Pour commencer, pourriez-vous nous présenter ConsoRes ?
Dr Loïc Simon : Lancé en 2011, ConsoRes permet de recueillir les données des établissements de santé, en matière de consommation et de résistance aux antibiotiques. Plus d’une décennie plus tard, la première version était toutefois arrivée au bout de ses capacités. Une modernisation s’imposait. C’est pourquoi, dès 2023 et le renouvellement de la mission Spares par Santé publique France, une ligne budgétaire a été prévue pour la refonte de l’outil. Une fois l’éditeur sélectionné à l’issue d’un appel d’offres public, nous avons travaillé pendant près d’un an pour concevoir cette nouvelle plateforme ConsoRes, entrée en fonction en mars 2025. Les établissements de santé passent donc désormais par cette version pour nous envoyer leurs données 2024.
Quels ont été les taux de participation lors des dernières campagnes ?
La surveillance organisée par Spares s’articule autour de deux volets, la consommation des antibiotiques et l’antibiorésistance, pour lesquels les taux de participations diffèrent. Ainsi, sur les données 2022, nous avons observé 80 % de participation pour la partie consommation, et 50 % pour la résistance. La situation est un peu particulière sur les chiffres 2023, car l’outil ConsoRes n’était pas accessible au moment du recueil effectué en 2024. Nous avons donc dû utiliser des données agrégées, de moins bonne qualité. Mais cela n’était que temporaire. Avec l’entrée en fonction de la nouvelle plateforme, nous espérons bien revenir aux taux de participation de 2022, voire les dépasser : l’on a en effet appris en début d’année que la Haute autorité de santé (HAS) allait inscrire la surveillance de l’antibiorésistance dans la nouvelle version de la démarche de certification, qui s’appliquera à partir de septembre. Tous les établissements de santé français auront donc l’obligation de participer à Spares via l’outil ConsoRes. Et, même si nous n’atteindrons certainement pas les 100 % de participation dès 2025, nous espérons y arriver progressivement dans les prochaines années.
Cette surveillance devient-elle obligatoire pour les deux volets, la consommation et la résistance ?
Ce sera effectivement le cas. Et, si les données de consommations sont assez faciles à obtenir puisqu’elles sont recueillies par les pharmacies à usage intérieur, la situation est plus complexe pour l’antibiorésistance : de nombreux établissements de santé font effectuer leurs analyses de biologie médicale par des prestataires externes, et ont de ce fait plus de mal à récupérer les données. Cela explique d’ailleurs la divergence des taux de participation en fonction du volet concerné. Le recueil devenant obligatoire sur les deux axes, ces établissements devront probablement entamer une réflexion avec leurs partenaires extérieurs pour être certains de récupérer leurs données d’antibiorésistance.
Quelles sont les spécificités de la nouvelle plateforme ConsoRes ?
L’outil reste très similaire à la version précédente, mais il sera plus performant et intégrera des nouveautés, comme la prise en compte des antifongiques ou l’accentuation du recueil concernant la résistance aux carbapénèmes. Celle-ci nous inquiète particulièrement, parce qu’elle complique grandement les soins et qu’elle est en plein essor : elle double quasiment chaque année ! Il nous a donc semblé nécessaire de renforcer la surveillance sur ce champ précis.
D’autres évolutions sont-elles prévues ?
Pour l’instant non, mais nous ne nous interdisons rien. La nouvelle plateforme est très évolutive, nous pourrons si besoin intégrer un nouvel antibiotique ou renforcer des points spécifiques en fonction de l’évolution des résistances. ConsoRes bénéficiera également de mises à jour régulières par l’éditeur, auquel nous sommes liés jusqu’en 2028.
Spares suit l’évolution de l’antibiorésistance en France depuis de nombreuses années. Quelles tendances observez-vous ?
