Actu

Baromètre 2025 Ipsos/Donner des Elles à la Santé : Des comportements discriminatoires qui persistent, des différences de perception majeures entre les femmes et les hommes, une libération de la parole encore insuffisante


Rédigé par Rédaction le Mercredi 18 Juin 2025 à 10:33 | Lu 101 fois


Alors que l’on espérait voir se confirmer les progrès entre-aperçus l’an dernier, ce sixième baromètre annuel IPSOS/ Donner des Elles à la Santé dresse un constat plutôt mitigé. Au cours des douze derniers mois, près d’1 femme médecin sur 3 estime avoir été discriminée à l’hôpital, un chiffre en hausse par rapport à l’année précédente.



Aujourd’hui, à l’hôpital, 78 % des femmes médecins déclarent s’être senties discriminées du fait de leur sexe au cours de leur carrière professionnelle, contre 87% lors de la création de ce baromètre, en 2020. Et la proportion de femmes dénonçant des comportements de discrimination ou de violence sexuelle progresse, avec 53 % des femmes ayant déjà vécu au moins une situation de harcèlement moral, sexuel ou une agression sexuelle, soit une femme sur deux au cours de l’année écoulée. Malgré l’émergence de #MetooHopital en avril dernier, la prise de conscience collective liée à ce mouvement reste limitée aux yeux des médecins et force est de constater que les chiffres de ce baromètre demeurent préoccupants, alors que la conscientisation du sujet semblait enfin derrière nous.

Des discriminations en lente diminution à partir du clinicat, mais qui restent importantes jusqu’à l’internat…

Lors de la création de ce baromètre, 87 % des femmes se sentaient discriminées du fait de leur sexe dans leur parcours professionnel. Elles sont 78 % cette année. Mais surtout, ce sentiment de discrimination ne diminue à des niveaux record qu’à partir du clinicat et sur la suite de la carrière. Avant cette étape et jusqu’à l’internat, il reste à des niveaux déjà observés au sein du baromètre.

En revanche, la diminution des comportements de discrimination « au quotidien », que l’on observait depuis 2021, marque un coup d’arrêt : les femmes les perçoivent comme étant en augmentation, contrairement aux hommes qui estiment que ces comportements sont en baisse. Près des trois-quarts des médecins hospitaliers observent que les femmes se voient reprocher de ne pas savoir s’imposer face aux hommes, qu’elles sont moins sollicitées dans les activités de représentation, qu’elles sont freinées par la maternité et qu’elles manquent d’ambition professionnelle…

Des comportements discriminatoires perçus à la hausse par les femmes médecins

Pour la première fois depuis 2021, la baisse quasi-continue de la plupart des comportements discriminatoires marque un coup d’arrêt, voire s’inverse.

Si l’on analyse les différences de perceptions entre femmes et hommes, on constate que ces derniers minimisent fortement ces comportements soulignés par les femmes, avec des écarts allant parfois du simple au double. Mais plus important, les femmes expriment le sentiment d’une progression de ces comportements discriminatoires, alors que les hommes les voient en diminution.

Comportements sexistes : un impact marqué sur la santé mentale

Les femmes dénoncent davantage ces agressions, et c’est sans doute l’effet d’une meilleure prise de conscience que ces situations ne sont plus acceptables : 53 % d’entre elles ont été concernées au cours des douze derniers mois (contre 39 % en 2024). Commentaires sur le physique ou la tenue, remarques désobligeantes sur les compétences professionnelles, questions sur la vie privée, gestes inappropriés, pressions pour obtenir des faveurs, images et messages sexuellement explicites : l’ensemble de ces items sont tous en hausse dans ce baromètre 2025.

Mais cette prise de conscience ne va pas jusqu’à générer une forte libération de la parole des femmes qui disent avoir été victimes de ces comportements : moins d’1 femme sur 10 déclare en avoir parlé à sa hiérarchie, plus de 2 victimes sur 5 n’en ont parlé à personne.

