de détection et donc d’alerte. La composition de son corps social le rend par ailleurs plus à même de détecter la pluralité des signaux faibles de ses usagers. Fort de ces deux déterminants, l’hôpital sait initier bien souvent les réponses les plus concrètes à des problématiques sociétales souvent insolubles ou réputées insolubles. À cette fin, de nouveaux métiers et protocoles de prises en charge doivent y émerger pour se saisir des parcours les plus complexes. C’est dans cet esprit que nous lançons, depuis les consultations de la maternité des Diaconesses, un dispositif de détection des violences faites aux femmes, qui sera ensuite étendu à d’autres services. De même, nous avons créé un forum Alimentation & Santé avec la mairie du 20ème arrondissement, pour mieux articuler santé, prévention et territoire. En tout état de cause, l’avenir de l’hôpital ne se décrète pas. Il se construit, pas à pas, et repose sur notre capacité collective à innover, à coopérer, à écouter, et surtout à ne jamais renoncer à l’envie de faire toujours mieux, et parfois simplement, pour les patients.

> Article paru dans Hospitalia #70, édition de septembre 2025, à lire ici 

 





Voir également :