La tendance est clairement à l’augmentation de l’antibiorésistance, à la fois avec les bêtalactamases à spectre élargi (BLSE), mais aussi les carbapénèmases que j’évoquais plus haut : encore anecdotiques il y a quelques années, elles prennent clairement le pas. S’y ajoutent les résistances en provenance de pays étrangers. Tout patient ayant séjourné hors de France fait d’ailleurs maintenant l’objet d’un dépistage sur prélèvement rectal, pour savoir s’il est porteur de bactéries résistantes aux antibiotiques. Car, si l’antibiorésistance est un problème mondial, elle est parfois plus prégnante dans certains pays, notamment en Afrique et en Asie du Sud-Est. À l’échelle mondiale, la France est dans une situation « moyenne », voire « moyenne-bonne ». Mais la comparaison ne doit pas nous faire relâcher nos efforts, car l’antibiorésistance est en croissance constante dans notre pays. Les retours de l’étranger n’en sont pas la cause majeure, mais ils accroissent une pression déjà existante.
Ces dernières années, les autorités publiques multiplient justement les actions pour lutter contre cette antibiorésistance…
Cela est nécessaire, car la résistance aux antibiotiques est devenue un enjeu majeur, à tous les niveaux. Il est vrai que les objectifs de réduction des consommations antibiotiques peuvent paraître compliqués à atteindre, mais ils indiquent la direction vers laquelle le monde de la santé doit tendre dans son ensemble. La consommation d’antibiotiques est aujourd’hui sensiblement plus élevée en ville, mais l’hôpital reste un lieu critique pour l’antibiorésistance. Il accueille des personnes très fragilisées, et prend en charge des patients nécessitant parfois des antibiotiques puissants. L’antibiorésistance y est donc, de fait, plus importante. La lutte doit être menée de concert à l’hôpital et en ville, qui doivent mieux travailler ensemble en ce sens. Car il est certain que l’antibiorésistance aura de plus en plus d’impact dans les années à venir. Il s’agit d’une notion qui peut être difficile à appréhender, plus que la maladie par exemple, puisque la résistance aux antibiotiques n’est que l’état dans lequel se trouvent les bactéries à un moment donné. Néanmoins, faute de nouvelles molécules et au vu des tendances actuelles, il est à craindre qu’en 2050, de nombreux décès soient liés à la résistance aux antibiotiques.
> Article paru dans Hospitalia #69, édition de mai 2025, à lire ici
Dr Loïc Simon : Lancé en 2011, ConsoRes permet de recueillir les données des établissements de santé, en matière de consommation et de résistance aux antibiotiques. Plus d’une décennie plus tard, la première version était toutefois arrivée au bout de ses capacités. Une modernisation s’imposait. C’est pourquoi, dès 2023 et le renouvellement de la mission Spares par Santé publique France, une ligne budgétaire a été prévue pour la refonte de l’outil. Une fois l’éditeur sélectionné à l’issue d’un appel d’offres public, nous avons travaillé pendant près d’un an pour concevoir cette nouvelle plateforme ConsoRes, entrée en fonction en mars 2025. Les établissements de santé passent donc désormais par cette version pour nous envoyer leurs données 2024.
Quels ont été les taux de participation lors des dernières campagnes ?
La surveillance organisée par Spares s’articule autour de deux volets, la consommation des antibiotiques et l’antibiorésistance, pour lesquels les taux de participations diffèrent. Ainsi, sur les données 2022, nous avons observé 80 % de participation pour la partie consommation, et 50 % pour la résistance. La situation est un peu particulière sur les chiffres 2023, car l’outil ConsoRes n’était pas accessible au moment du recueil effectué en 2024. Nous avons donc dû utiliser des données agrégées, de moins bonne qualité. Mais cela n’était que temporaire. Avec l’entrée en fonction de la nouvelle plateforme, nous espérons bien revenir aux taux de participation de 2022, voire les dépasser : l’on a en effet appris en début d’année que la Haute autorité de santé (HAS) allait inscrire la surveillance de l’antibiorésistance dans la nouvelle version de la démarche de certification, qui s’appliquera à partir de septembre. Tous les établissements de santé français auront donc l’obligation de participer à Spares via l’outil ConsoRes. Et, même si nous n’atteindrons certainement pas les 100 % de participation dès 2025, nous espérons y arriver progressivement dans les prochaines années.
Cette surveillance devient-elle obligatoire pour les deux volets, la consommation et la résistance ?