54 % des femmes ayant été victimes de ces comportements ou agressions reconnaissent que cela a eu un impact important sur leur vie, que ce soit leur niveau de stress, leur sommeil, la gestion des émotions, leurs relations avec les autres… Et 1 femme sur 4 (27 %) a développé des problèmes de santé mentale ou des troubles du sommeil. Pourtant, seules 2 % d’entre elles ont consulté un spécialiste (psychologue ou psychiatre).

L’intérêt pour les postes à responsabilité se stabilise pour la 3è année consécutive

L’intérêt pour les postes avec plus de responsabilité continue de progresser chez les femmes et rejoint quasiment le niveau que celui que l’on observe chez les hommes. Ainsi, près de 4 médecins sur 10 se sont vu proposer un poste avec davantage de responsabilités, une proportion qui reste très inférieure chez les femmes de moins de 45 ans, où elles ne sont que 37 %, quand les hommes de cette tranche d’âge sont à 58%. Des chiffres qui confirment que les discriminations se font dès le début de la carrière.

Au total sur l’année écoulée, près d’une femme médecin sur 10 s’est vu refuser un poste avec davantage de responsabilités au motif qu’elle était une femme, avec comme principales raisons évoquées la nécessité de ne pas avoir de contraintes familiales, ou le risque de tomber enceinte.

La maternité reste une difficulté dans les parcours

La problématique des congés maternité et paternité est au cœur des enjeux de carrières des médecins âgés de moins de 45 ans. Deux femmes médecins sur cinq ont évoqué le sujet avec leur supérieur hiérarchique et une sur trois s’est vu conseiller de ne pas prendre de congé maternité sur une période donnée. Avec pour conséquence des projets de grossesse retardés. Le sujet de la grossesse ou des projets d’enfants est évoqué pour 40 % des femmes (tous âges confondus), seulement pour 18 % des hommes, soit plus de deux fois moins.

Ce qui est nouveau, c’est que de plus en plus d’hommes médecins (44 %) déclarent avoir pris un congé paternité depuis le début de leur carrière, 69 % des femmes ayant pris un congé maternité. Cependant, les médecins sont encore très rarement remplacés : seulement 21% l’ont été (16 % de femmes et 27 % d’hommes), un pourcentage plus important dans les établissements privés où il atteint 33 %.

Conséquence de ces évolutions dans le souhait de prendre plus en compte sa parentalité dans l’organisation du travail : des ralentissements dans la carrière professionnelle, un item en progression de 10 points chez les femmes (55 % vs 46 % en 2024). Davantage de remarques inappropriées ou de discriminations, sentiment que ces congés ont ralenti l’évolution de carrière… tous ces items augmentent cette année !

Passer des chiffres à la mobilisation réelle : la raison d’être de Donner des Elles à la Santé

En cinq ans d’existence, l’association Donner des ELLES à la Santé a accompagné plus de 100 d’établissements hospitaliers dans le lancement de leur démarche égalité en mettant à disposition un accompagnement pour la mise en œuvre d’une charte, formalisant l’engagement des différents acteurs ainsi que la nécessité de mettre en place des indicateurs de suivi et d’établir des bilans précis, en proposant également des conseils et des outils simplifiés pour gagner du temps et favoriser la mise en place rapide d’actions concrètes. Elle a également signé avec plusieurs ARS qui se sont engagées de la même façon à ses côtés. Début 2025, elle a initié un programme de mentorat ambitieux, qui permet de croiser les générations de médecins. Elle travaille aussi sur l’organisation des carrières universitaires, la nomination aux postes à responsabilité et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Enfin elle compte prochainement élargir son action aux personnels para-médicaux, également concernés.

« Ces chiffres de 2025 nous invitent plus que jamais à l’action. Ils confirment que nous devons poursuivre notre mobilisation collective, même si nous saluons une prise de conscience qui semble se renforcer. La démarche d’égalité femmes-hommes à l’hôpital se poursuit sans relâche, pour donner aux médecins le pouvoir d’agir ensemble pour la parité. Il en va de l’efficience de ce système, de la performance de nos établissements, de leur efficience et de leur attractivité. Notre baromètre constitue donc un outil majeur pour améliorer la santé publique dans notre pays » indique le Dr Marie-France Olieric, Présidente de l’Association Donner des Elles à la Santé.




Voir également :