Ce sera effectivement le cas. Et, si les données de consommations sont assez faciles à obtenir puisqu’elles sont recueillies par les pharmacies à usage intérieur, la situation est plus complexe pour l’antibiorésistance : de nombreux établissements de santé font effectuer leurs analyses de biologie médicale par des prestataires externes, et ont de ce fait plus de mal à récupérer les données. Cela explique d’ailleurs la divergence des taux de participation en fonction du volet concerné. Le recueil devenant obligatoire sur les deux axes, ces établissements devront probablement entamer une réflexion avec leurs partenaires extérieurs pour être certains de récupérer leurs données d’antibiorésistance.
Quelles sont les spécificités de la nouvelle plateforme ConsoRes ?
L’outil reste très similaire à la version précédente, mais il sera plus performant et intégrera des nouveautés, comme la prise en compte des antifongiques ou l’accentuation du recueil concernant la résistance aux carbapénèmes. Celle-ci nous inquiète particulièrement, parce qu’elle complique grandement les soins et qu’elle est en plein essor : elle double quasiment chaque année ! Il nous a donc semblé nécessaire de renforcer la surveillance sur ce champ précis.
D’autres évolutions sont-elles prévues ?
Pour l’instant non, mais nous ne nous interdisons rien. La nouvelle plateforme est très évolutive, nous pourrons si besoin intégrer un nouvel antibiotique ou renforcer des points spécifiques en fonction de l’évolution des résistances. ConsoRes bénéficiera également de mises à jour régulières par l’éditeur, auquel nous sommes liés jusqu’en 2028.
Spares suit l’évolution de l’antibiorésistance en France depuis de nombreuses années. Quelles tendances observez-vous ?
La tendance est clairement à l’augmentation de l’antibiorésistance, à la fois avec les bêtalactamases à spectre élargi (BLSE), mais aussi les carbapénèmases que j’évoquais plus haut : encore anecdotiques il y a quelques années, elles prennent clairement le pas. S’y ajoutent les résistances en provenance de pays étrangers. Tout patient ayant séjourné hors de France fait d’ailleurs maintenant l’objet d’un dépistage sur prélèvement rectal, pour savoir s’il est porteur de bactéries résistantes aux antibiotiques. Car, si l’antibiorésistance est un problème mondial, elle est parfois plus prégnante dans certains pays, notamment en Afrique et en Asie du Sud-Est. À l’échelle mondiale, la France est dans une situation « moyenne », voire « moyenne-bonne ». Mais la comparaison ne doit pas nous faire relâcher nos efforts, car l’antibiorésistance est en croissance constante dans notre pays. Les retours de l’étranger n’en sont pas la cause majeure, mais ils accroissent une pression déjà existante.
Ces dernières années, les autorités publiques multiplient justement les actions pour lutter contre cette antibiorésistance…
Cela est nécessaire, car la résistance aux antibiotiques est devenue un enjeu majeur, à tous les niveaux. Il est vrai que les objectifs de réduction des consommations antibiotiques peuvent paraître compliqués à atteindre, mais ils indiquent la direction vers laquelle le monde de la santé doit tendre dans son ensemble. La consommation d’antibiotiques est aujourd’hui sensiblement plus élevée en ville, mais l’hôpital reste un lieu critique pour l’antibiorésistance. Il accueille des personnes très fragilisées, et prend en charge des patients nécessitant parfois des antibiotiques puissants. L’antibiorésistance y est donc, de fait, plus importante. La lutte doit être menée de concert à l’hôpital et en ville, qui doivent mieux travailler ensemble en ce sens. Car il est certain que l’antibiorésistance aura de plus en plus d’impact dans les années à venir. Il s’agit d’une notion qui peut être difficile à appréhender, plus que la maladie par exemple, puisque la résistance aux antibiotiques n’est que l’état dans lequel se trouvent les bactéries à un moment donné. Néanmoins, faute de nouvelles molécules et au vu des tendances actuelles, il est à craindre qu’en 2050, de nombreux décès soient liés à la résistance aux antibiotiques.
> Article paru dans Hospitalia #69, édition de mai 2025, à lire ici